TRANSLATE

samedi 23 novembre 2019

France2022 : Lettre ouverte aux agents de la fonction publique (2ème édition et compléments)



Pour un délinquant, 
les premiers témoins d'humanité 
sont souvent les flics, 
les gendarmes, les juges, les éducateurs.
Ces métiers sont ingrats et difficiles, c'est vrai. 
Ils sont aussi primordiaux.
Un flic qui propose gentiment un sandwich, 
qui offre une boisson 
et qui ne traite pas un suspect comme un chien, 
on s'en souvient.
Dans un interrogatoire, 
une véritable affinité peut surgir. 
J'en ai été témoin. 
Les punisseurs peuvent être 
des semeurs de prévention. 

Lettre ouverte à mon père, 
Président de la France






Voir aussi cette excellente vidéo de Thierry Casasnovas 
sur le thème de la semence : "Sème la vie".



A l'approche de la grève générale du 5 décembre 2019 et en écho aux propos imbéciles du général Georgelin, cette lettre est rééditée et complétée (mentions en rouge dans le texte).


Appel à la démission de Jean-Louis Georgelin qu'il vaut la peine de reproduire ici in extenso :


Ne fermons pas nos gueules – Communiqué


DpA condamne fermement les propos vulgaires et injurieux prononcés par le Général Georgelin à l’encontre de notre confrère l’ACMH Philippe Villeneuve. DpA apporte son soutien inconditionnel à notre confrère ainsi qu’à tous les ACMH qui ont été remis en cause par ces propos déplacés.
Non Général, tout agents de l’Etat qu’ils sont, les ACMH n’ont pas à « fermer leur gueule », nous ne sommes pas dans votre caserne ! Ce sont des experts dont le statut doit les protéger de toute influence, et il doit le protéger aussi des gens comme vous, Général ! Philippe Villeneuve est plus à même que vous « d’ouvrir sa gueule », car c’est un architecte qui a étudié les monuments historiques, il connaît Notre Dame dans ses moindres détails, son avis doit être entendu et respecté pour ce qu’il est : l’avis d’un expert. C’est comme cela, Général, qu’on mène un débat serein, pas en marchant au pas !
Au-delà du caractère injurieux du propos, il s’agit d’une tentative de caporalisation de notre profession à travers le dispositif mis en place par Macron avec le général et sa « mission ». Il bafoue les règles de l’art dans le domaine des monuments et vise à instituer l’exemple de nouveaux rapports dans la profession ! Ce qui a déclenché la colère légitime des architectes, c’est le fait qu’il veuille remettre en cause la compétence et les prérogatives de l’architecte des monuments historiques, et qu’un Général soit placé par le Président pour le court-circuiter et qu’il se sente légitime pour lui imposer d’autres règles : c’est un véritable affront pour toute la profession !
DpA soutient la pétition en ligne initiée par un collectif d’architectes appelant à la démission du Général Georgelin et invite tous nos confrères à la signer sur :



Chers compatriotes, agents de la fonction publique,


1. Cette lettre fait suite à la tribune : Eloge de la fonction publique du projet France 2022. Dans les temps que nous allons vivre, chaque citoyen français aura besoin d'un surcroît de vigilance de votre part. Vous pouvez devenir des remparts contre les déferlantes qui s'abattent sur notre pays et menacent, de toutes parts, ce qui est fragile, ce qui paraît négligeable, ce qui n'a aucun prix aux yeux d'un monde en perdition mais qu'un monde qui souffre dans les douleurs de l'enfantement est capable d'apprécier à sa juste valeur.

2. Voilà plus de quarante ans, une loi scélérate, la dépénalisation de l'AVG (arrêt volontaire de grossesse), a rendu vos missions de plus en plus difficiles à exercer. En apporter la preuve complète ici serait trop long mais, en deux mots, nous pouvons affirmer ceci : à partir du moment où les plus faibles d'entre nous ne sont plus protégés par la loi, tout l'édifice juridique menace ruine puisque toute disposition protectrice prescrivant ce qui est légal est censée protéger ceux qui n'ont pas les moyens de se défendre contre de plus forts qu'eux. Pour vous qui êtes aux avant-postes des crises majeures que traverse notre pays, les preuves accablantes des ravages de l'IVG sont votre lot quotidien. Nul besoin de s'y attarder ici. Vous en êtes les témoins chaque jour.

3. Cette loi inique a engendré la plus grande confusion, notamment entre le légitime et le légal. A partir du moment où l'illégitime - le meurtre d'un être humain dans le sein de sa mère - est rendu légal, toute action illégitime s'engouffre dans la brèche ouverte pour réclamer son dû, ses dérogations, ses passe-droits, ses privilèges : des arguments qui la justifient, des dispositions juridiques qui l'entérinent, des mensonges qui la revêtent de légitimité factice. Et ce, au nom de principes généraux tournés en dérision : la liberté, l'égalité, la fraternité, ... Au nom de la liberté pour une femme de disposer de son corps, lui est accordée la liberté de faire exécuter celui qu'elle porte. Le comble de l'horreur quand on prend le temps d'y réfléchir et une forme de suicide pour elle qui se prive ainsi d'un trésor, en dépit des apparences immédiates car l'enfant, même non désiré ou inattendu, même gravement handicapé et a fortiori en bonne santé, n'est pas seulement un poids, une charge, un souci, une contrainte, ... mais il porte un message d'une importance capitale pour qui veut bien l'accueillir et l'entendre.

4. Quand l'illégitime devient légal, on peut s'attendre à ce que le légitime devienne illégal ou que le légal perde sa légitimité et son autorité. Par exemple, s'opposer à la culture de mort qui a envahi la France depuis 1975 (voir à ce sujet la tribune : "Abolition de la mort des tout petits en gestation"). Opposition qu'un Etat dévoyé cherche de plus en plus à sanctionner et même à rendre passible de condamnation pénale. Autre exemple d'une brûlante actualité : la multiplication des propositions pornographiques dont la loi est censée protéger les mineurs mais que nul rempart sérieux ne préserve désormais.

5. Pourquoi est-il devenu si difficile en France d'enseigner, de secourir, d'arrêter les actes de violence, de protéger les hommes, les femmes ou les enfants maltraités, de défendre les sans grades et les exclus, de faire respecter de simples règles de civilité ou de politesse usuelle, de sanctionner les actes délictueux ... ? Serait-ce parce que le monde tendrait inéluctablement vers un état de délabrement ? Serait-ce en raison de l'entropie de tout système physique fermé ? La vie n'est-elle pas cependant, par essence, néguentropique ? Notre monde, à l'échelle humaine, n'est-il pas ouvert ? Serait-ce parce que les hommes et les femmes de ce temps seraient pires qu'autrefois ? Parce que tout fout le camp ? Parce que les fonctionnaires et autres agents de la fonction publique ne travailleraient pas assez ? Parce que nos sociétés tendraient vers toujours plus de violence manifeste ? (ce qu'une étude statistique dément formellement sous le titre "paradoxe de la violence" dès lors que l'on ne tient pas compte de la violence la plus cachée ou tout simplement niée comme l'avortement ou le trafic d'organes ou l'esclavage).

6. A la réflexion, on s'aperçoit que les réponses à courte vue ne rendent pas compte du phénomène engendré par la libéralisation de l'avortement : lorsque les personnes sans défense ne sont plus protégés par la loi, chacun d'entre nous risque, un jour ou l'autre, de tomber sous le coup d'une condamnation imbécile, d'une action meurtrière, d'une basse manoeuvre et tout délinquant potentiel ou actif aura beau jeu ensuite de comparer ses méfaits à ceux de médecins criminels. Quand il aura brûlé des voitures, braqué une banque, détroussé de riches marchands ou de pauvres vieillards ; quand il aura violé, ... il pourra toujours se placer au-dessus de ces bourreaux des temps modernes et faire valoir qu'il n'a pas été jusqu'à tuer un sans défense dans le sein de sa mère. Comparaison orgueilleuse et scandaleuse, évidemment, mais qui ouvre la porte d'une rédemption possible : quand des professionnels de santé sans âme ou épris de fausse générosité s'en prennent sans remord à des vies pleines de promesses, même celui qui a du sang sur les mains par égarement, vanité ou violence trop ordinaire, peut espérer sortir un jour d'un cycle infernal à condition de trouver sur son chemin un visage d'humanité et d'entendre enfin une parole qui lui montre une direction salutaire : le meurtre n'est jamais la fin d'une histoire dès lors que le pardon parvient à frayer son chemin au milieu des embûches que dressent sur son passage l'ignorance, l'orgueil, le ressentiment, l'amertume ou l'arrogance. 



