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mardi 26 février 2019

France2022 : Lettre ouverte à François Ruffin


Cette lettre est la première du genre dans le cadre du projet France 2022 même si d'autres lettres ont déjà été adressées à des personnalités connues. Celles-ci avaient été écrites au fil d'un temps long sans lequel aucun fruit durable et savoureux ne peut être obtenu. Celle-là est commandée par une urgence : sortir de l'enfermement d'une haine tenace qui n'a pas sa place dans un combat politique aussi acharné soit-il et, plus encore, inciter les belligérants en présence à porter le fer là où se situent les vrais enjeux du temps présent. Par exemple : L'IVG, un droit fondamental ?

Cette lettre peut être considérée comme une suite et un prolongement de la tribune : "Préparer l'après-Macron ?". Elle fait également écho à une tribune plus ancienne (2010) du projet France 2022  : la paille et la poutre.



François,

1. Nous venons d'apprendre avec stupéfaction que tu sembles avoir complètement perdu les pédales et c'est un euphémisme. Sans forcer le trait, nous pourrions utiliser d'autres images du monde des transports pour qualifier tes récents écarts ou débordements de plume.

2. Cela est d'autant plus regrettable que tu avais mené jusque-là un combat valeureux pour défendre ceux qui ne trouvent plus personne à même de s'intéresser à leurs déboires, à leurs préoccupations, à leurs intérêts et à leur avenir.

3. Tu as mené ce combat en ne ménageant ni tes efforts ni ta propre personne, quitte à déranger des intérêts puissants ou à ne pas recevoir le soutien appuyé de ceux qui partagent tes convictions. En prenant le risque de t'isoler, tu n'a pas vu celui de dérailler. Il est grand temps de te ressaisir. Faute de quoi te guette une franche sortie de route.

4. Les attaques ad hominem ne sont pas dignes d'un homme de confiance. Elles ne le sont pas davantage d'un représentant de nos compatriotes. Qu'un mot déplacé échappe de vive voix à celui qu'emporte un courroux passager, soit. Qui peut se vanter d'être totalement affranchi ou indemne d'un tel dérapage ? Que ces mots soient écrits, imprimés puis largement diffusés et nous quittons le registre de l'agacement spontané pour entrer dans le régime des coups portés avec préméditation par une colère froide et stérile.

5. Stérile parce que nourrie d'une haine quasi maladive. Pas moins. D'une haine qu'aveugle l'ignorance la plus crasse : celle qui prétend imputer le mal absolu à un être de chair tandis que nous savons depuis fort longtemps (2000 ans déjà), depuis les écrits magistraux de Saint Paul, que les puissances à combattre ne sont pas visibles mais d'ordre spirituel.

6. Il faut te réveiller François, dessiller ton regard et tendre l'oreille à ce qui nous sort d'une vision étriquée de l'homme et de son histoire : les combats qui pullulent et foisonnent, les conflits qui naissent et renaissent, les guerres qui ensanglantent la planète sont voulus et engendrés par des êtres spirituels qui cherchent toujours quelques marionnettes humaines pour leur servir de relais.

7. Ces forces obscures trouvent sans cesse le moyen de désigner tel ou tel, telle ou telle, tantôt une catégorie de personnes tantôt une autre comme bouc émissaire idéal d'un combat fratricide. Quoi de plus simple que de s'en prendre alors à un aspect de la victime potentielle et d'attirer l'attention sur l'une de ses caractéristiques bien visibles, identifiables au premier coup d'oeil, quitte à céder aux penchants mauvais d'une caricature venimeuse ou d'une dénonciation criminogène, d'une médisance ou d'une calomnie.

8. Non, François, tu ne peux céder à la facilité du délit de faciès que tu serais le premier à pourfendre s'il s'en prenait à des personnes que tu prétends connaître mieux que quiconque ou simplement davantage qu'un autre. Sors de ce trip infernal. Il n'a pas sa place dans une république qui voudrait donner des leçons de bienséance au monde entier et dans un parti qui prône l'insoumission pour ne pas céder aux sirènes de l'alignement béat et confit.

9. Insoumis et rebelle intelligents, oui. Malveillant et adversaire stupide, non. En ces temps de crise, la moindre des choses est de prendre assez de hauteur pour ne pas se vautrer dans l'invective et la prise à partie d'un niveau inférieur à celui d'une petite frappe. Avec un travail plus rigoureux et un bon entraîneur, tu es capable de boxer dans une autre catégorie.

10. En publiant un portrait à charge dans les termes que tu emploies, tu disqualifies tes propos et l'ensemble de ta prose. Tu perds toute crédibilité alors que, par ailleurs, tu es capable de faire preuve d'une grande abnégation et d'une pertinence rare.

11. Au passage, tu jettes aussi un très large soupçon sur la famille politique à laquelle tu appartiens : est-elle à ce point incapable de proposer des voies alternatives qu'elle se sente obligée, par ton entremise, d'attaquer un Président sur sa mine et son physique ? Manque d'imagination ? Absence totale d'intelligence tactique et politique ?

12. Quand on invective ses adversaires et leur reproche leur bassesse, leur arrogance ou leur mépris, on évite d'imiter leurs attitudes et leurs postures. On prend la peine de faire preuve d'exemplarité. Qu'attends-tu pour relever le niveau ?

13. A l'oubli de la part invisible du vrai combat évoquée aux n° 5, 6 et 7 puis aux n° 21 et 22 de cette lettre, tu ajoutes celui d'un risque majeur : passer d'une intransigeance caricaturale à une intolérance grotesque. A force de se dire et de se croire du seul côté honorable, pur et sans reproches, on finit par céder au simplisme d'un manichéisme pratique qui ne voit plus dans l'autre que noirceur et faute et, selon ton expression favorite, qui se focalise sur la paille dans le regard d'autrui tout en oubliant la poutre dans le sien propre.

14. Tu dérapes encore pour une raison plus essentielle qui figure déjà dans la lettre ouverte aux gilets jaunes : le mouvement de protestation actuelle n'a pas pris toute la mesure des enjeux du moment et court le risque de se fourvoyer dans une impasse faute d'avoir identifié les causes profondes des difficultés de l'heure. Le risque est de prendre des symptômes pour des causes.

15. La France et l'Europe sont en panne parce qu'elles ne savent plus protéger les jeunes pousses et les générations montantes d'une vague sans précédent qui fauche à longueur de journée tous ceux qu'un tiers n'a pas jugé dignes de rester parmi nous ou d'avoir une place honorable au sein de sociétés desquelles les plus vulnérables, les moins performants (selon des critères tordus), les non désirés, les non attendus, les sans grades sont chassés sans vergogne.

