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jeudi 21 août 2014

Réforme de la fiscalité patrimoniale


Ajout du 28 février 2020 : remarquable interview de Stéphane Bern à propos de l'entretien et de la restauration du patrimoine.

La réforme de la fiscalité patrimoniale ne manquera pas d'échauffer les esprits l'année prochaine et tant que l'enjeu des présidentielles de 2012 aura cours. Qu'adviendra-t-il dans l'intervalle et ensuite ? Nous ne le savons pas mais une chose est sûre : bien peu de candidats prendront le risque de mécontenter ou d'effrayer ceux qui détiennent quelque patrimoine. On dira beaucoup en laissant entendre que l'on fera peu. On proclamera que l'on a révolutionné un domaine archaïque sans l'avoir pourtant effleuré. Quand la règle d'or est de ne pas déranger les intérêts d'une minorité influente, le politique n'ose plus rien.

Taxer pour quoi et comment taxer ? L'état de nos finances publiques en France justifie que l'on essaie d'augmenter les recettes tout en diminuant les dépenses. La taxation de la seule détention d'un capital a montré ses limites : des ménages modestes se sont trouvés assujettis à l'ISF du jour au lendemain, atteints par la spéculation sur les biens immobiliers. Propriétaires d'une maison bien située, ils sont devenus riches sans l'avoir vraiment cherché. En excluant la résidence principale de l'ISF, on résout certes le problème. Le faire aussi pour une résidence secondaire plairait à quelques-uns mais nuirait à tous ceux qui peinent déjà à se loger. Une voie plus prometteuse, semble-t-il, est de poursuivre et d'amplifier une politique plus ambitieuse en matière de construction et de rénovation de logements pour tenter d'enrayer la montée des prix de l'immobilier. Restent des questions : sommes-nous certains que l'embellie immobilière ne soit due qu'à la faiblesse de l'offre ? D'où vient la poussée de la demande de logement ? Est-elle inéluctable ?

Le projet France2022 va plus loin : il soutient l'idée déplaisante que notre pays n'a aucun intérêt à se lancer dans une course aux constructions nouvelles de manière inconsidérée. Déplaisante parce qu'elle semble nier a priori la nécessité d'augmenter le parc immobilier, comme si nous contestions au fond le principe intangible du "toujours plus" ou de la "forte croissance". Comme si nous cédions aux sirènes du malthusianisme alors que nous souhaitons, au contraire, que l'Etat soutienne la croissance de la population française et par conséquent du secteur de la construction (et de la rénovation) mais de façon prudente et donc sans omettre une donnée fondamentale : les résidents français ont été peu à peu "chassés" de leur habitat d'origine.

Ainsi en va-t-il de Paris intramuros, capitale dans laquelle la densité de population a évolué de manière surprenante : alors que quelques arrondissements de l'ouest et du nord parisiens ont vu leur densité de population croître, d'autres arrondissements ont perdu un très grand nombre de résidents (au profit d'occupants temporaires ou de fonds de garantie). Ce "mouvement" des résidents reste caché si l'on s'en tient à une approche globale qui agglomère les données de tous les arrondissements : on dira que Paris se vide "un peu" de ses habitants permanents alors qu'en réalité, des arrondissements étendus en superficie sont bien plus densément peuplés qu'autrefois (1872) tandis que des arrondissements moins étendus sont beaucoup moins densément peuplés (qu'en 1872).


Un simple calcul au résultat saisissant donnera au lecteur la mesure de l'ampleur du phénomène et pourra l'inciter à creuser un thème majeur de l'époque contemporaine : la question du logement puis celle de l'utilisation des locaux disponibles. Si vous calculez le nombre potentiel de résidents sur tout le territoire de la métropole française en prenant comme base la densité de population de l'arrondissement le plus densément peuplé en 1872 soit 76 656 habitants au kilomètre carré dans le troisième arrondissement de Parisce (source wikipédia), vous obtenez un peuplement de toute la France supérieur à 40 milliards d'habitants (76 656 * 550.000) !