7. Comment pouvez-vous, dans l'exercice de vos fonctions publiques enrayer l'hémorragie qui entraîne la France et l'Europe dans une impasse et les conduit au suicide tout en les incitant à se replier ? Chacun d'entre vous trouvera les moyens qui conviennent le mieux aux contraintes et aux latitudes de sa situation. Soyez "prudents comme des serpents et simples comme des colombes" (Mt 10, 16). Ne prenez pas le risque de vous exposer en solitaire et dangereusement même pour une cause aussi noble que de défendre tous ceux qu'un monde devenu fou élimine ou tente d'éliminer. N'agissez pas seul, non seulement pour vous soutenir mutuellement mais encore pour déterminer ce qu'il convient de faire au cas par cas.

8. Votre champ d'action est beaucoup plus vaste qu'il n'y paraît au premier abord. Vous pouvez donc agir en faveur de la vie de tous sans mettre en péril votre carrière et ceux qui dépendent de votre travail car il ne s'agit pas d'abord de contester des dispositions légales mortifères mais de faire en sorte qu'elles ne trouvent plus d'écho dans la société civile et tout fin connaisseur de la fonction publique sait que le soi-disant impossible pour ces haut-gradés (qui se réservent les coups de maître, les interventions d'éclat à fort retour d'investissement ou les manoeuvres subtiles qui étoffent le réseau des bons copains ...) devient possible pour un agent lambda de la fonction publique qui ne se laisse pas arrêter par des freins imaginaires et n'a cure de sa renommée : un texte de loi mauvais, un règlement administratif médiocre, ... n'empêche pas un fonctionnaire intelligent et déterminé d'agir dans le sens d'un bien supérieur et ne lui interdit pas de "semer la vie" jour après jour. En l'occurrence : choisir la vie d'un être en gestation plutôt que de se rendre complice de son élimination et de sa destruction.

9. Voici l'un des points de vigilance qu'il vous faudra tenir, contre vents et marées : vous "battre" sans relâche pour que le gouvernement français ne réduise pas le nombre des agents de la fonction publique à la portion congrue. Une conception erronée de l'organisation des sociétés dites avancées tend en effet à vouloir réduire de plus en plus la fonction publique en usant de mille prétextes aussi fallacieux les uns que les autres : possibilités nouvelles d'automatiser certaines tâches, manque d'argent public, amélioration de la qualité des services par mise en concurrence, ... Chacun de ces arguments peut être valable dans un contexte donné et peut être contesté dans d'autres situations. Vous "battre" intelligemment, bien sûr, c'est-à-dire en veillant toujours à ne pas braquer contre vous les bénéficiaires de vos services. Vous "battre" avec honnêteté c'est-à-dire en justifiant vos actions par des raisons solides qui se fondent non pas seulement sur la défense de vos propres intérêts mais aussi sur la sauvegarde de l'intérêt général, du bien commun et toujours en vue d'un bien supérieur ou d'un moindre mal. Cette approche permet d'échapper au manichéisme qui prétend tout régler par l'opposition entre le bien et le mal car, si cette séparation est essentielle pour le discernement et pour le jugement, toute conduite effective et affective honnête trace le plus souvent son chemin dans un maquis où se mêlent le bon grain et l'ivraie, un maquis où il faudra choisir entre deux maux le moindre, entre deux biens, le meilleur.

10. Dans votre défense d'effectifs et de moyens bien calibrés, ne vous laissez jamais intimider par les tenants d'une dérégulation touts azimuts qui estiment que tous les autres sont de trop sur cette planète sauf ... eux-mêmes ! Ne vous laissez jamais impressionner par tous ces indispensables qui ne voient dans les autres que des pions interchangeables, des coûts soi-disant insupportables et qui oublient de mettre en balance les dépenses et les recettes. S'ils savaient compter, il y a longtemps qu'ils auraient mis fin au massacre des saints innocents ... Si leurs raisons étaient vraiment valables, ils auraient, depuis belle lurette, fait en sorte que la dette publique ne s'envole pas ; ils ne dépenseraient pas sans compter les deniers publics pour leurs petites affaires personnelles ; ils n'auraient pas, dans certaines circonstances scandaleuses, brader le patrimoine public au bénéfice de quelques intérêts privés tout heureux de mettre la main sur des pépites de grande valeur ou des poules aux oeufs d'or de la France.

11. Deuxième point de vigilance : résistez sans crainte et farouchement à toute tentative de prédation de l'espace public et de ses trésors par des acteurs qui vont profiter de la faillite imminente de l'Etat français pour s'emparer des "joyaux de la couronne". Comme en 1940, lors de l'évasion de l'or de la Banque de France, vous aurez à faire preuve de beaucoup d'ingéniosité et de sang froid pour mettre à l'abri du vol ce qui peut être encore sauvegardé. Des missions exaltantes vous attendent : veiller sans cesse sur un patrimoine français exceptionnel, accumulé par des générations d'hommes et de femmes prévoyants qui pensaient à long terme et ne raisonnaient pas seulement en terme de rentabilité maximale à très court terme.

12. Méfiez-vous comme de la peste de ces prestataires externes sans scrupules, de ces consultants malhonnêtes (il en existe d'honnêtes, bien sûr) qui fourbissent des formules magiques et prétendent connaître mieux que vous le fonctionnement d'une administration et qui ne pensent, au fond, qu'à plaquer leurs recettes peut-être excellentes pour une organisation soumise à une concurrence internationale mais sans intérêt pour un service public de qualité qui n'a pas pour point de mire un profit juteux au détriment des plus pauvres mais qui est d'abord animé par le souci de répondre aux plus nécessiteux comme à ceux qui ne manquent de rien en respectant un principe élémentaire d'équité et selon des procédures dont les contraintes manifestent de nobles exigences. S'il est certes possible aujourd'hui de bâtir des systèmes d'information performants, rien ne remplacera jamais le sens de l'écoute, la capacité de voir d'un coup d'oeil exercé ou d'entendre d'une oreille attentive le besoin primordial d'une personne sollicitant vos services ou livrée à votre pouvoir régalien.

13. Dans toutes vos missions, pensez à redécouvrir ce que l'on appelle "la grâce d'état", ce supplément d'âme, d'esprit et de vigilance qui permet à toute personne missionnée par une autorité, digne de l'être, d'accomplir des merveilles dans l'exercice de ses fonctions. Cette grâce d'état communique à qui veut bien la connaître, la recevoir et s'en saisir, des "pouvoirs" qu'il n'aurait pas autrement. En un mot, d'exercer les sept dons de l'Esprit Saint : don de conseil, d'intelligence, de science, de sagesse, de crainte, de force et de piété, dons qui ne sont pas réservés aux seuls baptisés (puisque l'Esprit souffle où Il veut) même si les sacrements du Baptême et de la Confirmation permettent d'en accueillir toute la plénitude et de leur faire porter beaucoup de fruits de paix, de justice, de joie.