16. Ton combat sera crédible et prendra de la hauteur le jour où tu comprendras que l'instauration de l'IVG a sapé les bases de notre droit et ouvert la porte à toutes les injustices, des plus insidieuses aux plus immondes. Aucun progrès significatif ne se produira désormais tant que nous n'aurons pas aboli, de fait sinon de droit, le permis de tuer le fruit le plus précieux de toute activité humaine. Tous les combats politiques qui éludent la question de l'avortement et ne mettent pas tout en oeuvre pour abolir la peine de mort des tout-petits en gestation sont voués à l'échec et les petites victoires qu'ils paraîtront obtenir se transformeront rapidement en défaites cinglantes.

17. Trop peu de personnes en ont conscience à ce jour et c'est pourtant l'un des endroits de la nation où le bât blesse quand il n'assassine pas : la France souffre d'une hémorragie depuis plus de quatre décennies et le silence des agneaux abattus est couvert par le bruit d'une agitation de surface insensible au courant dévastateur qui détruit peu à peu tout espoir d'une sortie de crise.

18. Il faut le redire au risque de se répéter François : toute tentative de redressement d'un pays laminé par un nombre massif d'avortements est vouée à l'échec dès lors que les efforts déployés ne vont pas dans le sens d'un accroissement de la néguentropie pour le genre humain et pour tous les facteurs qui contribuent à la bonne santé de son environnement : biodiversité, qualité des eaux, de l'air et des terres, bien être animal et abondance végétale ; fonction publique de premier plan, tissu industriel vigoureux, écoles de très haut niveau (selon toutes les acceptions de cette expression. En particulier : bien orienter les élèves et les étudiants c'est-à-dire non par défaut ou à la remorque de marchés douteux mais en tenant compte de leurs forces, de leurs faiblesses et de leur potentiel) ...

19. Pour obtenir ce redressement, il ne sert à rien et il est même nocif de s'en prendre au chef de l'Etat, qui plus est à sa personne. Que ses mauvaises actions et celles du gouvernement soient critiquées à bon escient, c'est une chose. Que les attaques versent dans le délit de sale gueule et nous quittons l'arène politique pour entrer dans une basse cour ou un ring de petits coqs hargneux.

20. Ressaisis-toi François. Tu en es capable et il en est encore temps. Demain, il sera trop tard et ce que tu prétendais pourfendre te transformera en clown triste, tout juste bon pour amuser la galerie. Dans un monde nouveau où des réseaux dits "sociaux" sont impitoyables et dépassent en cruauté les médias les plus sévères pour le corps des politiques, tes poursuivants ne feront de toi qu'une bouchée.

21. Il s'agit pour toi de rayonner sans vouloir faire de l'ombre et de le faire en dehors de toute cuisine politicienne, de toute recherche d'effet de manche ou de manchette. Tu as mieux à faire que de tirer à vue sur un être humain. Songe toujours que tes principaux adversaires ne sont ni de chair ni de sang mais qu'ils habitent en des lieux arides d'où leur principale occupation est de faire chuter ceux qui enfourchent une noble cause.

22. Pour y parvenir, il leur suffit d'entraîner un chevalier énergique comme toi sur de mauvais sentiers en le poussant à guerroyer au bout de ses forces. La fatigue aidant, l'ampleur de la tâche venant à s'accroître, le combattant finit par s'essouffler et par commettre l'irréparable.

23. Prends le temps de bien examiner les tenants et les aboutissants des crises en cours. Tu découvriras peu de causes fondamentales sous le maquis et l'enchevêtrement des causes secondes. C'est à la racine que tu dois oeuvrer, là où peu de personnes osent s'aventurer. Ce travail te conduira en des lieux obscurs où il devient vite impossible d'avancer sans une foi solide, seule lumière capable d'éclairer des pans entiers d'une réalité invisible aux regards empressés, raisonneurs, cajoleurs ou paresseux.

24. Il est de notoriété publique que tu es un bosseur et que tu sais prendre le temps d'aller au fond des choses pour dénicher une perle rare. Cette faculté ne suffit pas malheureusement pour explorer un terrain miné par plusieurs décennies d'errance politique. Armé du bouclier d'une foi intrépide, il te faudra aussi cultiver les quatre vertus cardinales que sont la force d'âme, la justice, la prudence et la tempérance. Sans elles, impossible de tenir la distance et de persévérer aussi longtemps qu'il le faudra.

25. Pour sortir de l'enlisement où nous sommes, patience et longueur de temps sont nécessaires mais ne suffisent pas. Une force singulière doit être déployée. Elle ne peut résulter d'un quelconque activisme ou d'une agressivité sans bornes. Elle émane au contraire d'une bonne mesure, en actes et en paroles, car il ne s'agit pas tant de critiquer, de dénoncer et d'accuser que de proposer, d'argumenter et de construire. Et "si le Seigneur ne bâtit la maison, c'est en vain que travaillent les bâtisseurs". La force requise n'est pas d'origine humaine. Elle résulte d'un accord profond avec cette volonté divine qui ne cesse de se manifester par des dons prodigieux auxquels l'oeil blasé, fatigué ou mal orienté, ne prête plus la moindre attention.

26. Parmi ces dons, la naissance d'un enfant. Sa venue au monde est toujours signe de renouveau pour peu que nous lui accordions toute la place qu'il convient de préparer, de maintenir et d'augmenter en vue d'un déploiement salutaire car nous ne quittons pas nos mauvaises habitudes et nos enfermements par des efforts méritoires mais par l'accueil d'une nouveauté qui vient chambouler nos petits plans, nos projections hasardeuses et nos calculs, aussi exacts soient-ils.

27. En cédant à la facilité apparente de l'IVG tout en vivant aussi des moments de tension extrême à ce sujet, je perds toute chance d'être dérangé(e) à bon droit et d'être conduit(e) vers un plus être, un accroissement de sens et de nouveaux horizons. Je me retrouve alors dans un tourbillon où se multiplient les situations génératrices d'une entropie maximale et donc d'un désordre de plus en plus ingérable.

