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jeudi 21 août 2014

Baptême et politique



Ce jour-là, nous fêtions Saint Rémi. Ce fut l'occasion pour nous de protester sans violence mais avec détermination contre certaines tendances et même dérives de la politique européenne. L'agenda européen en était l'une des manifestations les plus récentes : mention des fêtes non chrétiennes et omission des fêtes chrétiennes. Pour le moins curieux. Il ne manque pas d'intelligences assez compliquées pour justifier cette asymétrie. Laissons-les à leurs complications sans entrer plus avant dans des considérations alambiquées. Agissons plutôt avec simplicité en accueillant au jour le jour ce que nous propose les calendriers du catholicisme romain, orthodoxe ou oriental. C'est une mine d'or à ciel ouvert où l'extraction des pépites hors de prix est à la portée de tous, sans danger, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

La mémoire de Saint Rémi sera pour nous le prétexte d'une réflexion sur le sacrement du Baptême et sur ses implications politiques. Cela dans un esprit qui ne cherche pas des correspondances étranges mais des liens inédits. Non pour le seul plaisir d'une spéculation intellectuelle - ce qui n'est pas défendu - mais pour mettre sur la table quelques pierres précieuses dont l'aspect grossier ne découragera pas les plus habiles et les plus entreprenants : ce que le travailleur de la mine extrait a toujours pâle figure pour l'oeil non exercé. Sans l'imagination du tailleur, le joyau reste caché sous la gangue. Sans le travail expert du joaillier, le rubis, le saphir, l'émeraude ou le diamant n'atteint pas la plénitude de son éclat. Le lecteur patient, curieux et conscient des enjeux politiques comprend qu'un projet présidentiel ne parvient pas à rayonner comme joyau de politique pure sans l'intervention de spécialistes de politique politicienne et, plus fondamentalement encore, sans la participation enthousiaste, critique et tenace de tous les citoyens qui ont la volonté d'apporter leur contribution, aussi modeste soit-elle, au travail incessant que requiert la marche d'un pays, sa régulation, son entretien, son développement, ...

Le mot "baptême" a conquis quelques territoires de notre langue : baptême du feu, baptême de l'air, baptême de plongée, ... rappelant à ceux dont la mémoire faiblirait que les racines chrétiennes de la France existent et qu'elles n'ont pas cessé de vivre. Ces racines se sont développées en croissant et en se ramifiant. 

"Baptême" indique un commencement, un franchissement de seuil, un passage, une entrée, l'intégration dans un corps, ... Cette sémantique, aussi riche soit-elle, risque d'occulter les profondeurs vivifiantes du Baptême chrétien : plongé dans les eaux de la mort avec le Christ, le baptisé ressuscite avec Lui ; risque aussi de faire perdre de vue qu'au jour de son Baptême, le rejeton sauvage se trouve greffé d'un double point de vue : il devient membre du Corps du Christ et il est établi comme celui qui porte une triple greffe. Son intelligence, sa mémoire et sa volonté ont désormais la capacité de produire des fruits qui n'ont plus l'amertume et l'acidité des productions sauvages. A tout homme de bonne volonté est offert la double possibilité de devenir nourrissier par ses oeuvres spirituelles et matérielles aussi bien que d'être l'hôte servi et rassasié par celui qui l'accueille en ami comme un frère au banquet d'une république où chacun est, tour à tour, maître et serviteur.

L'intelligence non greffée a la capacité d'être vive, forte, puissante comme le sont les arbres qu'aucune main d'homme n'a plantés. L'intelligence non greffée peut se répandre à profusion, surprendre par l'ampleur de ses recherches et de ses vues. Il lui manque pourtant cette lumière qui lui permet d'éclairer les êtres et les choses de l'intérieur. Non greffée, elle peut avoir la précision du laser mais elle conserve cette froideur qui la rend incapable de réchauffer et de consoler. Sans le secours du Baptême, elle chevauche les steppes de la connaissance avec impétuosité pendant le jour et perd courage dès que vient la nuit : elle redoute l'obscurité. Les mystères l'intriguent et la stimulent. Leur épaisseur la renvoie à ses fragilités et à ses limites.

Le sacrement du Baptême greffe l'intelligence sans détruire sa nature initiale, sans anéantir sa vigueur. En lui apportant le don de la foi en Jésus-Christ, il lui permet de se déployer sur un plan surnaturel. Ses fruits auront désormais le parfum et la saveur, la consistance et la structure qui nourrissent plus parfaitement ceux qui les reçoivent et leur communiquent le désir, la force d'être à leur tour, disciples et apôtres.

Sur fond de paganisme, les critiques contre l'intelligence greffée nous révèlent en creux ses principales forces : on lui reproche son obéissance voire sa docilité, son attachement à des maîtres et même sa fidélité. Tout ce qu'un détracteur bien au chaud et bien à l'abri finira par reprocher au chien de la ferme : ses qualités essentielles lui paraîtront toujours inférieures à celles de la bête sauvage en liberté. Il n'a cure que l'homme soit un loup pour l'homme du moment qu'il se trouve épargné.

Pour celui qui redoute d'être à l'image de l'agneau de Dieu, jusqu'au sacrifice de sa vie, le réconfort vient du rappel ou de l'annonce qu'il reçoit au jour de son baptême une autre grâce : celle de se conduire en berger. Nous sortons alors d'une opposition simpliste, sur le plan animal, entre vie sauvage et vie domestiquée. Même si la mort physique semble mettre fin à son chant de louange, son action ne s'arrêtera pas en cet instant mais se prolongera et s'intensifiera au fil du temps. Le berger non mercenaire risque sa vie pour ceux qui lui sont confiés. Il croit que sa disparition ne signifie pas la fin du monde. Un autre se lèvera pour prendre sa suite. Vouloir opposer l'obéissance du disciple et le courage supposé du libre penseur est donc stérile. Nul n'est plus libre que l'homme détaché de sa propre vie. En devenant un modèle d'abnégation, il suscite chez d'autres le goût de l'aventure et la force d'avancer en dépit des contradictions.

En offrant à l'intelligence la possibilité de naviguer sur un plan surnaturel, le baptême lui donne de situer toutes choses dans une perspective eschatologique : la fin ne justifie pas les moyens mais les ordonne en vue d'un accomplissement qui transcende ce que les yeux perçoivent. Ne se souciant plus des apparences factices, l'intelligence baptisée se trouve libérée des entraves qui assujettissent l'intelligence sauvage cherchant d'abord à plaire, quitte à user d'artifices. Elle est rendue à son devoir naturel : éclairer tout l'être et pas seulement ses facettes plaisantes mais, toujours, sur fond de miséricorde.

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