14. En découvrant toujours plus ce qui fonde votre rôle et ce qui peut soutenir votre action, vous pourrez rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est en Dieu sans vous laisser brider par des dispositions hasardeuses et même nuisibles. Rien ne doit vous empêcher d'exprimer vos convictions profondes, que vous soyez avec un patient, un élève, un contribuable, un contrevenant, un quidam ... car sinon s'établit une frontière artificielle entre les croyances qui seraient tolérables dans l'espace public et celles qui ne le seraient pas ! comme s'il était plus dangereux d'annoncer la Résurrection du Christ que de prôner un régime alimentaire, une ablation d'organe ou une contraception chimique finalement nuisibles, de se dire musulman que de croire qu'un élève est un cancre, qu'il le restera et de lui asséner cette "vérité" qui démontre simplement l'incapacité de l'enseignant à porter un regard d'espérance sur un sujet encore jeune ; comme s'il était plus répréhensible de vous affirmer juif pratiquant ou membre de toute autre religion que de mettre en oeuvre une méthode de soin, d'éducation, de contrôle ... aux fondements incertains comme le sont la plupart des méthodes profanes d'origine humaine : excellentes dans certains champ d'application, elles peuvent s'avérer inopérantes et même désastreuses en dehors de ces champs. Une simple croyance aura pu vous faire passer d'un champ d'application valable à un autre, totalement incongru et ce, sans crier gare. 

15. Ainsi, prenez le temps d'approfondir ce qui vous anime au tréfonds de vous même. Vous rencontrerez, en vous et autour de vous, une multitude de croyances de tous ordres que nombre de citoyens seraient bien en peine de valider ou d'invalider. Ainsi, croire en ce début de XXIème siècle que les croyances dites religieuses seraient les moins aptes à occuper l'espace public est bien une croyance et une idée fantaisistes ! Les croyances religieuses sont de celles qui ont été le plus éprouvées au cours des siècles et bien davantage qu'une ribambelle de croyances païennes et profanes qui plastronnent dans le domaine public en se targuant d'être indubitables ou en se présentant comme remèdes quasi universels quand elles n'ont pas le toupet de prétendre balayer des vérités d'une très grande solidité et admises par les générations antérieures, depuis la nuit des temps.

16. L'année 1975 a inauguré pour la France et l'Europe une nouvelle ère glaciaire : le droit et la justice ont été fort mis à mal sous les coups de butoir de fanatiques qui, sous couvert de bons sentiments, ont abattu un sanctuaire qui aurait dû demeurer inviolable. En détruisant le rempart de la loi contre les fossoyeurs de la vie naissante et marchands de fausse monnaie, l'Etat français a livré les tout petits aux turpitudes des hommes et des femmes, les a offerts en pâture à une médecine devenu folle. En instaurant le recours légal à l'IVG, il transformait des tueurs de facto en bourreaux de jure. Ce coup fatal porté à l'édifice du droit positif français fut rendu possible par l'entremise d'une juriste de talent qui défendit avec bravoure et panache ses options mais qui "réussit" en agissant par incompétence : alors qu'il aurait fallu confié la défense des femmes et des enfants à une avocate de métier, celle-ci fut prise en main par une magistrate qui n'avait pas toutes les clefs nécessaires et qui ne possédait pas toutes les armes requises pour ce combat.

17. Les partisans de la dépénalisation de l'avortement ont crié victoire mais, depuis des années et de plus en plus aujourd'hui, les fonctionnaires et agents de la fonction publique en France paient un très lourd tribut à ce qu'il faut bien reconnaître maintenant comme une défaite de la pensée, une démission de l'Etat français, une reddition de la nation française, une capitulation honteuse. Tandis que quelques-uns d'entre eux se trouvent désormais aux avant-postes d'une guerre titanesque livrée contre les jeunes générations par les tenants d'un ordre mortifère et contre les personnes hors course d'une mondialisation échevelée, prônée par ceux qui trouvent quelques avantages à voir détruit tout ce qui est faible à leurs yeux et ne mérite aucune place dans leurs jeux de brutes épaisses, d'autres agents de la fonction publique - la très grande majorité - sont tous les jours sur la brèche pour colmater les dégâts sans nom que provoque en cascade le droit de tuer un être humain en gestation : jeunesse déboussolée, désoeuvrée, défoncée ou démolie (quand d'autres jeunes, heureusement épargnés, brillent de mille feux) ; femmes, hommes et territoires à l'abandon ; personnes isolées ; parents désorientés, familles détruites ; entreprises coulées (y compris par des instances censées les protéger ... ), corps intermédiaires à la dérive, nation en ruine. Une multitude d'agents de la fonction publique se retrouvent confrontés à des situations qui dépassent leur champ de compétence naturel et les sollicite de plus en plus sur le plan surnaturel : les souffrances sont si grandes et parfois si cachées, les violences si graves, qu'ils leur faut agir avec des moyens qui ne relèvent plus seulement de l'art maîtrisé et de méthodes professionnelles en adéquation avec leurs missions premières mais plus encore d'une grâce (heureusement surabondante) capable de défaire des noeuds ou de résoudre des situations inextricables à vue humaine.

18. Oui,  vous êtes appelés à livrer bataille et à résister alors que s'étendent à perte de vue les champs de ruine laissés par la guerre sans nom menée contre les personnes sans défense et les tout-petits et même une grande partie de la jeunesse de notre pays car, à bien y regarder, les visages les plus sordides de la mondialisation déloyale sont les masques d'un crime répandu à la surface du globe terrestre dans tous les pays où la peur de l'avenir, de la surpopulation et de la misère a choisi de se dissoudre dans l'avortement. Si la France et l'Europe doivent aujourd'hui faire face à une concurrence sauvage et déloyale c'est aussi parce qu'en maints endroits l'enfant à naître, le nourrisson, les enfants, les écoliers, les adolescents ne sont plus considérés comme un trésor inestimable mais comme des boulets. Ici et là, et de plus en plus, le meurtre sélectif élimine de préférence les enfants porteurs d'un trouble génétique ou, tout simplement, d'une paire de chromosome X puisqu'au XXIème siècle l'humanité n'est pas encore sortie de la barbarie et préfère la venue au monde d'un garçon à celle d'une fille de sorte que non seulement la population de certains continents vieillit mais se déséquilibre dangereusement, en Chine et en Inde notamment.

19. Derrière les biens et services frelatés, les marchands de sommeil, les vols de matériau et d'armes, les mutilations des corps, les trafics en tout genre, la diffusion massive de contenus pornographiques ... se cachent ceux qui voient l'être humain comme un pion sur l'échiquier d'un marché gigantesque où tout se vend et tout s'achète, où n'ont droit de cité que les valeurs au fort potentiel rémunérateur à la minute et, si possible, de manière automatique via des algorithmes sophistiqués au service d'une finance qui n'a cure du vivant et ne travaille qu'à l'extension de son règne abominable. Tout ce qui demande du temps pour pousser, grandir, se développer ... est rejeté comme appartenant à un passé révolu, celui de la patience nécessaire, de l'intelligence lente, de l'économie de bon père de famille ou de moine priant et laborieux. A ce train-là, tout ce qui exige plus d'une demi-minute de réflexion, d'écoute, d'attention ... un tant soit peu d'humilité, tout cela est voué aux gémonies puisqu'il serait démontré (?) qu'il faut désormais aller vite, courir, foncer, arriver le premier quitte à se doper ou à tricher pour parvenir à cette seule fin : gagner à tout prix, satisfaire les appétits les plus vils.

20. Vous pouvez rester et devenir toujours davantage des remparts contre l'oppression d'un monde de fureur qui ne manque pas de vous reprocher vos lenteurs, vos pesanteurs, vos sécurités et vos garde-fous. Ce monde-là essaiera de vous détruire par tous les moyens mais n'écoutez que votre conscience : elle vous dira dans le secret de votre coeur que si vous ne résistez pas à la tornade arnacho-libérale-libertaire et à l'ouragan liberticide, vous serez engloutis à votre tour comme ces vieux chênes auxquels on préfère des essences à pousse rapide, quitte à détruire des écosystèmes multiséculaires, comme ces cèdres à pignons qui sont sauvagement décimés, arrachés et démolis pour satisfaire les besoins d'une prédation sordide. Résistez avec l'humilité du roseau. Vous pouvez plier en apparence mais tenir bon et ferme chaque fois qu'une vie humaine est en jeu, qu'un être vivant est en danger, méprisé ou massacré et que vous savez qu'un plus fort est en train de vouloir se débarrasser d'un plus petit que lui en ces temps de crasse ignorance où les hommes et les femmes ont perdu le chemin de la fontaine de jouvence, à Saint Malon-sur-Mel en Brocéliande ou ailleurs.