28. Tu le vois et tu le sais, François, ce qu'il nous faut combattre avec droiture et sans répit, ce ne sont pas des adversaires ou des ennemis faits de la même argile que nos pères et qui, un jour, retomberont en poussière. Nous avons à vaincre toutes les puissances qui conduisent tant de femmes à un suicide, non pas assisté mais fomenté par toutes sortes de dispositions favorables au crime le plus odieux et généré par d'innombrables causes qu'il faut prendre le temps d'identifier puis d'éradiquer sans relâche avec beaucoup de prudence puisque, pour préserver le bon grain, le Christ nous recommande de ne pas arracher la mauvaise herbe. Il nous enjoint de semer sans ménager notre peine.

29. C'est en semant la paix et la joie que tu parviendras à faire progresser la justice en tous les lieux où elle paraît absente alors qu'elle subsiste en germe. Là où deux ou trois agissent en communion, elle est prête à renaître de ses cendres. En soufflant trop fort sur les braises, nous ne donnons aucune chance au feu de repartir. Sois patient, lent à la colère, prompt à trouver ce qui promet de fructifier. Tailler, élaguer, certes ! mais plus encore greffer, tuteurer, panser et protéger des mauvais coups.

30. L'époque que nous vivons n'est pas seulement effroyable et terrifiante. Elle recèle d'innombrables promesses. Elle offre de multiples occasions de faire le bien et de répandre un parfum capable d'annihiler les odeurs de décomposition, de moisi, de pourriture ou de mort. Mieux encore : elle procure à qui veut bien s'en saisir les moyens de suspendre et d'arrêter le bras armé qui s'apprêtait à faucher une vie naissante.

31. Ces moyens sont d'une simplicité déroutante : prière, jeûne et aumône dans le secret. Sans eux, les inventions les plus sensationnelles n'ont aucune portée. Elles restent lettres mortes puisqu'aucun objet, aucune méthode, aucune technique n'est capable d'apporter une étincelle de vie sans l'esprit qui l'anime et lui donne de rayonner.

32. Alors que nous sommes environnés d'objets nouveaux et d'outils inconnus des générations précédentes, nous avons besoin, plus que jamais, d'avoir recours à la simplicité des moyens ancestraux. Eux seuls sont en mesure de conduire notre panoplie exosomatique, de guider nos gestes et nos paroles et de les orienter dans le sens d'un plus être, d'un surcroît de charité.

33. Du déluge et de la débauche d'instruments qui accroissent notre rayon d'action ne peut naître rien de bon si nous ne prenons pas le temps de contempler ce qui va bien en ce monde tandis qu'une pluie incessante de nouvelles alarmantes cherche à nous pénétrer d'une morosité lancinante. Plus que jamais, cherchons au contraire à redonner courage, à développer un esprit de gratitude, à susciter des élans de générosité et à faire grandir le rempart d'une joie inaltérable.

34. Sois patient. Tu verras des merveilles. Dans les zones les plus sombres subsiste une lumière qui ne demande qu'à jaillir et à répandre sa chaleur. Notre mission n'est pas de créer cette lumière mais d'enlever ce qui l'empêche d'éclairer et de la placer de telle sorte que rien ne fasse obstacle à son rayonnement.

35. Désencombrer, dépoussiérer, nettoyer, laver, ranger, ... autant d'actions que les plus modestes de nos compatriotes accomplissent jour après jour sans recevoir la reconnaissance qui leur revient que ce soit à domicile, dans un bureau, un atelier ou un hôtel, à l'hôpital, à bord d'un train, d'un avion ou d'un navire, ou à l'Assemblée. Des hommes et des femmes, le plus souvent, qui n'ont pas trouvé un travail à la hauteur de leurs rêves et que chacun d'entre nous devrait avoir imité à longueur de journée afin d'être capable de ressentir dans sa chair l'abaissement que représente une tâche déconsidérée, un résultat aussitôt défait par des personnes inattentives alors qu'une chambre bien tenue dans un asile d'aliénés sauvera celle ou celui qui s'y trouve par erreur en l'empêchant de basculer du côté de la folie ; alors qu'un espace en bon ordre c'est-à-dire ordonné aux fins qu'il suscite, abrite et facilite, donne des ailes à la pensée, du coeur à l'ouvrage et cette pointe d'enthousiasme sans laquelle nos plus beaux projets restent lettres mortes.

36. Ouvrons les yeux et nous verrons quantité d'erreurs, de manquements, de dysfonctionnements ... et, pourtant, la vie continue, comme par miracle, par une grâce surabondante qui ne se focalise pas sur les défauts ou les fautes mais qui nourrit et abreuve tout ce qui porte encore une promesse de vie. Imitons cet élan et cette générosité. Notre monde s'en portera de mieux en mieux.

37. Parents, enseignants, tous corps de métier confondus, nous ne cessons pas de commettre des bourdes et, pourtant, la vie suit son cours, cahin-caha certes, avec des bosses et des ratés, parfois d'une extrême gravité. Ne nous laissons jamais arrêtés en chemin, bloqués, paralysés par toutes ces imperfections qui crèvent les yeux. Imitons simplement ceux qui ont à coeur d'oeuvrer sans se décourager, qui réparent, soignent, redressent, rectifient, admonestent si nécessaire, ne se lassent pas de construire, d'édifier, d'assembler, de rassembler et de faire au mieux, sans pour autant céder à des pressions insupportables ou à des injonctions n'ayant pour seuls horizons que le profit immédiat et la rentabilité à tout crin ou à tout prix.

38. Ne cédons pas à la tentation de disperser, de désunir, d'isoler ... Dans un monde qui tend à se liquéfier et à perdre ce qui lui tenait lieu de colonne vertébrale, notre résistance ne parviendra à remédier au pire qu'en se montrant d'une souplesse digne d'un judoka expérimenté ; notre résistance n'aura de sens et de portée que si elle se mue en inventivité inlassable. Ne perdons pas de temps à lancer des attaques et des flèches de tous côtés. Il suffit de rester bien campé sur ses deux pieds, la tête au ciel, bien ancrés sur le sol, bien en prise avec les réalités de notre environnement, avec un centre de gravité maintenu à basse altitude par une humilité de bon aloi et de chaque instant, par une science du combat sans égale.

39. A quoi bon accuser l'autre et lui reprocher de ne pas savoir, de ne pas connaître ? Qui peut se vanter d'en savoir assez ? Ne sommes-nous pas rendus à une époque où nul ne peut plus se prévaloir de ses acquis et des ses diplômes, où chacun doit faire l'effort, jour après jour, de remettre en cause ce qu'il croyait intangible, indépassable, indémodable ? Où chacun d'entre nous, s'il veut rester à la page, est tenu d'apprendre sans cesse ? Non sous le poids d'une pression implacable ou de mauvais gré, comme contraint et forcé, mais joyeusement, hardiment et de manière tonique.