Dans certaines régions touchées par la récession économique, les promoteurs ont constaté que l'offre de logement ne trouvait pas suffisamment d'acquéreurs tandis qu'en région parisienne, où la population afflue à la recherche d'un bassin d'emploi solide, la pénurie de logements s'accentue alors même que Paris intra muros a pu abriter, par le passé, beaucoup plus de résidents qu'à l'heure actuelle dans certains arrondissements (cf. le paragraphe "répartition de la population" sur Wikipédia).

L'Ile de France fait un effort de construction immobilière mais dans une direction dangereuse pour notre territoire : couverture de terrains à vocation agricole par des bâtiments peu élevés. Nous reviendrons ultérieurement sur la gravité de cette situation pour concentrer notre attention sur une donnée oubliée : la population française dispose aujourd'hui d'un parc immobilier sous occupé et dont la propriété est mal distribuée. Pour corriger l'aménagement parfois anarchique de notre territoire et la disparition de sols d'intérêt général (terres agricoles ou terrains libres de toute construction dont l'artificialisation excessive pose de graves problèmes économiques, sociaux et environnementaux), le projet France2022 défend la mise en place d'un calcul du taux d'occupation des logements. Ce taux sera un facteur à prendre en compte pour l'octroi des permis de construire et il entrera dans le calcul de l'imposition patrimoniale.

Pour éviter une complexité qui entraînerait l'irritation des citoyens et l'inefficacité de l'administration, le calcul du taux d'occupation ne cherchera pas l'exactitude absolue mais une approximation de bonne qualité. Dans sa déclaration annuelle de revenu, chaque foyer fiscal fera état des biens immobiliers dont il aura été propriétaire et/ou locataire dans l'année et il indiquera à l'administration la fraction d'occupation du foyer sur chacun de ces biens. Comme pour l'heureuse (pas pour tout le monde ...) disposition concernant les revenus, cette déclaration sera pré-remplie à l'aide de données collectées par d'autres voies : déclarations locatives au niveau municipal notamment.

Il ne faudrait pas s'enthousiasmer ou se raidir trop vite à la lecture d'une telle proposition : l'essentiel n'est pas dans le calcul d'un taux, aussi parfait soit-il. Dans un monde où nous prenons conscience des limites de nos ressources, nous ne parviendrons à une meilleure adéquation des besoins et des produits disponibles qu'à la condition d'augmenter notre connaissance des emplois des biens déjà existants. Atteindre un objectif aussi ambitieux demande d'établir des priorités. Le logement et l'immobilier en général (bureaux et établissements scolaires), est certainement la priorité n°1. Les moyens de transport constituent la priorité n°2.

A partir d'une connaissance plus fine de l'emploi du patrimoine, il devient possible d'établir une règle de taxation qui pénalise le sous-emploi et allège l'imposition des emplois au-dessus d'une norme de référence. Il s'agit donc d'abord de fixer l'orientation principale de la fiscalité patrimoniale : non pas un moyen de combler les caisses d'un Etat dispendieux ou imprévoyant mais un outil de régulation des fortunes qui limitent l'accumulation abusive des biens immobiliers par les uns et l'appauvrissement du plus grand nombre. Nous entendons ici fortune comme le rapport entre la possession et l'usage (et un usage qui soit une occupation effective en excluant donc un usage spéculatif du bien ou même l'usage de ce bien comme fond de garantie).

Pour donner une idée rapide de la fiscalité envisagée, on peut la présenter comme une taxation du rapport mètres carrés occupés (dans le temps) sur mètres carrés disponibles (dans le temps). Ce premier volet d'imposition a pour but de restreindre la disparité des taux d'occupation et les écarts entre les foyers fiscaux d'une part et les régions françaises d'autre part. Un second volet fiscal, fondé sur la taxation des revenus des biens immobiliers, aura pour objectif de limiter la hausse abusive des loyers. Il sera construit sur des effets de seuil visant à décourager un propriétaire de franchir des limites déraisonnables. Pour accroître l'efficacité du premier volet, le second volet peut tenir compte du taux d'occupation : plus l'emploi est faible, plus le propriétaire est autorisé à dépasser les limites ; plus l'emploi est fort, plus ce dépassement est contenu.