21. Prenez le temps de vous former de manière approfondie et continue : les temps de formation sont des moments précieux pour prendre du recul, sortir d'un quotidien devenu harassant ou angoissant. Rejoignez des femmes et des hommes capables de comprendre les difficultés que vous affrontez parce qu'ils évitent de parler de vous comme des profiteurs d'un système : les missions que vous exercez demandent une stabilité, une régularité que le monde échevelé des affaires et des normes fluctuantes, voire aberrantes, ne veut plus défendre pour laisser libre cours aux dérèglements qui font le miel du petit nombre tirant son épingle du jeu, tous ces hors la loi qui contournent astucieusement les dispositions légales ou en promeuvent de favorables à leurs trafics pour parvenir aisément à leurs fins : enrichissement personnel sur le dos de la collectivité et des plus démunis, ascension sociale fulgurante, accumulation de privilèges exorbitants, ... L'actualité récente, en 2017 comme en 2018, ne manque pas d'illustrer ce phénomène ... et ce ne sont pas les prescriptions légales qui suffiront, seules, à dédouaner ceux qui ont commis des forfaits scandaleux ... Un détournement de fond ou un abus de bien social, qu'il soit prescrit ou pas, demeure délictueux même s'il échappe à toute sanction judiciaire. Celui qui a ainsi semé la mort trouvera un jour sur son chemin la récolte qui s'y rattache à moins qu'il ne se repente.

22. Vous êtes l'incarnation de la loi : sans votre présence, la loi est lettre morte. Il vous appartient de l'interpréter et de la rendre vivante. Qu'un vent de liberté vous pousse sans cesse à tendre vers l'esprit de la loi juste qui dépasse largement sa mise en mots. Ne vous croyez ou ne vous sentez jamais dans l'obligation d'aller contre votre conscience : si une disposition vous paraît mettre à mal la dignité ou l'honneur d'une personne, bafouer ses droits légitimes, enfreindre une loi supérieure, sentez-vous libre de ne pas l'appliquer et de la récuser en dépit d'un raccourci malheureux (qui oubli le rôle de l'interprétation dans toute application d'une loi). Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de transgresser une loi de la République française mais de faire en sorte qu'aucun texte, que nulle interprétation ne vienne piétiner et ravager la vie d'un homme ou d'un corps intermédiaire, fût-il encore en gestation ou moribond, sous prétexte d'appliquer une règle à la lettre. Rien ne doit vous contraindre à préparer ou à commettre un mal que votre conscience éclairée a réprouvé, ce mal fût-il autorisé par une loi. Voyez toujours plus loin que les esprits bornés qui raisonnent seulement en espèces sonnantes et trébuchantes, qui n'envisagent l'avenir qu'avec désespoir, qui ne savent pas être magnanimes, qui ne résolvent les problèmes qu'en désignant des boucs émissaires faciles puis en les éliminant. 

23. En dépit des apparences, vous êtes détenteurs d'un pouvoir indispensable et d'une rare puissance : le pouvoir de dire NON, de vous opposer à ce qui enfreint la règle juste. Tout en restant en poste, vous avez la faculté de désobéir à un ordre inique, de refuser de participer à une action qui ne respecte pas un principe qui vous tient à coeur alors que tant de personnes se taisent et se couchent, craignant pour leur emploi ou pour leur réputation. Et vous saurez en toutes occasions ne pas "fermer votre gueule" même si des goujats vous en intiment l'ordre imbécile.

24. Certains présentent la mise en cause des protections dont vous bénéficié comme une oeuvre de justice : pour eux, il faudrait que vous soyez soumis aux mêmes risques que tous les autres professionnels. Méfiez-vous de leurs raisonnements et sachez mettre en pleine lumière ce qu'ils cachent : la volonté folle de transformer chaque être humain (hormis eux-mêmes) en monnaie de singe, en esclave aux ordres d'une machine qui tourne à vide ou ne produit plus que des "biens" frelatés, des poisons qui détruisent brutalement notre jeunesse (boissons alcoolisées déguisées en jus anodins par exemple) ou les patients à petit feu (médicaments aux effets secondaires redoutables, entre autres).

25. Restez cependant très vigilants : vos protections n'ont de sens et d'avenir que dans la mesure où elles demeurent au service de tous, de l'enfant dans le sein de sa mère au vieillard grabataire en passant par l'infirme, le malade, le pécheur condamné par de fausses philanthropies ou des jugements mal étayés. Si vous n'y prenez garde, vos protections seront balayées par ceux qui s'abreuvent au même marigot : celui des eaux usées. Des errements de ce monde, ils n'ont pas une vision claire et s'imaginent y remédier par des actions coupées de la vérité tout entière. De leurs propres turpitudes, ils déduisent des systèmes de pensée et des modèles d'action qui ne tiennent pas compte à la fois des limites du génie humain et de ses capacités inventives. Soit ils développent des utopies dévastatrices, soit ils réduisent de manière aberrante le champ des possibles. Ils diront : chacun est libre de choisir son sexe ou de préférer la mort de l'être en gestation sans voir qu'aller à l'encontre d'un donné génétique risque de générer d'immenses souffrances tandis que choisir la mort c'est ne laisser aucune chance à l'inattendu et c'est ajouter un fardeau sur les épaules de qui a besoin, d'abord, d'être aidé et soutenu en situation de détresse. Voir à ce sujet la tribune : "Création d'une monnaie de service et d'abondancee" du projet France2022.

26. Méfiez-vous, en particulier, de ceux qui ont une vision erronée de la souffrance humaine. La percevant comme un mal absolu, ils pensent qu'elle doit être éradiquée par n'importe quel moyen, même le pire. Ils refusent de s'interroger d'abord sur sa signification ou même de rechercher ses vraies causes. Il leur faut un bouc émissaire immédiat, un ennemi à éliminer : l'enfant à naître, un microbe, un voisin, un pays, une ethnie, un type d'homme ou de femme, un signe astrologique, une relation, un système, ..., une religion, Dieu. Ils en viennent à poursuivre tout ce qui est cause, à leurs yeux, de cette souffrance sans penser qu'elle peut résulter d'un enchevêtrement difficile à démêler et que cela vaut toujours la peine de prendre le temps d'écouter le fond de la détresse humaine quand l'urgence ne commande pas d'agir dans l'instant. Dès que l'on accepte de travailler ainsi, il n'y a jamais d'urgence à tuer un enfant dans le sein de sa mère et l'on prend conscience qu'il vaut mieux un délai dépassé ouvrant le risque noble de lui avoir laissé la vie. Vision certes idéale mais incomplète puisque cela ouvre aussi le risque d'un meurtre encore plus dangereux pour la femme et illégal sur un territoire mais peut-on, en vertu de ce versant si sombre de la (fausse) liberté humaine, autoriser un médecin français à mettre en oeuvre ce que des personnes peu scrupuleuses accomplissaient avant la dépénalisation de l'avortement ?

27. Agissant au coeur de la pâte humaine, vos missions réclament une très grande intelligence des situations (*). Chaque personne qui s'adresse à vous ou que vous devez prendre en charge a sa propre histoire, son propre tempérament, ses limites, ses vulnérabilités ... Tandis qu'un rappel ferme à la loi sera nécessaire pour celui dont l'assertivité est bancale, un autre aura besoin de toute votre patience pour sortir d'une impasse qu'une multitude de raisons aura générée.

(*) Intelligence des situations qui évite l'absurdité d'un comportement simplement dicté par le respect scrupuleux d'une procédure jusqu'à l'aberration de l'arrestation au Taser d'une octogénaire ... (Article du Parisien le 17 août 2018).