40. Sans compter que chacun perçoit la réalité selon un prisme déformant qu'il lui faudra humblement assouplir et corriger, sous peine de passer à côté de l'essentiel ou d'être incapable d'entendre d'autres sons de cloche. Essayons d'assembler nos visions individuelles pour reconstituer, comme dans un jeu de puzzle, une image aussi proche que possible d'un réel qui échappe à celui qui reste isolé ou à celui qui, par des fautes graves, s'exclut d'une communion indispensable à l'entretien de sa vie, non seulement corporelle mais aussi sacramentelle.

41. Sans le sacrement du frère, que sommes-nous en effet ? Juste une brindille, un fétu de paille, ballotté de droite et de gauche par les tourbillons de notre vie intérieure et par l'agitation d'un monde de plus en plus sous pression et en ébullition. Le mouvement des gilets jaunes en témoigne : beaucoup sont las d'un isolement qui nous conduit à nous regarder en chiens de faïence, à ne plus pouvoir parler simplement avec tout un chacun quand certains se croient même autorisés à insulter l'autre, à le dénigrer, à le condamner sans autre forme de procès, juste en raison d'une appartenance réelle ou supposée, d'un détail monté en épingle, d'une caricature grossière qui déshonore celui qui se laisse aller au mépris et se laisse guider par ses plus bas instincts.

42. Dès que je cherche un chemin de paix, facteur de prospérité et d'abondance, je ne puis qu'être frappé par l'ampleur du travail accompli par les générations précédentes. La Toile en témoigne à longueur de pages et c'est l'un des messages principaux de la lettre ouverte aux jeunes, écrite dans le cadre du projet France 2022 à l'intention d'une génération qui s'apprête à prendre la relève, écrite pour encourager tous ceux qui seraient tentés de démissionner trop vite et de perdre un temps fou à critiquer quand il faudrait au contraire louer, admirer, imiter intelligemment afin d'être en mesure d'améliorer ce qui convient de l'être, de garder ce qui mérite de l'être et de dépasser voire d'abandonner ce qui est devenu obsolète ou même nuisible.

43. Marquées profondément et durablement par les guerres qui ont détruit les espoirs d'un début de XXème siècle flamboyant, douchées par les monstruosités de dictatures quasiment impensables à la seule lumière de la raison humaine, les générations qui nous ont enfantés avaient pour coutume de tout garder, de ne rien laisser perdre de peur de manquer le lendemain et se disant : "cela servira bien un jour ou l'autre". Celles qui ont suivi, celles auxquelles nous appartenons ont adopté un pli radicalement différent : user, détériorer, déclasser, démoder, négliger, jeter, remplacer, démolir, déconstruire, ravager parfois, dilapider,  ... et finir par vivre de manière très insouciante. Cette "insoutenable légèreté" d'être ne s'est pas répandue de manière uniforme : des familles, des foyers, des corps intermédiaires ont continué à compter, à faire attention, à économiser, à anticiper ... Le drame de l'insouciance et de l'imprévoyance a surtout gagné des personnes en charge de l'intérêt général et du bien commun. Insouciance bien différente de celle recommandée par le Christ puisque celle-là ne s'appuie que sur des prétentions humaines, sur un orgueil démesuré : j'arriverai à m'en sortir, nous arriverons à rebondir quoiqu'il arrive ; puisque celle-là repose aussi sur un égoïsme foncier : à moi les restes du festin, aux autres la peau de chagrin tandis que l'insouciance évangélique se fonde sur une foi intrépide, une confiance indéfectible à l'égard d'un Père prodigue, d'un Fils qui porte sur Lui nos misères et d'un Esprit si inventif que rien ne résiste à la pluie de ses dons sauf un coeur replié sur des richesses de peu.

44. Dans les combats que tu mènes d'un coeur vaillant, garde une saine contenance en dépit de la colère légitime qui te transporte sans quoi les causes les plus justes que tu défends avec ardeur ne se dénoueront pas en leur faveur. Ainsi en est-il par exemple de la tentative de privatisation de ADP (Aéroports de Paris) par un gouvernement aux abois et qui ne sait plus comment faire face aux financements de ses actions de bien prioritaires et de ses fausses priorités. Que tu sois révolté ne peut-être qu'approuvé : beaucoup d'autres voix se sont également élevées pour dénoncer une opération contraire au bien commun et aux intérêts vitaux de la France. Veille cependant à garder ton calme. Ta défense en aura davantage de portée et cette attitude sans coup de sang t'évitera de renouveler l'humiliation d'être contraint au silence par qui use de son entregent pour se placer là où se mitonnent les ambitions les moins recommandables ...

A suivre ...

samedi 23 février 2019

France2022 : Pour une vraie recherche publique française et européenne


La France et l'Europe crèvent aujourd'hui d'abandons de souverainetés, non seulement monétaires mais encore industrielles et, plus largement, scientifiques, artistiques, culturelles et juridiques or il y a urgence aujourd'hui à réinventer une économie florissante alors que nous sommes arrivés au terme d'un processus qui n'a cessé d'accroître l'entropie, la dissipation, la perte, le gaspillage, la dilapidation. Il nous faut inventer des modèles intégrant une propriété essentielle du vivant : la néguentropie.

Les signes manifestes de l'accroissement de l'entropie sont légions et si nous n'y prêtons pas une attention suffisante, nous courons le risque immense d'être submergés par des phénomènes d'une ampleur inhumaine : aux désordres et aux poisons mortels qu'un développement anarchique des économies a provoqués, notre planète répondra par des secousses et des cataclysmes qui prendront de cours toutes nos misérables défenses.

Il s'agit, pour la France et l'Europe, de revenir à des positions offensives qui fassent droit à la vie et qui nous sortent de décennies d'approches mortifères dont l'IVG est l'une des figures les plus emblématiques puisqu'elle atteint l'humanité dans ses entrailles mêmes et s'attaque ainsi à son sanctuaire le plus précieux.

Nous ne parviendrons à sortir du gouffre où nous précipitent l'IVG et toutes les politiques malthusiennes qui la précèdent, l'accompagnent et la prolongent qu'en donnant un coup de fouet salutaire à une recherche publique en partie supplantée aujourd'hui par des laboratoires qui ne raisonnent qu'en terme de gains les plus immédiats et les plus faciles, qui se moquent comme de l'an quarante du devenir de l'humanité et de la planète qui l'accueille. 