Toute personne informée des questions vitales pour une société avancée comme la nôtre comprend, en filigrane, que de telles dispositions ont d'autres buts (et pas seulement écologiques dans un sens étroit voire malthusien) : la France ne dépassera la crise actuelle qu'en se distinguant par une politique largement en faveur de la vie et, par conséquent, qui favorise l'accueil des enfants, des vieillards, des jeunes foyers et des familles. Il serait vain d'ailleurs d'augmenter ou de modifier l'imposition du patrimoine si l'on renonçait à en faire une arme contre la désespérance ou la morosité ambiante : on ne ferait qu'alourdir les charges des uns sans alléger celles des autres. Concrètement, il nous faut parvenir à un dispositif qui réduise les contributions locatives d'un foyer fiscal qui s'enrichit de la venue d'une personne, qu'elle soit âgée ou qu'elle babille. En bref : dès que le taux d'occupation d'un logement augmente, son loyer ... diminue par compensation fiscale.

Après ce rapide tour d'horizon, il nous faut creuser la question de la fiscalité patrimoniale en déplaçant le sujet : le principal enjeu, même s'il paraît crucial aujourd'hui, n'est pas de remplir des caisses publiques vidangées, il n'y pas d'autre terme, par des politiques irresponsables. La question de fond est celle-ci : sommes-nous prêts à inscrire la question patrimoniale au coeur de la complexité moderne ? Sommes-nous prêts à utiliser les moyens techniques nouveaux pour améliorer notre connaissance du patrimoine privé et public des Français ? Et cela, non seulement à propos des stocks et des flux mais également des emplois. Sommes-nous prêts à lutter contre le réflexe stratégique de tout corps qui se sent menacé : cacher une partie de ses ressources et de ses revenus, jouer sur ses déclarations pour éviter d'être déplumé. Réflexe animal, sinon humain, qui pousse au mensonge alors que le gouvernement d'une société de plus en plus complexe demanderait au contraire un surcroît et même un sursaut de vérité. De la qualité de la déclaration patrimoniale, de sa conception jusqu'au recueil des informations, dépend pour une bonne part le salut de nos finances publiques trop souvent pilotées sur la base de flux et ne s'intéressant aux stocks que d'une manière maladroite et peu efficace (ISF). Au bout du compte, la paix et la prospérité en France résulteront de l'effort sans précédent que nous voudrons bien consentir pour améliorer notre connaissance solide (et donc aussi exacte et exhaustive que possible) des biens que nous possédons, que nous employons et que nous détruisons. Notons à ce propos et au sujet d'un thème critique pour une conscience encore éveillée que la destruction d'enfant avant le terme de leur naissance est l'un des maux dont les conséquences sont redoutables. Les sociétés qui l'ont pratiquée depuis plusieurs décennies finissent par en mesurer le poids écrasant (la dictature du parti en Chine notamment).

Avant même d'envisager de nouvelles taxes, de nouvelles niches, ... nous aurons à toiletter et à réformer tout ce qui limite la connaissance vraie de la situation patrimoniale des corps de la République. Il conviendrait donc de parler d'abord de la "réforme de la déclaration patrimoniale" en la détachant de "la réforme de la fiscalité patrimoniale" même si les deux réformes sont évidemment liées.

Paragraphe ajouté après septembre 2011 :


Ne pas améliorer la connaissance patrimoniale avant de réformer le système de prélèvement c'est prendre le risque d'adopter des mesures inutiles et nuisibles comme le révèle l'analyse fine des conséquences de décisions fiscales hâtives, mal pensées et finalement contre productives. Cf. par exemple : http://www.atlantico.fr/decryptage/plan-rigueur-immobilier-classes-moyennes-174339.html


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