28. Ne vous laissez jamais abattre par le sentiment d'être dépassé par certaines situations : le monde contemporain a hérité d'une multitude d'approches qui permettent, un jour ou l'autre, de débloquer les plus inextricables au premier abord. Vous trouverez autour de vous des intervenants remarquables, qu'ils soient dans le public ou le privé, salariés ou bénévoles. Ils ont à coeur de venir en aide aux plus démunis comme aux plus nantis, sans considération de religion, de race, de choix politique, de fortune, de position sociale ... Pour eux, seul compte le souci d'accompagner avec intelligence, respect, délicatesse, discernement ... celui qui n'en peut plus, que cela soit manifestement le résultat de ses propres égarements ou que cela résulte d'une histoire douloureuse dont il est principalement la victime.

29. La crise dite des "gilets jaunes" montre à quel point la France a besoin d'une fonction publique très solide alors que plusieurs voix entonnent le refrain d'un libéralisme destructeur : celles-ci voudraient que notre pays soit livré à tous les vents d'un commerce international qui se moque de tout patrimoine comme de l'an quarante. Il ne jure qu'en terme de flux, d'échange, de mouvement. Tout ce qui a quelques racines, qui est immobile, silencieux, ... lui fait horreur. Il lui faut du bruit, de la fureur, des imprécations, des vociférations. Du Jardin des plantes à l'Arc de Triomphe, des colonnes de marbre aux grilles en fer forgé, il lui faut tout démolir. Ce commerce-là ne jure que par les courants d'air. Il ne supporte pas qu'un homme lui résiste en restant debout. Il lui faut des hommes et des femmes, couchés, vautrés, rampant ; des loques qui s'empiffrent ; des agents de la fonction publique qui ferment leur gueule. Caricature, certes  ... voire !

30. Au milieu de ce capharnaüm, d'un déluge de consommations qui épuise à grande vitesse les ressources rares de la planète, vous voici placés comme vigies, sentinelles et phares. Que les flots déments s'acharnent contre vous, vos fonctions et vos rôles, quoi d'étonnant ? mais le bateau en détresse, la maison ou la voiture en feu, la route encombrée, l'accidenté, l'ignorant, le malade, le désorienté, la victime, le commerçant dont la boutique a été dévastée par des sauvages ... sont tout heureux de vous rencontrer en chemin quand tant d'hommes affairés n'ont plus le temps de rien, sinon d'accroître leur fortune, en passant le plus vite possible à côté, le plus loin possible, de celui qui n'en peut plus, qui a besoin d'aide, qui n'y arrive pas tout seul.

Et l'un de ces buts les plus vains sinon le plus vil et le plus sot est d'essayer de démontrer par A + B que les religions n'ont plus rien à proposer aux hommes et aux femmes de notre temps alors que le plus grand génie est incapable d'élaborer seul une quelconque théorie profane ou religieuse qui tienne la route si bien que prétendre être en mesure d'abattre des siècles d'élaboration théologique relève ou bien de la pure folie ou bien de la plus extrême prétention. Il suffit de se pencher quelques instants sur les écrits de ceux qui se sont fourvoyés dans une telle impasse pour constater de ses yeux le degré d'absurdité où les a conduits leur incapacité à faire confiance et à se reposer sur le génie de ceux qui ont, bien avant leur naissance, explorer des voies mystiques dont ils ne soupçonnent pas la hardiesse, la fécondité et l'intérêt pour tous les temps comme pour tous les hommes.

Aucune élaboration théologique digne de ce nom ne peut a priori faire l'économie d'un crédit : celui que j'accorde, d'emblée et de bonne foi, à des esprits qui ont par leur vie, par leurs actes et par leurs paroles, témoigné qu'il est possible à toute personne de bonne volonté de tendre vers une cohérence et même une très grande unité de vie qui laisse peu de place à la tentation du soupçon ou de la défiance érigée en système. L'idéal de sainteté ne saurait s'arrêter à la porte du lieu où la personne se recueille pour rassembler, en une suite de paroles censément indigentes, ce qu'elle a découvert de l'invisible. Que son discours n'épuise pas le mystère n'autorise pas le premier venu ou le plus docte d'entre nous à déclarer que ces efforts de mise en mots n'apporte aucune lumière à l'esprit assez docile pour mettre ses pas sur le sentier déjà tracé par ses aînés dans la foi.

Les barbares et les dictatures ne s'y trompent pas qui brûlent, dès que l'occasion leur en est donnée, tout ce qui ressemble à une bibliothèque, à un lieu de culture lente et patiente ; les abrutis, les sans-goût, les incultes et les omnipotents ne s'y trompent pas qui ont le toupet d'envisager de défigurer Notre-Dame de Paris en prétendant réduire au silence les experts de notre patrimoine : pour eux, le passé humblement revisité ou conservé n'a aucun intérêt, toutes les traditions sont un obstacle à leurs conquêtes et à l'instauration d'une tyrannie ordinaire qui prétend réinventer le passé comme l'avenir et faire le bonheur d'une humanité enfin libérée d'un héritage sans valeur. Les mêmes ne songent qu'à persécuter les moines et les moniales, à tuer les religieux, à détruire les temples et à faire disparaître toute possibilité de célébrer un culte tandis qu'ils s'emploient à ériger, en tous lieux, le plus grand nombre d'idoles propres à flatter les plus bas instincts.

31. Nous en arrivons ainsi à un troisième point de vigilance : la sauvegarde du patrimoine chrétien en France et en Europe. Ce patrimoine est en effet menacé par la conjonction de plusieurs facteurs : l'indifférence des libertins, la fureur des islamistes et des ennemis de l'occident, les modes passagères, la faillite des Etats et son cortège d'abandons, les prétentions d'un pouvoir éphémère, stupide et vain, qui s'obstine dans ses prérogatives comme dans ses choix pour le moins douteux. 

32. Ne vous laissez jamais court-circuiter par la clique des fausses élites qui s'enorgueillissent de leur petite connaissance des affaires du monde et qui négligent "en même temps" de s'instruire des réalités les plus nobles. 

Certains d'entre vous sont détenteurs d'une connaissance très fine et très profonde du patrimoine religieux exceptionnel de la France. Ils savent que les lubies d'un art contemporain autoproclamé ont le vent en poupe et qu'elles s'imaginent supplanter, en quelques décennies voire en quelques années, des siècles de génie ! Résistez tranquillement, fermement, avec cette candeur et cette habileté recommandées par le Christ lui-même : "prudents comme des serpents, simples comme des colombes". Les bottes de la tyrannie, les coups de menton de l'infamie n'auront qu'à bien se tenir ...

33. En 1981, un jeune sous-préfet (Philippe de Villiers), intègre et de fort tempérament et même caractère, demandait à être mis en disponibilité pour ne pas servir un nouveau pouvoir avec qui il se trouvait en total désaccord (*). Autre temps, autres moeurs : aujourd'hui, ne songez pas à démissionner mais résistez de toute votre ardeur et de toute votre science aux oukases d'un pouvoir en fin de cycle. Soyez habile comme cet intendant malhonnête dont le maître de maison fit l'éloge dans cette parabole où le Christ invite ses disciples à se montrer plus intelligents que les fils des ténèbres !

(*) Soit dit en passant, même si l'on peut être en total désaccord avec les options prises à cette époque-là et avec les moeurs politiques qui s'en suivirent, l'avènement de François Mitterand mit un coup d'arrêt bien venu au pire mandat présidentiel de la cinquième république.




mercredi 13 novembre 2019

France2022 : Prospective (réédition)



Voir entre autres : http://www.laprospective.fr/

La prospective n'a pas toujours bonne presse : tant de prévisions ont échoué ou furent dépassées. L'avenir nous réserve des surprises. La réalité dépasse la fiction ... 