Il ne s'agit pas, évidemment, d'opposer de manière stérile logique commerciale et gratuité ou logique de marché et logique dirigiste. Il s'agit d'articuler des logiques qui peuvent être contradictoires si on les place sur un même plan alors qu'elles deviennent complémentaires si nous prenons la peine d'en ajuster l'usage aux domaines pour lesquels ces logiques sont les plus efficaces et les plus efficientes à un moment donné. De même qu'il est impératif de veiller à ce qu'une logique n'envahisse pas tous les champs de l'économie.

Il ne s'agit donc pas non plus de jeter la pierre à tels ou tels acteurs d'un champ économique ou d'une certaine logique en l'accusant de tous les maux mais de mettre en place des écosystèmes qui empêchent les uns de proliférer au détriment des autres. Pour le thème de notre tribune : non pas détruire la recherche privée pour la remplacer par une recherche publique omniprésente mais faire en sorte que chacune des deux approches oeuvrent pour une diminution de l'entropie et pour un accroissement néguentropique. Il est de l'intérêt du plus grand nombre que les sphères privées et publiques travaillent en bonne intelligence sans que l'une s'estime seule indispensable et vertueuse tandis que l'autre serait inutile et même diabolique.

Des sujets d'actualité tels que la cybersécurité ou les énergies renouvelables nécessitent d'immenses efforts de recherche qu'aucun Etat responsable ne saurait laisser filer entre les seules mains d'intérêts privés et, plus largement, nous ne pouvons abandonner, aux seules logiques de profit immédiat, des pans entiers de notre avenir : seule une recherche en mesure de s'intéresser au "pourquoi"  et au "pour quoi" des choses et pas seulement au "comment" est à même de mener une réflexion de long terme et d'explorer des domaines qui ne paraissent pas, a priori, prometteurs, rentables ou même utiles sur le moment.

Parmi les domaines clefs figure un parent pauvre de la recherche publique : l'agriculture. Non qu'elle soit oubliée ou négligée. Là n'est pas la question. Elle souffre plutôt d'un traitement inadéquat puisqu'elle demeure à ce point entropique qu'il n'est pas rare de voir des agriculteurs ne plus être en mesure de faire face aux dépenses générées par des installations et des pratiques non rentables. En déployant un arsenal de techniques finalement trop coûteuses, contre productives, nocives et même dangereuses, nos agriculteurs se trouvent, plus qu'à leur tour, dans un état de très grande vulnérabilité.

L'urgence de la situation commande de penser et de mettre en oeuvre un programme de recherches permettant à nos agricultures de redevenir néguentropiques. Non plus destructrices d'écosystèmes vivants mais génératrices d'abondance, d'un plus être et d'un surcroît de vitalité. De multiples solutions existent déjà qui doivent être simplement éprouvées, consolidées et largement répandues afin que nous sortions d'un cycle infernal de dégradations et de morts qu'un brin de courage et d'intelligence est capable de casser et, surtout, de transformer en cercle vertueux.

De l'agriculture, de l'élevage et de l'aquaculture, nous passons naturellement aux questions de nutrition qui, là encore, devraient faire l'objet de recherches publiques capables de contrer et de dépasser toutes les tentatives de main mise et de désinformation émanant d'intérêts privés toujours prompts à déformer les protocoles expérimentaux pour mettre en avant les bienfaits supposés de leurs productions, soit en minimisant les risques qu'elles font encourir à l'homme et à son environnement, soit en survalorisant les bénéfices qu'elles sont censées apporter. 

De la nutrition, nous allons ensuite vers tous les autres besoins élémentaires de l'humanité, champs immenses de recherche trop souvent laissés aux bons vouloirs d'officines privées qui font la pluie et le beau temps, à leur guise et au seul profit de leurs commanditaires. Un Etat de droit, pleinement respectueux de toute vie, notamment humaine, ne saurait abandonner ces terrains-là aux jeux capricieux de conglomérats plus soucieux d'augmenter leurs marges et leur puissance que de résoudre les problèmes cruciaux qui se posent à des personnes sans le sou ou en voie de paupérisation et, parfois, à des régions tout entières menacées par des changements mal préparés ou imprévisibles. Eux ne s'intéressent qu'aux besoins solvables des populations et distribuent quelques miettes "gratuites" aux pauvres tandis que tout Etat responsable doit veiller à ce que les causes désargentées ne soient pas laissées pour compte d'une économie au seul bénéfice des nantis.

En amont de la nutrition et de l'agriculture, nous trouvons un domaine très sensible : la production de semences. Quelques acteurs de premier plan essaient, par tous les moyens, de s'emparer de ce pôle névralgique et d'imposer leurs lois de mort en jouant les apprentis sorciers. Aucun Etat digne de ce nom ne devrait céder d'un pouce devant ces bandits en col blanc. Nous en sommes loin hélas et il nous reste peu de temps pour contrer un rapt sans précédent, pour éviter catastrophes écologiques, sanitaires, économiques et sociales, pour instaurer des contre poids de grande envergure. Une recherche publique de haut niveau en matière de semences peut y contribuer puissamment dans la mesure où les pouvoirs publics font tout pour accroître son indépendance, son rayonnement et ses prérogatives.

A ce stade de l'étude, il nous faut doter les instances de recherche publique de moyens généreux tout en veillant à un meilleur encadrement des projets pour tendre vers une plus grande efficacité  pratique et une louable efficience : non plus raisonner seulement en terme de moyens mais en terme d'objectifs clairement organisés dans un ensemble qui fait corps et sens. L'axe principal ne fait aucun doute : accroître la néguentropie, favoriser tous les projets qui redonnent vie et qui accordent une place grandissante à l'homme, à tout homme, sans jamais obérer le futur des générations à venir.

De l'état actuel des connaissances et des techniques émergent de nouvelles façons de concevoir la recherche publique : non plus des centres fonctionnant en "vase clos" sur des sujets théoriques où les données de terrain sont prises en compte par accident mais des pôles d'excellence en lien très étroit avec leurs champs potentiels d'application et en lien permanent avec leurs sources de données et leurs terrains d'expérimentation. Ici, l'expression "vase clos" ne signifie pas que nos chercheurs soient repliés et confinés dans une bulle. Ce serait bien mal connaître leur tempérament et leur profil : par essence, nos chercheurs sont curieux et gardent toutes leurs facultés ouvertes sur le monde. Ce qui leur manque le plus souvent est d'un autre ordre : ils doivent pouvoir aujourd'hui compter sur une communauté de passionnés amateurs ou professionnels capable d'alimenter leurs recherches. Ces amateurs et ces professionnels existent. Encore faut-il fédérer leurs efforts et, dans le moment crucial que nous vivons, les diriger vers la surabondance à l'image de ce qui se passe, par exemple, à la ferme du Bec Hellouin en relation avec l'INRA.

