TRANSLATE

dimanche 27 juin 2010

France 2022 : La nécessité de la prière


                                               "Nous avions mérité de ne pas prier ;
                mais Dieu, dans sa bonté, nous a permis de Lui parler."

Saint Curé d'Ars


"Prier, ce n'est pas tout. Il faut prier en action."

Sainte Marie-Eugénie de Jésus


Prier peut être présenté comme une obligation morale : louer son Créateur, le remercier pour ses bienfaits, l'invoquer pour un secours, ... quoi de plus normal et d'élémentaire, semble-t-il, pour celui qui croit en l'existence de Dieu et, plus encore, en sa présence agissante dans le monde. Ici, nous allons nous situer sur un autre plan puisque nous évoquerons la prière en lien avec l'action politique. Sur ce plan, nous n'aborderons que la prière personnelle, secrète, non ostentatoire.


Chacun est en mesure de se dire : "Que je pense ou que j'agisse, je finis toujours par découvrir les limites de mon propre entendement". La confrontation avec d'autres intelligences apporte parfois un supplément de lumière quand il nous arrive de ne pas savoir par où commencer, de ne pas savoir comment poursuivre ou achever un travail.


Par "limites de l'entendement", nous n'entendons pas seulement : "limites de la raison". Ce serait courir le risque de réduire la prière à un dépassement de la raison : chaque fois que notre raison serait en panne, nous n'aurions plus qu'à prier.

Dans l'opposition classique entre foi et raison et dans les tentatives de réconciliation, il manque le plus souvent une définition claire de ce que l'on entend par raison. Nous proposons ici d'en limiter le sens en s'inspirant de sa signification mathématique : la raison, faculté de l'intelligence parmi d'autres, nous fait progresser, avancer pas à pas sur un chemin déjà balisé. Il devient alors évident que cette seule faculté ne suffit pas. Il manque au moins une faculté d'orientation, celle qui permet de choisir le chemin sur lequel s'engager. 

Creuser les distinctions montre que l'intelligence humaine est multiforme. En voici une parmi d'autres : l'intelligence humaine est à la fois mélodique et harmonique. Quand elle est puissamment mélodique, nous percevons dans son expression des facilités et des merveilles qui nous surprennent. Quand elle se déploie harmoniquement, nous sommes fascinés par la profondeur de ses accords. Mélodique, elle nous entraîne. Harmonique, elle nous invite à la contemplation.

Que l'on pense ou que l'on agisse, on finit de surcroît par découvrir les limites de sa volonté. Etre persuadé du bien fondé de s'engager sur un chemin et d'y progresser ne suffit pas pour le parcourir, s'y maintenir, aller jusqu'au bout, dépasser les obstacles, ... : il y faut des sursauts de volonté, de la ténacité, de la hardiesse, du courage, ... Les circonstances ne manquent pas qui vous apprennent ou vous rappellent que vous n'êtes pas un surhomme.

En se présentant comme nouveau candidat, quel opposant au pouvoir en place montrera aux électeurs cette grandeur d'âme qui ne cède pas à la facilité d'une critique outrageante, hystérique ou simplement excessive voire mensongère ? Il est certain que l'époque contemporaine laminera tous les politiques qui verseront dans l'outrance et se révéleront incapables d'établir un bilan critique qui soit à la fois juste, complet et non partisan. Engagé dans le combat des idées, enivré par la quête du pouvoir, le politique qui ne prie pas demeure incapable de formuler des critiques pertinentes : il se laisse emporter par la vindicte et il passe son temps à dénoncer. La prière incessante redonne au coeur tourmenté le sens de la louange et de l'admiration. Elle lui apprend aussi à juger avec sagesse, à critiquer intelligemment et de manière constructive.

Pour faire entrer concrètement la louange dans l'action politique, nous pouvons compter sur la bonne volonté des âmes qui comprennent mais nous devons aussi prévoir des dispositions pratiques qui contraindront les plus récalcitrants. Il s'agit, ni plus ni moins, de modifier en profondeur la façon de conquérir les places fortes de notre démocratie élective. Chaque prétendant à un trône quelconque sera désormais tenu d'établir un vrai bilan de l'action de celui qu'il a l'intention de remplacer : un bilan qui n'omettra pas de signaler les points positifs et qui, pour chaque point qu'il aura perçu comme négatif, précisera les mesures qu'il entend prendre à l'avenir pour remédier aux carences qu'il aura relevées. C'est évidemment beaucoup plus contraignant et difficile que de se livrer à un pilonnage abusif ou mensonger des positions adverses. Cela est même au-dessus des forces de tout politique qui n'aurait pas l'habitude de se recueillir en silence et de prier dans le secret.

L'esprit qui s'est fortifié dans la prière perçoit la réalité avec une acuité et une bienveillance qui éloignent de lui la tentation d'accuser : conscient de la complexité du réel et des forces qui sont en jeu, il se garde de séparer les hommes en bons et en méchants ; il laisse à Dieu la faculté de juger en dernier ressort. Il cherche au contraire à imiter la miséricorde divine.

Si la réception de l'héritage - sa perception et la façon d'en parler - exige d'être assidu à la prière, sa transformation demande tant de lumières que nul ne peut espérer y contribuer sans redoubler d'efforts dans l'écoute des paroles dont le sens dépasse l'entendement humain. L'action politique tire sa noblesse de son adhésion à un projet qui embrasse toute l'humanité. Au fur et à mesure que la terre se peuple et que les interactions entre les pays s'intensifient, comment s'imaginer que la conduite des affaires publiques puissent encore échoir à des personnes qui ne prennent pas le temps d'élargir leur conscience aux dimensions de la planète et de l'univers ? Ceux qui se perdent dans la misère de l'accusation à outrance, de la médisance ou de la calomnie, comment peuvent-ils espérer se voir confier des missions qui exigent un regard d'amour universel et une compassion de chaque instant ?