Tout projet présidentiel qui ferait l'économie d'une réflexion prospective passerait pourtant à côté d'un levier puissant de mobilisation et d'action pour de nombreux citoyens : seule une vision à long terme donne à chacun d'adhérer, de se prononcer et de s'engager pleinement. 

La prospective n'élimine pas l'incertitude mais elle éclaire la route sous différents angles : en renonçant à envisager l'avenir de façon monolithique, en élaborant plusieurs scénarios d'évolution possibles et probables, elle éclaire les acteurs politiques et plus largement tous ceux qui se préoccupent du lendemain.


Avant d'imaginer et de construire, nous avons tout intérêt à observer ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. Une prospective qui refuserait de s'inspirer des chemins parcourus et de se nourrir des leçons de l'histoire serait comme une coquille vide, belle en apparence et sans âme et sans vie. Elle se priverait de l'un des trésors de la pensée juive : "Souviens-toi Israël".

Scruter le passé ne lève certes pas toutes les inconnues mais donne des clefs de compréhension qui ouvre le regard et l'esprit. A celui qui est attentif et qui sait garder la faculté d'admirer se révèlent les grandes lignes et même tout un ensemble de détails significatifs qui lui indiquent les forces, les courants, les tendances traversant notre univers, notre planète, l'histoire des hommes. Sous l'agitation de surface lui apparaissent les mouvements lents et plus profondément encore ce qui demeure immobile.


Comment pouvons-nous espérer manoeuvrer, avancer et nous retrouver à bon port si nous ne prenons pas la peine de déceler les permanences de notre monde et d'aimer la façon dont il se transforme peu à peu ? Si cela pouvait nous éviter de tomber dans la confusion, nous aurions déjà fait un grand pas vers la libération de notre puissance créatrice et de notre faculté d'émerveillement. 

Ne voir que permanences et redites entraîne un risque d'erreur : penser que les choses se répètent sans fin et croire que rien ne changera au fond quoiqu'on fasse. Ne voir que des changements en oubliant les éléments stables génère une seconde erreur : penser que tout est voué à la disparition et à la mort. Ces deux erreurs majeures nous conduisent à penser que tout se vaudrait, à penser qu'il serait inutile d'entreprendre, qu'il serait dérisoire de s'engager, qu'il serait futile d'élaborer des projets, qu'il serait vain de vouloir aimer en vérité.


Comme "la grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite", une autre illusion nous menace : demeurer insensibles à des variations trop lentes pour que nous soyons en mesure de les percevoir et, par conséquent, tenir pour immuables des situations qui, en réalité, évoluent au fil des ans. Faire le tri entre permanences et changements demande un surcroît d'attention, un effort de conscience et la discipline de s'arrêter un moment afin d'être plus à même de déceler les variations infimes de notre environnement : là peuvent se cacher des indices révélateurs du monde à venir. 

Si nous nous laissons dominer par la fureur des événements les plus violents, si nous ne prenons pas la peine de discerner le bien qui germe sans bruit, nous risquons fort d'agir dans l'impatience, le ressentiment et la brutalité alors que nous avons à favoriser, en toute simplicité de coeur, ce qui est en train d'advenir de meilleur.


Un projet présidentiel pour la France sera d'autant mieux reçu, accepté et mis en oeuvre qu'il aura contribué à modifier notre regard de telle sorte que nous soyons devenus capables de repérer, à travers la multitude des phénomènes, les forces sous-jacentes qui travaillent notre société et nos coeurs. Une conscience plus claire des enjeux renforce cette capacité et nous donne la concentration suffisante pour nous attacher à ce qui en vaut vraiment la peine. Au milieu des tourbillons, de l'agitation incessante de surface, notre coeur immobile veillera à l'essentiel tandis que notre coeur en mouvement épousera les causes les meilleures. 

C'est l'une des ambitions majeures du projet France 2022 : permettre à chacun de déceler de nouveaux indices de transformation, de se réjouir de la découverte de possibles insoupçonnés jusque-là, d'oser contribuer à des changements qui semblaient irréalisables de prime abord.


Téléphone mobile, mobile-home, spéculations sur les valeurs mobilières, ... comment s'étonner que le nouvel eldorado, après l'abandon de l'or comme étalon soit devenu ... l'immobilier ? Comment ne pas pressentir que nous allons vers une nouvelle ruée vers la terre ? En contre point de la montée des mondes virtuels, allons-nous connaître une quête effrénée d'un bout d'espace tout à la fois tangible, palpable et intouchable ? Que lire dans cette frayeur qui gronde à la vue d'une planète menacée de toutes parts ? Comment pourrions-nous y voir clair, si nous nous laissions envahir par la peur, si nous nous laissions submerger par toutes les terreurs ancestrales ?


Notre environnement change, incontestablement. Nous disposons aujourd'hui de moyens que nos prédécesseurs nous envient ou nous envieraient sûrement. Sommes-nous cependant prêts à reconnaître que notre propre corps est voué à la mort, comme toujours ? Qu'il en est ainsi depuis l'aube des temps ? Que de ce point de vue, rien ne semble avoir changé ? Apprendre à mourir, apprendre à disparaître, quoi de plus difficile ? Quoi de plus terrible quand on songe à toutes les potentialités en germe ? Quoi de plus banal quand on vit dans un monde dont on n'attend plus rien ? Saurons-nous trouver le juste milieu entre l'attente émerveillée du lendemain et la certitude incontournable d'une fin prochaine ?


Depuis le commencement, notre univers est sous tension. Croire que nous vivons aujourd'hui des contradictions plus fortes qu'autrefois est source d'illusion, de passivité ou d'anxiété : chaque époque a son lot de sentiers étroits et aucun sommet n'est accessible sans passage périlleux. Voulons-nous la facilité d'une vie sans histoire ou désirons-nous affronter quelque danger ? Sommes-nous prêts à prendre des risques, à nous lancer sans pouvoir tout maîtriser ? Aurons-nous l'audace d'avancer au large en eau profonde, individuellement et collectivement ? Tous ceux qui vivent une détresse physique ou morale, trouveront-ils en France des visages exprimant le bonheur de vivre même quand la souffrance est là, jour après jour, lancinante et menaçante ? Trouveront-ils des bras accueillants et des mains au service de l'amour généreux, qui ne compte pas sa peine, que rien ne rebute, pour qui une vie ou une âme à sauver compte plus que tout l'or du monde ?


Entre la mort qui détruit, fait disparaître, anéantit et la vie, source de nouvelles naissances, de créations originales, de joies ou de souffrances, l'opposition date de la nuit des temps et traverse notre monde de part en part. 

Refuser la mort qui vient à son heure comme une délivrance, la cacher ou au contraire l'exalter, la présenter comme une panacée, voilà des attitudes qui ne portent pas remède à notre condition. Pour qu'un projet d'avenir s'établisse, rien ne vaut l'acceptation pacifiée d'une mort évidemment inéluctable et pourtant comprise comme le passage vers une vie invisible, discrète, aimante et bien présente. 

Une prospective qui négligerait d'aller aussi loin dans ses tenants et ses aboutissants risquerait fort de proposer un paradis au goût amer. L'histoire nous a montré combien la volonté farouche d'établir sur terre ce que seul le passage étroit par la mort nous révèle, combien cette volonté engendre d'atrocités.