Le nerf de la guerre - au sens habituel de cette expression et au sens très actuel de ressources pour un combat devenu titanesque - s'il ne résulte que de contrats passés entre le public (par exemple des universités) et le privé, est incapable d'assurer l'indépendance nécessaire au bon fonctionnement d'une recherche publique affranchie des jeux de rôle et de pouvoir qu'affectionnent certains marchands de biens et de services frelatés, élaborés ou employés dans des conditions pitoyables pour ceux qui les fabriquent, les dispensent ou les utilisent. Cette manière de faire a été encouragée par les pouvoirs publics pour renforcer l'autonomie des facultés françaises et leurs liens avec les entreprises. Elle a l'inconvénient d'amoindrir les efforts théoriques et, surtout, l'indépendance d'esprit et le détachement d'un secteur de l'économie qui n'a pas seulement vocation à répondre aux intérêts à court terme des marchands mais à veiller sur les intérêts multiformes et à plus long terme d'une population désarmée et perdue dans le maquis des innovations, des vrais et des faux progrès, des propositions de dépense alléchantes mais finalement pourvoyeuses de désordres et même de désastres.

Le projet France 2022 prévoit donc un volet de financement complètement détaché de la passation et de l'octroi de nouveaux contrats, un financement indexé sur la part néguentropique attendue et les bienfaits essentiellement humains et environnementaux visés, un financement, enfin, libellé dans une autre monnaie que l'euro dont les vertus principales ne sont, par principe de construction, pas celles qui sont attendues en l'occurrence. L'euro vise à réguler les marchés de biens et de services où sévissent les lois de la pénurie, réelle ou fomentée, et de la spéculation (au mauvais sens de ce terme) tandis que nous avons besoin d'une monnaie au service de l'abondance et libérée des jeux mortels engendrés par la prédation, les abus de pouvoir et les appétits déréglés de ceux qui ne "travaillent" qu'à l'augmentation des richesses temporelles ... voire temporaires !


lundi 18 février 2019

France2022 : Lettre ouverte aux gilets jaunes




En la fête de Sainte Bernadette de Lourdes

18 février 2019


Mes chers compatriotes,

1. Comment vous écrire à tous, en une seule lettre, tout en répondant à chacune de vos interrogations, à chacune de vos attentes, aux questions propres à chaque situation singulière ? Défi hors d'atteinte pour une approche naturelle mais qu'une vision surnaturelle et spirituelle tentera de relever puisqu'il ne s'agit plus seulement de trouver des remèdes courants mais d'en inventer d'exceptionnels !

2. La situation actuelle de la France et de l'Europe est assez grave pour ne plus se contenter de rustines et de mesurettes à la petite semaine. Votre mouvement témoigne d'une inquiétude tous azimuts et, pour tout dire sans ambages, d'un délabrement spirituel de l'Europe. Délabrement tangible dans l'expression de certains mécontentements, dans celle de la plupart des ripostes institutionnelles et dans le fond commun des revendications : l'essentiel n'est pas demandé, le substantiel n'est pas entendu et l'accessoire a pignon sur rue.

3. L'essentiel : une sortie du suicide français et européen. Le substantiel : une vie décente et même surabondante, fruit d'un travail sain et plus encore saint. L'accessoire : des artifices de procédure pseudo démocratique qui ne résoudront aucun problème de fond.

4. Le suicide français tient en deux moments quasi concomitants : IVG et perte de souveraineté monétaire (bien antérieur à l'instauration de l'euro). Et l'on entend aucun manifestant à ces sujets. Aucun ne s'est emparé de ces deux thèmes polémiques alors qu'une dispute en bonne et due forme serait à même de les traiter avec un tant soit peu de hauteur. 

5. Votre mouvement est menacé de toutes parts : usure et lassitude des acteurs, maladresses de certains d'entre vous, mécontentement des Français victimes des exactions ou des manifestations intempestives, absence de leader charismatique, ... mais il l'est plus encore par l'oubli du suicide français et de ses multiples conséquences sur le corps social. Ne pas en tenir compte nous condamne à traiter des symptômes sans nous intéresser aux causes du mal être actuel.

6. L'IVG et la perte de souveraineté monétaire ont causé un effondrement sans précédent de la France. Toutes les guerres qui ont ensanglanté notre pays n'ont jamais eu un effet aussi dévastateur. Affirmation à tempérer immédiatement par ceci : ce que nous vivons aujourd'hui doit beaucoup aux deux guerres mondiales qui ont ravagé l'Europe. L'IVG est dans le droit fil des abominations du XXème siècle et la perte de souveraineté monétaire résulte d'un combat philosophique contre l'idée même de nation tenue pour largement responsable des combats fratricides qui ont mis l'Europe à genoux.

7. Une culture vaguement mondialiste domine aujourd'hui le paysage médiatique, politique et culturel. Pour elle, la nation et la patrie sont à abattre. Tout doit être mis en oeuvre pour y parvenir. Cette culture est éminemment malthusienne : incapable de percevoir et de comprendre les singularités, elle ne raisonne qu'en grande masse, à la louche, et s'alarme de riens tout en négligeant le plus important. Elle raisonne à l'échelle de la planète alors qu'il faudrait d'abord considérer une multitude de situations particulières et ne jamais généraliser à la hâte. Elle prétend imposer à tous les mêmes règlements, les mêmes normes, les mêmes contraintes, les mêmes lois.

8. C'est pourquoi tenter aujourd'hui d'affaiblir le pouvoir central en France, aussi indigent soit-il (depuis des décennies), est une aberration sans nom : d'une quelconque anarchie ne peut naître qu'une soumission encore plus meurtrière à des intérêts privés qui prospèrent sur la mise en coupe réglée des populations, sur la terreur et la corruption. Nous ne réglerons pas les problèmes de l'heure par moins d'Etat, par la zizanie des intérêts singuliers mais par une recherche ardente et intelligente d'un bien commun qui transcende les attentes catégorielles et par une réorganisation urgente d'un Etat qui s'est vendu peu à peu aux intérêts de (faux) puissants sans foi ni loi.