Un esprit simplement raisonnable a le droit de contester l'existence d'un projet auquel l'action politique aurait à participer : comment la raison, seule, serait-elle capable, sans le secours de la prière, de découvrir les enjeux, l'étendue, les tenants et les aboutissants de ce projet ? Dès qu'un être doué d'intelligence se donne la peine d'entrer sur le chemin de la prière, il découvre sa double appartenance : d'une part, il est de son temps, en un lieu donné, membre d'une communauté terrestre ; il appartient d'autre part à un monde où se tissent, sur la trame des jours, des liens invisibles. La frontière entre terre et ciel n'est pas une ligne de séparation entre deux réalités étrangères l'une à l'autre. Une seule vie anime ces deux royaumes même si elle se déploie selon des modalités différentes.

Assidu et fidèle à la prière, le coeur de l'homme échappe aux pièges de la volonté de puissance et résiste au démon de l'accusation.

Pour aller plus loin : http://jesusmarie.free.fr

lundi 7 juin 2010

France 2022 : Faims des hommes



                              
                                "On peut dire schématiquement
que le monde ne dort plus, 
                                l'une de ses moitiés 
tenue éveillée par la faim
                                et l'autre par la peur des affamés."



                                                                                 Abbé Pierre





Alors que les hommes s'inquiètent de plus en plus pour l'avenir de la planète "Terre", dégradée, épuisée, salie par la course en avant de nos appétits, comment rassasier les hommes en évitant les désastres écologiques et sanitaires ? 

Comment conjurer cette peur de manquer qui gagne le coeur de ceux qui estiment que nous sommes déjà trop nombreux et que nous allons vers une pénurie généralisée : manque d'énergie, manque d'espace, manque de nourriture, manque de matières, ... ?

Une histoire destinée aux enfants raconte la guérison d'un tyranosaure qui ne pouvait s'empêcher de dévorer ses amis. Un rat lui apprend à préparer un repas et à se nourrir autrement. Si chacun de nous consentait à réorienter ses faims, le monde connaîtrait une plus grande paix et l'angoisse du lendemain cesserait d'être lancinante, paralysante et encombrante.

Le politique, seul, est impuissant pour endiguer le désarroi des hommes de ce temps. Le démagogue comme l'alarmiste parle dans le vide : chaque citoyen tend à vivre au jour le jour. "Advienne que pourra ... Après moi le déluge ... Les hommes trouveront bien comment s'en sortir ...". 

Grande est la tentation de remettre à plus tard les orientations et les actions qui pourraient préparer un avenir moins sombre. Grande est la tentation aussi de penser et d'agir comme si l'homme était de trop sur une planète où tout irait tellement mieux s'il n'était pas là. Après la "mort de Dieu", allons-nous assister à "la mort de l'homme" ?

Le premier pas pour sortir du marasme mental où nous sommes consistera à ne pas vouloir mettre du cyclique partout. Ce n'est pas parce que la vie sur terre s'organise autour de cycles fondamentaux (cycle de l'eau, cycle des échanges gazeux entre le monde animal et le monde végétal, chaîne alimentaire, ...) que nous devons tout penser en terme de régime circulaire. Il nous faudra toujours garder à l'esprit que la venue de l'homme introduit une discontinuité dans l'histoire de l'univers. Plus exactement, l'apparition de l'homme rappelle que l'univers a eu un commencement et qu'il aura une fin : il ne tourne pas en rond. Les répétitions que nous pouvons observer n'épuisent pas la variété des phénomènes qui s'inscrivent dans des processus réversibles ou irréversibles. Sortant d'une vision mythique du monde où s'exprime finalement la peur du changement, nous cesserons de nous alarmer de manière excessive des transformations inéluctables de notre environnement. Il est clair par exemple que l'expansion des hommes engendre le recul des formes de vie sauvages. Où l'humoriste notera au passage qu'en terme de sauvagerie, l'homme se défend bien. Quand le vautour, l'ours ou le loup deviennent plus rares, l'humanité n'oublie pas de les (mal) imiter en donnant naissance à quelques prédateurs bien plus redoutables.

Quand nous passons à table, un surcroît de vigilance nous donne de sortir de la routine. La variété des plats pour les mieux lotis ne suffit pas à produire ce réveil. La nécessité, la répétition et même la monotonie risquent d'arracher de notre coeur l'élan de reconnaissance manifestant que nous sommes pleinement conscients de la succession et de la somme des efforts qui ont rendu possible notre restauration. Pour ceux qui ont encore l'audace, l'énergie ou la simple habitude d'y penser, dire quelques mots pour bénir la table et ceux qui l'ont préparée, les engage sur un chemin qui dépasse l'entendement immédiat. Tandis que leurs lèvres prononcent des paroles banales semble-t-il, le coeur intelligent comprend toute la portée de la bénédiction. Elle s'étend à une multitude d'hommes et de femmes qui, par leur travail quotidien, engendrent le miracle d'une table bien garnie. Cela est vrai aussi bien dans une économie d'interactions multiples que dans des systèmes plus archaïques où dominent la cueillette, la pêche et la chasse.

Passer du temps à explorer les circuits des aliments et des accessoires de la table, à retrouver en pensée la chaîne des métiers et des savoirs faire, à visiter par l'imagination les lieux et les temps des travaux nutritifs est une source de joie et de jubilation qui rassasie l'âme et chasse du coeur de l'homme toute peur infondée : tout concourt au bien de celui qui apprend à reconnaître la structure de prime abord invisible d'un monde, pensé et organisé pour cet être vivant tenté de se prendre autant pour le roi de l'univers que pour la chose la plus abjecte.