L'exploration des potentialités en germe doit se garder d'un angélisme qui oublierait cette permanence de notre condition imparfaite et pécheresse : nous sommes tout bêtement incapables de vivre la fraternité dès lors que nous oublions la transcendance dont nous sommes issus. Quel que soit le visage que nous donnons à ce qui nous dépasse de toutes parts, le fait est là : nos propres forces ne suffisent pas à établir une paix durable, à garantir une vraie liberté. Chanter l'égalité des droits sonne tellement faux quand l'innocent est abattu au sein même du sanctuaire qui devrait le mettre à l'abri de toutes les attaques. L'un de nos hommes politiques rappelle que liberté, égalité et fraternité n'ont aucun sens quand elles sont séparées les unes des autres. Ajoutons que, même réunies, elles sont incomplètes. Ne nous étonnons pas que notre démocratie patine et que nos idéaux élevés soient encore si lointains. Ce n'est pas qu'une question d'organisation, de séparation des pouvoirs. Accéder à davantage de liberté, vivre plus fraternellement, respecter l'égale dignité de chacun ne relèvent pas seulement de la technique du droit constitutionnel, d'un équilibre parfait des pouvoirs, d'une bonne volonté des politiques. L'histoire nous apprend que subsiste un antagonisme de fond entre l'exercice du pouvoir et l'exercice de la charité et nous savons que cet antagonisme ne se résout qu'à partir du moment où le pouvoir renonce à toutes prétentions hégémoniques, où le pouvoir se conçoit et s'exerce comme service radical des personnes et des communautés de personnes. Allons plus loin : le pouvoir ne libère pleinement, le pouvoir ne construit la solidarité généreuse, le pouvoir n'instaure le respect que dans la mesure où il se situe en tant que modeste catalyseur d'un ordre qui le dépasse. Cela est vrai aussi bien pour un pouvoir politique que pour un pouvoir religieux. La séparation des pouvoirs, la laïcité à la française n'ont de sens et ne sont fécondes que si elles s'établissent sur cette conviction : tout pouvoir est un don, tout pouvoir est reçu, tout pouvoir doit se soumettre à la vérité. Non pas à l'opinion dominante ou la plus bruyante mais à la vérité.


Que serait une prospective qui s'établirait sur des fondements faux ? Une prospective qui tablerait par exemple sur un allongement soi-disant incessant de la durée de vie sur terre ? Une prospective qui se laisserait impressionner par la simple considération de la hausse de l'espérance de vie en France et qui en déduirait un peu vite que : "tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes" ? Un esprit lucide n'oubliera pas le record de consommation de tranquillisants pour constater que si la vieille dame tient encore debout, c'est qu'elle s'appuie sur une drôle de béquille. La fierté que nous portons à notre longévité n'est-elle pas l'indice que nous n'acceptons plus que notre existence terrestre ait un terme ?


"Au milieu de tant de choses qui changent, ce qui change le moins, c'est l'homme". Saurons-nous entendre ce rappel d'un homme politique et d'un philosophe parmi les plus clairvoyants ? Même un surcroît d'années en pleine santé ou dans les affres de la vieillesse ne modifient pas radicalement l'homme : son origine et sa fin demeurent. Réduire son origine à la rencontre fortuite de deux gamètes et sa fin à un petit tas de cendres, c'est bon pour les pirouettes d'humoriste mais cela manque singulièrement de souffle. Oubliez le vent et, à la première tempête, votre échafaudage le plus solide s'écroulera comme un château de cartes. Si nous désirons que nos constructions collectives résistent aux intempéries, nous devons étudier sans relâche l'un de ses maillons quasi immuables à l'échelle de nos prévisions : l'homme.


Premier pari : dans les cinquante années à venir, l'homme ne changera pas et la connaissance que nous en avons progressera sans pour autant que cette connaissance soit largement répandue. Tout homme restera encore ignorant de lui-même, non seulement dans ce qu'il a de commun avec ses semblables mais aussi dans ses particularités. Le seul exercice consistant à parfaire son savoir et son être, ses capacités et ses talents a de quoi l'occuper toute une vie et davantage. Affirmer cela n'a l'air de rien. S'en persuader apporte néanmoins une grande libération : chacun d'entre nous n'a pas d'abord à faire bien, à rechercher une perfection maladive. Chacun a la possibilité de faire du bien, quelle que soit sa condition, quel que soit l'état où il se trouve, quel que soit le chemin déjà parcouru. Faire du bien est le propre de tout être vivant, quelque chose que nous avons tous en commun. Malgré tout le bien déjà accompli, chacun reste hélas capable de fomenter le mal. Une telle présentation risque de donner l'illusion d'une symétrie entre bien et mal pourtant nous savons tous d'expérience que plusieurs différences majeures les séparent : le bien est discret tandis que le mal se vante ; le mal trouve la mort tandis que le bien cherche la vie ; le bien est en quête de vérité tandis que le mal s'appuie sur le mensonge. Poser la question : "Qu'est-ce que le bien, qu'est-ce que le mal ?!" pour tenter de s'affranchir d'un choix net ne tient pas la route longtemps.


Deuxième pari : notre condition ne changera pas. Sur terre, nous sommes du côté des noeuds, des défauts, des imperfections et ce qui ne va pas saute à nos yeux. Dans l'immensité de l'univers, chacun d'entre nous est si infime qu'il arrive aux plus sensibles d'en désespérer, de se croire complètement abandonnés. Celui qui se prend pour le plus grand d'entre nous ne peut guère s'enorgueillir : il participe comme tout un chacun au grand ouvrage, fruit de la main des vivants et l'éclat de son oeuvre se perd dans l'océan des réalisations humaines. La marée des hommes est affairée d'un côté de la toile et seul le passage par la mort donne accès à l'autre face du côté de l'invisible : là où sont effacées toute larme de tristesse mais pas celles du remord, là où disparaissent les ratés et les noeuds. Du côté de l'invisible apparaît l'ouvrage dans toute sa splendeur. Au regard des bienheureux est offert toute la beauté d'une réalisation encore inaccessible à ceux qui peinent. Même celui qui refuse d'être actif par lassitude, dépit ou colère ne peut qu'être témoin de l'avancement des travaux.


Troisième pari : certaines conditions extérieures ne vont cesser d'évoluer, à un rythme de plus en plus rapide. Qui aurait pu imaginer, il y a seulement vingt ans, toutes les facilités de conception, d'étude, de fabrication, de communication, de contrôle, d'analyse, ... dont nous disposons aujourd'hui ?


Quatrième pari : la rapidité des évolutions à venir ne nous empêche pas d'en percevoir les orientations majeures et d'anticiper leurs réalisations concrètes.


Première orientation majeure : l'impossibilité pour l'homme de se soustraire, tôt ou tard, à la vérité des faits. La multiplication des moyens d'enregistrement, la croissance exponentielle des capacités de stockage tendent vers l'accumulation des faits et gestes, des paroles et des actes. Quelques erreurs de lecture ou d'interprétation, relayées par des médias en quête de sensationnel, ne doivent pas nous abuser : monter en épingle les ratés du système ne l'empêcheront pas de se déployer et de gagner en efficacité. Nous connaissons la fin tragique de cet homme qui voulant s'en prendre aux radars automatiques n'a pas maîtrisé jusqu'au bout les armes de son ressentiment.


Seconde orientation majeure : l'accumulation de "preuves" devient insupportable dans un monde qui perd de vue l'axe principal du commandement de l'amour, le pardon. Sans le voile de la miséricorde, sans l'exercice patient et volontaire de la rémission des fautes, une société où l'accusation permanente et la dénonciation incessante tiennent le haut du pavé devient tout simplement invivable. Elle baigne dans une atmosphère irrespirable. Nos démocraties risquent moins de crever sous l'excès de prescriptions que sous l'avalanche des mises en accusation.


Si nous sommes rendus, à ce stade de l'analyse, assez loin des préoccupations habituelles d'un travail prospectif, nous avons évoqué le filet qui protège les acteurs, qu'ils soient de grands artistes ou non, d'une chute grave et même fatale. La montée des revendications en faveur d'une liberté individuelle de plus en plus affranchie de toutes contraintes sociales ou morales, le désir de plus en plus répandu de quitter les figures imposées pour laisser libre cours à la fantaisie de chacun, la recherche du sensationnel le plus vertigineux, ... toutes ces demandes ne se réalisent sans casse stupide et blessure irréversible que dans un cadre malgré tout sécurisé et prêt à parer à toute défaillance.