9. L'Etat français s'est en effet vendu à deux "industries" qui, lorsqu'elles sont au service de la vie, sont censées irriguer les corps intermédiaires et les personnes d'un sang toujours neuf. La première de ces "industries" est celle des instruments financiers. Bien pensée et bien organisée, celle-ci renforce le potentiel économique d'un pays. Dévoyée, elle contribue à sa perte. La seconde, quand elle est bien ordonnée à sa fin la plus noble, contribue à la santé des populations. Détournée de cet objectif premier, elle fomente, suscite et engendre la mort.

10. Aujourd'hui, une certaine "médecine" française contribue à la mise à mort d'un millier de tout petits en gestation par jour ouvrable. Scandale d'une ignominie totale qui est si bien ancré dans les moeurs que tout cela paraît "normal" et même intouchable ! Une autre "médecine" ne cesse d'affaiblir une multitude de malades, enfants et adultes, à coups de traitements inappropriés qui ne visent que des symptômes et qui prétendent s'appuyer sur des normes pourtant contestables. De multiples études contraires démontent de plus en plus les présupposés d'une telle "médecine".

11. Le projet France 2022 s'inscrit au rebours de ces deux tendances lourdes qui ont plombé notre pays et qui l'ont rendu quasi ingouvernable. Il prévoit le rétablissement et la restauration progressive de ces deux "industries" fondamentales - finances et médecine - non comme des objectifs immédiats mais comme des objectifs connexes car il s'agit d'abord d'assainir un terrain miné de toutes parts et de soigner un corps social gangrené par plus de quarante ans d'errance politique.

12. L'un des objectifs majeurs du projet France 2022 est de rendre ses lettres de noblesse à la fonction publique française et de la prémunir contre tout risque de dérive totalitaire, notamment en instituant un droit intangible d'objection de conscience : dans un Etat qui ne sait plus légiférer à bon droit mais qui ne  cesse de multiplier les licences abusives, tout fonctionnaire doit pouvoir contester le bien fondé de certaines dispositions hasardeuses. Ce droit sera naturellement encadré par une garantie constitutionnelle des plus solides.

13. Deux directions de travail au sujet de la fonction publique sont prioritaires : d'une part, renforcer le socle des fonctionnaires sur tous les fronts républicains menacés ; d'autre part, décourager les collusions - c'est un euphémisme - entre haute fonction publique française et pouvoirs privés, notamment dans les deux "industries" mentionnées aux n° 9, 10 et 11 de cette lettre mais aussi dans tous les lieux où les intérêts vitaux, patrimoniaux et stratégiques de notre pays sont en jeu.

14. Les actes successifs de votre mouvement ont surtout incommodé des personnes qui ne sont pour rien dans vos déboires. Quant aux puissances qu'il est censé déranger ou bousculer, elles ont tôt fait de trouver comment vous marginaliser et vous discréditer : il leur a suffi de monter en épingle les dérapages, les incohérences et les impasses de votre mouvement. Quelques puissances médiatiques se sont plu à vous présenter sous un jour peu flatteur, à montrer que vous étiez difficilement crédibles.

15. Vous sentir trahis, manipulés ou ridiculisés ne saurait vous décourager ou vous impressionner : un tel traitement est le lot de toute manifestation contre un ordre inique détenant de multiples clefs et tenant d'innombrables places fortes. Que les systèmes dominants soient hyper cadenassés et verrouillés n'a rien de surprenant. Le découvrir soudain serait faire preuve d'une grande naïveté. Le savoir, en avoir pleinement conscience, doit vous conduire à adopter les formes les plus subtiles de contestation : non pas un ramdam sans queue ni tête, non pas un vacarme vain et sans avenir mais un filet aussi large que possible pour rassembler les hommes et les femmes de bonne volonté qui souhaitent, comme vous, que nous sortions de plusieurs décennies de plomb.

16. A la pointe de votre combat et, dans ses fondations mêmes, n'ont de places utiles et fécondes que la prière, le jeûne et le silence d'une écoute ardente, que vous vous déclariez croyants ou que cela vous semble une hérésie ! puisque nul, en vérité, ne peut se dire incroyant : chacun de nous est bardé d'un nombre incalculable de croyances, plus ou moins solides, qu'il serait bien en peine d'énumérer toutes et, mieux, d'organiser en un tout organique, vivant et puissant. De ce fatras de croyances, seule la prière et les lectures authentiquement spirituelles sont capables de faire émerger un corps de doctrines qui tienne à peu près debout. Aucune violence n'est en mesure, au contraire, de tirer le moindre enseignement valable du capharnaüm de mes croyances. Il faut souvent bien du temps pour s'en apercevoir et s'y résoudre : l'homme n'accède à la véritable liberté qu'après avoir sérieusement élagué son jardin intérieur d'un monceau d'herbes folles qui l'empêchent d'appréhender la réalité d'un monde d'une immense complexité et dans lequel les désordres bien tangibles, y compris en ma chair intime et au plus près de mes préoccupations quotidiennes, ne proviennent pas de coupables clairement identifiables. Il est donc vain et périlleux de vouloir s'en prendre à tel ou tel personnage, à telle ou telle catégorie de personnes, à tel ou tel pouvoir. Je risque d'y perdre mon âme, mon sang froid et mes plus belles facultés.

17. Ne pas accuser, ne pas désigner à la vindicte, ne pas condamner ne signifient pas rester amorphe et ne rien entreprendre. Cette attitude m'engage plutôt à porter le fer là où se situent les vrais combats : en mon for intérieur, là où siègent toutes sortes de convoitises et de pensées impures pour ne pas dire perverses ; toutes sortes d'idées fumeuses et de croyances hasardeuses. Balayer à ma porte avant que de vouloir révolutionner un monde où s'enchevêtrent tant de causes et de conséquences qu'il faut avoir cultiver un regard limpide, un coeur d'une rare clairvoyance pour oser prétendre y mettre bon ordre.

18. En portant le fer à la racine d'un mal endémique, je ne me perdrai plus en vaines disputes, en querelles sans fin, en revendications bancales. Je deviendrai capable de voir où le bât blesse, où se sont accumulées tant de souffrances et de haines recuites que seul un combat hautement spirituel est à même d'apporter un pardon, une paix, une joie nouvelle, un espoir auquel nul ne croyait plus.

19. Je deviendrai aussi capable d'accueillir un salut qui dépasse largement mes plus folles espérances. Un salut qui ne porte pas seulement remède à des situations bien concrètes. Un salut qui transforme en profondeur les données mêmes du problème à résoudre. Un salut qui change la donne au point de rendre caduques et sans objet les échafaudages ou les plans d'une pensée attachée aux seules données tangibles et qui, ce faisant, oublie la partie cachée de l'iceberg, les causes sous-jacentes, les relations mystérieuses et souvent invisibles au regard pressé, superficiel, accusateur.