Il y a deux façons de percevoir le filet : le considérer comme un accessoire pour les faibles et les craintifs. C'est l'attitude de celui qui n'a jamais chuté gravement et s'estime à l'abri d'un accident. A l'inverse, il y a ceux qui ont expérimenté, réellement ou par une imagination vive, la valeur inestimable qu'il représente.


Dans notre monde de plus en plus complexe, le filet revêt des formes multiples : pouvoirs politique et administratif, lois,  décrets, magistrats, avocats, notaires, réglementations, assurances, banques, défenses militaires, systèmes de surveillance et de contrôle, police et gendarmerie, médecins, infirmiers, pompiers, secouristes, urgentistes, autorité parentale, familles, écoles, hôpitaux, dispensaires, maisons médicalisées, prisons, asiles, barrières de sécurité, entreprises publiques et privées, mutuelles, ... et encore, soutien psychologique, assistances sociales, SAMU, urgences en tous genres, bornes d'appel, conseils divers, ... et plus encore, le sacrement de la miséricorde et ses prêtres. Beaucoup de ces formes sont déjà très anciennes et les nouvelles sont venues compléter un dispositif au service d'une vie humaine qui se déploie en dépit de toutes les hostilités.


On peut rêver d'une société idéale, sans filet, où tout baigne. L'histoire ancienne ou récente nous montre que c'est une utopie : vouloir supprimer un maillon conduit tôt ou tard à en développer un autre à outrance, rompant l'équilibre et l'harmonie. Que le filet soit invisible ou pas ne change rien à l'affaire : nous avons tous besoin d'être défendus contre nous-même, contre un tiers menaçant, contre toute agression qui dépasse nos propres forces. C'est une condition de radicale faiblesse que l'on peut accepter, rejeter ou vomir. Mieux vaut pourtant l'accepter humblement et joyeusement. L'accepter est la condition d'une libération : la présence du filet n'est plus vécue comme une pesanteur mais comme une grâce. L'entretien du filet lui-même ne se vit plus comme une servitude ou comme un mal nécessaire mais comme un service indispensable de la vie de tous, qu'ils soient forts ou fragiles.


Un projet présidentiel et son accomplissement doivent cependant toujours veiller à la qualité de chaque maillon soit directement, soit indirectement en facilitant la mission des corps intermédiaires en charge de notre sécurité au sens large. Cette vigilance doit s'exercer aussi pour que nul ne soit tenté de tirer des avantages ou des bénéfices de sa position de force. Les menaces étant par essence mobiles et variables, aucun maillon ne détient le monopole de l'assurance tout risque.


La toile se tisse jour après jour grâce au filet qui la protège et cette toile, elle-même trouve sa place dans le filet de telle sorte que la volonté d'une seule personne parvient à contribuer au bonheur d'un grand nombre. A certains égards, nous vivons une époque qui dépasse l'entendement, une époque où se trouvent réunis tous les apports antérieurs. L'effet d'accumulation lui-même s'accroît de jour en jour. Celui qui aura la curiosité d'explorer ce qui lui est offert dépassera les rêves les plus fous des pionniers de la découverte de terres lointaines. Celui qui désespère de cette vie trouvera toujours une main ou une parole capable de le tirer du gouffre. 

En relisant l'histoire de l'humanité, nous prenons conscience que les moyens pour l'homme de se protéger des conditions extérieures les plus rudes ne sont pas nombreux : soit il bâtit une forteresse solide et assez autonome soit il se déplace à la recherche de conditions meilleures. Quelques millénaires se sont écoulés sans que cette alternative ne s'enrichisse de nouvelles possibilités. Au contraire, la situation s'est même appauvrie : le rêve d'autonomie et de solidité à toutes épreuves vole en éclats chaque jour qui passe et se déplacer pour un ailleurs plus sûr est devenu de plus en plus difficile. Nous retrouvons ici, sous un autre angle, la condition fragile d'un être qui ne peut s'affranchir totalement de sa faiblesse. En tous lieux, l'homme qui ne compte que sur lui-même est en danger de mort, l'homme isolé est menacé de toutes parts.


Pourquoi affirmer que "la situation s'est appauvrie" ? Autrefois, la ville fortifiée était en mesure de soutenir un siège durant plusieurs mois. Quelle métropole aujourd'hui pourrait tenir ne serait-ce qu'une semaine sur ses propres réserves ? Autrefois, l'espace mondial était ouvert et l'on pouvait voyager avec une simple carte de visite. Qui peut franchir aujourd'hui les murs qui se sont dressés pour séparer le Mexique et les Etats Unis, Israël et la Palestine, ... qui peut se rendre aisément en Europe venant d'Afrique sans passer par un circuit compliqué, administratif voire mafieux ? La situation est même devenue explosive.


Accomplir un travail prospectif valable pour décider et agir consistera non seulement à identifier les menaces qui pèsent sur notre avenir mais aussi à saisir les peurs qui traversent notre société. Nous finirons par nous apercevoir qu'il nous arrive de négliger des menaces sérieuses et de prendre peur pour des riens. Que dire quand la peur elle-même devient une menace ?


C'est un fait : la peur menace l'homme dès sa conception. En France, la peur d'avoir à faire face seule ou dans des conditions de vie jugées inappropriées conduit à l'échafaud environ 250.000 enfants par an. Ces décès intégrés dans le calcul de l'espérance de vie la font chuter de plus de vingt ans. Ce n'est certes pas une peur complètement irraisonnée : élever un enfant a un coût, "Il faut tout un village pour élever un enfant" rappelle le titre d'un ouvrage d'Hillary Clinton. C'est donc la peur d'une femme qui se sent isolée, coupée du village et qui pense ne pas pouvoir faire face toute seule. Elle a raison mais tuer l'enfant c'est retourner des siècles en arrière lorsque l'humanité pensait que les dieux réclamaient des sacrifices humains pour daigner agir en sa faveur. Le diagnostic est juste, le moyen de résoudre le problème ne l'est pas. Agir ainsi s'apparente au suicide. A un double suicide nous prévenait Mère Teresa. Là encore, il existe des maillons de solidarité pour venir en aide aux détresses qui paraissent insurmontables : 

                contact@sosbebe.org ; 



L'enfant à naître est un souci. Il reste par-dessus toutes les angoisses et les inquiétudes légitimes, une chance, un bonheur, un don à nul autre pareil. Tant que nous n'aurons pas rétabli toute la considération et tout le respect qu'appelle ce don, nous nous agiterons en vain pour sortir du gouffre où nous sommes. Dette publique abyssale, retraites bientôt insolvables, chômage officiel et caché d'une ampleur jamais atteinte ... autant de poids qui n'auraient jamais pesé avec tant de lourdeur si nous avions eu le courage de laisser vivre dix millions d'enfants qui, depuis 1975, ne demandaient qu'à voir le jour. Pourtant ce ne sont pas des considérations d'ordre économique qui ont à changer notre regard et notre attitude : il s'agit d'un choix de vie ou de mort. Ou bien nous acceptons la vie et les risques qu'elle comporte, ou bien nous préférons la mort et son calme plat. Si nous acceptons la vie pour nous, nous n'avons pas le droit de la refuser à d'autres. "Aimez-le et prenez soin de lui" écrivait déjà la jeune femme abandonnant son fils dans le Kid de Charlie Chaplin. En 2015, nous pouvons faciliter l'abandon dans les cas extrêmes, nous sommes surtout en mesure d'aider à garder son enfant toute femme qui en ferait la demande.


Faut-il d'ailleurs qu'une demande soit formulée ? Ne conviendrait-il pas d'assurer d'emblée à toute femme enceinte et à toute femme en charge d'un tout petit des conditions aussi heureuses que possible ? Alors que nous sommes parfois si fiers de nos dispositifs d'aide, d'autres pays comme l'Angleterre nous montrent la voie : quand la maman est mineure et seule, elle peut poursuivre ses études en bénéficiant d'un accueil adapté, pour elle et pour son enfant.

Pour aller plus loin : 

Abolition de la peine de mort pour les tout petits en gestation ;

Création d'une monnaie de service et d'abondance.
.