20. Connaître la face cachée de l'iceberg demande une infinie patience, un travail de longue haleine guidé par cette certitude : hors d'une telle connaissance, impossible de prédire la fin de l'histoire, impossible de savoir ce qu'il adviendra de l'iceberg. Restera-t-il encore longtemps à sa place ou bien va-t-il soudain se détacher de son socle, se déplacer et passer d'une zone glaciale à des eaux dont la chaleur le transformera en ... courant d'air ? S'il devait demeurer à sa place, les littoraux du monde entier seraient épargnés. S'il se détachait de l'Antarctique, océans et mers du globe terrestre monteraient rapidement de trois mètres.

21. Comment nous préparer aux bouleversements probables d'écosystèmes menacés par une montée des eaux sans précédent, à l'échelle de quelques siècles, mais que nos lointains ancêtres ont peut être vécu et dont ils ont conservé le souvenir comme en témoigne le déluge et l'arche de Noé ? Serons-nous là quand elle se produira ? Peu importe ! Envisageons cette éventualité et voyons ce qu'il convient de faire pour qu'elle n'engendre pas une série de catastrophes meurtrières. Et si un tel cataclysme terrestre et matériel n'advenait pas, nous n'aurions pas travaillé en vain puisque parer au pire nous invite à confronter nos diagnostics, nos propositions de solution et à coordonner nos efforts, soit une préparation nécessairement utile car nous sommes, aussi et surtout, menacés de manière éminente, par des dangers d'un autre ordre et plus redoutables : la perte de repères et de principes communs ; la discorde et la désunion ; l'affrontement de factions rivales ...

22. Sur les champs de bataille qui s'annoncent comme s'accumulent des nuages menaçants dans un ciel d'orage, comment garder la tête haute et ne pas céder à des mouvements d'humeur qui aggravent la situation ; comment éviter de mettre de l'huile sur le feu, d'envenimer les conflits, de provoquer des blessures irréversibles, d'accroître l'ampleur des problèmes à résoudre ?

23. Vous y parviendrez en éliminant toute tentation d'accuser celui-ci ou celui-là : nous partageons, à des degrés divers, la responsabilité de la situation actuelle. Se croire indemne et innocent est pure folie. Je dois avoir la sagesse de n'envoyer ni la première ni la dernière pierre et cela même si tous devaient désigner un coupable à la vindicte populaire. Il me faut avoir assez de cran pour ne pas suivre la furie d'une foule qui ne sait plus discerner le bien et le mal et qui prétend faire justice dans un état de colère : aucun jugement ne vaut quand il est rendu sous l'emprise d'une émotion disproportionnée.

24. Il y a de quoi être, par les temps qui courent, dans une très grande colère puisque sont assassinés, jour après jour, des milliers d'êtres en gestation, des innocents qui paient de leur vie les dérèglements d'un monde sous la coupe d'un ordre inique. Ils succombent sous le poids d'une volonté d'extermination qui se pare de vertus illusoires. Si rien de sérieux n'est entrepris contre ce fléau, les problèmes que nous connaissons à cette heure paraîtront franchement dérisoires à ceux qui auront à réparer une société complètement fracassée par l'avortement massif des jeunes pousses françaises, européennes et en maints lieux du globe terrestre au point que, déjà, s'amoncellent de très lourds nuages sur des peuples arrogants mais qui seront bientôt laminés par les conséquences de leur folie.

25. Certains d'entre vous pensent pouvoir tenir très longtemps, samedi après samedi, et pouvoir se faire entendre, enfin. Pourtant le risque est grand que n'advienne jamais ce à quoi vous aspirez puisque si nous n'endiguons pas l'hémorragie qui saigne aujourd'hui les générations montantes, bien des revendications actuelles échoueront contre le mur d'une impossibilité structurelle : sans une relève de très haut niveau, dans un monde où tout est mis en concurrence, à des niveaux jamais atteints, aucune nation ne peut espérer tenir son rang, nourrir et protéger les siens, notamment les plus fragiles, les plus vulnérables, les plus anciens. Une population vieillissante n'a, en ce monde, aucun espoir de salut : elle disparaîtra et ses possessions lui seront enlevées par un plus fort qu'elle et cela bien avant qu'elle ne se soit éteinte.

26. Cette dépossession de la France et de l'Europe a déjà commencé. Elle ne date pas d'hier mais fut inaugurée par des politiciens véreux et leurs complices, dès la fin des années soixante. En perdant sa souveraineté monétaire, la France s'est livrée, pieds et poings liés, aux puissances qui travaillent à la destruction des Etats et des nations pour mieux asservir les hommes et les femmes dès lors privés de toute protection.

27. Il ne sert donc à rien de réclamer davantage de droits et de protections à l'intérieur d'un système gangrené par des créances qui ont pour but d'endetter un peuple jusqu'à cette limite où il n'a plus d'autre choix que de brader ce qu'il pensait à lui pour toujours : une terre hospitalière, des trésors de savoir faire, des ressources naturelles, un héritage légué par le travail des générations antérieures ...

28. Ne vous trompez pas de combats. Vous ne récolteriez qu'un immense désespoir car, après avoir lutté vaillamment, après avoir été meurtris dans votre chair par une répression que l'autorité étatique justifie par les menaces pesant sur l'ordre public, les biens communs et ceux des particuliers, après avoir consacré un temps précieux à une lutte vous paraissant urgente et primordiale, la moindre erreur d'appréciation sur les causes de vos difficultés et de celles de vos proches vous entraînerait dans des abîmes de perplexité, d'amertume et de rancoeur.

29. Dans une lettre ouverte à François Ruffin, figurent quelques axes de combat à privilégier et vous en trouverez d'autres dans l'ensemble du projet France 2022. Certains ne recueilleront pas d'emblée votre assentiment et votre adhésion puisqu'ils sont à contre courant des modes en vigueur en ce moment. Qu'à cela ne tienne, votre mouvement montre justement qu'une partie de nos compatriotes sont las d'entendre se répéter les mêmes rengaines et se propager des demi-vérités faisant la part belle à d'énormes mensonges. Ils ont soif de propos radicalement neufs et veulent voir à l'oeuvre d'autres acteurs. Ils en ont assez d'être pris pour des imbéciles ou des analphabètes.

A suivre ...