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jeudi 14 mars 2013

Du logement social à l'offre sociale de logement


Le succès probable de l'offre d'Iliad (Free) en téléphonie mobile, avec son volet "offre sociale" à deux euros par mois, illustre les possibilités nouvelles que l'alliance de l'informatique, des techniques anciennes et modernes, autorise de nos jours. C'est un exemple parmi d'autres des mutations de plus en plus nombreuses et fréquentes qui vont obliger les différents acteurs de l'économie, dont les politiques, à prendre rapidement le pli d'anticiper les évolutions d'un environnement mouvant et de s'y adapter sans cesse : l'articulation de plus en plus forte entre l'immatériel et le matériel permet à l'offreur de services de multiplier les conditions tarifaires et d'atteindre ainsi des segments de clientèle nombreux en évitant les opérations coûteuses qui ne manqueraient pas d'apparaître dans un système où l'immatériel n'aurait pas autant de place qu'aujourd'hui. Il faut noter au passage que si l'introduction d'une part croissante d'immatériel assouplit nos systèmes, nous ne devons pas pour autant mépriser le matériel et négliger ses apports incontournables : nous demeurons dans un monde où l'incarnation est plus que jamais d'actualité. L'incursion récente de l'immatériel (automatismes, capteurs, puces électroniques, logiciels, ...) ne fait qu'amplifier, au fond, l'incarnation de l'esprit dans la matière et prolonge l'élan du premier instant de la création de l'univers physique.

Ne pas anticiper, en véritable politique, c'est prendre le risque d'avoir à courir après les événements, d'agir dans la précipitation et de provoquer une série de perturbations préjudiciables à tous ceux qui ont besoin de prévoir à moyen ou long terme. En renonçant à jouer pleinement son rôle de vigie, l'Etat français a fini par réagir dans l'urgence et nombre de ses décisions n'ont fait qu'accroître l'instabilité fiscale et juridique de notre pays. Au lieu de dissiper le brouillard, il l'a augmenté. Naviguer dans les eaux économiques françaises est devenu un véritable casse-tête, même pour des marins chevronnés. Beaucoup de noyades et de naufrages économiques puis sociaux seraient évités si l'Etat français améliorait nettement la visibilité sur une mer traversée par des courants insolites, puissants et dévastateurs.

Ici, nous ne traitons pas le sujet épineux de la veille et de l'anticipation. Nous essayons de montrer comment les secteurs d'activité qui s'appuient sur des infrastructures anciennes en voie de modernisation tout en multipliant aujourd'hui les offres de service (transports, énergie, communications, ...) ont intérêt à développer l'offre sociale à l'image de ce que vient de proposer Iliad. La démonstration, en l'occurrence, n'est pas une fin en soi, même si son utilité ne fait aucun doute et nous laissons au lecteur passionné par ce thème le soin d'en chercher les contours et les enchaînements principaux. Il ne s'agit pas de sauter à pieds joints au-dessus de la difficulté mais d'aller à l'essentiel en présentant l'application au logement du principe triple suivant :

1. la régulation et l'optimisation de l'emploi des surcapacités latentes d'un gisement. C'est un principe d'économie au sens familier de ce terme : le non gaspillage ;

2. le basculement progressif des revenus du capital vers le travail rémunéré qui, au fil des ans, a subi des attaques mortelles. Plus généralement, ce principe exprime la nécessité de rétablir l'équilibre entre des forces qui n'agissent en parfaite synergie qu'à la condition d'être en phase ;

3. la mise en oeuvre des possibilités nouvelles offertes par l'introduction d'une part croissante d'immatériel qui non seulement accroît la souplesse de la gestion mais rend possible une complexification de l'offre ... sans complications nuisibles à la simplicité, au bon fonctionnement de l'ensemble de la machine économique et au développement de la vie humaine en société.

L'application au logement, l'une des questions cruciales pour l'avenir en France comme dans de nombreux pays, nous paraît être prioritaire.

Le gisement d'abord : quantité de logements en France sont peu ou pas du tout utilisés. Pour expliquer la hausse du prix des logements, on invoque souvent l'absence de mètres carrés disponibles, des programmes de construction qui manquent d'ambition et l'on rappelle que les collectivités territoriales qui assoient certaines taxes sur le prix de l'immobilier n'ont pas grand intérêt à voir diminuer une assiette fiscale qui n'a cessé de s'étendre. On ne manque pas d'ajouter bien sûr la détérioration du tissu économique qui entraîne l'afflux de travailleurs sur des territoires en manque de logements disponibles et leur départ de régions sinistrées sur le plan du travail alors qu'elles offrent des résidences à ne savoir qu'en faire. On n'omet pas enfin les drames humains, les séparations familiales qui engendrent une surconsommation de places abritées.

Une aberration économique ensuite : depuis quelques années, l'immobilier en France absorbe une part de plus en plus importante des revenus disponibles de la nation privant ainsi le reste de l'économie de flux financiers qui lui permettraient de se développer voire de se maintenir. Pour un propriétaire qui vend son bien immeuble afin de pouvoir disposer d'argent à dépenser dans d'autres secteurs, combien d'acquéreurs vont en sens inverse, qui, au lieu d'acheter ou de louer des biens meubles et des services consacrent une part croissante de leurs revenus à l'acquisition de plus en plus laborieuse (et risquée) d'une résidence ? De sorte que le secteur immobilier a fini par devenir une espèce de macro organe dans le corps de la société pompant l'oxygène qui est nécessaire à d'autres membres non moins essentiels. Plus qu'aucun autre, sans doute, le secteur immobilier doit désormais promouvoir une offre sociale souple et diversifiée qui permettra de mieux répartir l'emploi des revenus, de relancer des secteurs économiques moribonds et de renforcer les plus florissants ou les plus prometteurs.

Une telle évolution ne se fera pas d'elle-même tant elle bouscule d'intérêts. Elle ne viendra pas de ceux qui vivent grassement de l'embonpoint du logement mais d'une réforme courageuse, d'une cure d'amaigrissement salutaire. Le projet France2022 prévoit d'étendre à tout le domaine immobilier français et donc de répartir sur l'ensemble du territoire, l'effort de logement en renonçant à la politique actuelle de construction et de gestion d'îlots classés "logement social", "habitation à loyer modéré", ... et en imposant à tout propriétaire de moduler dans le temps le montant de ses revenus locatifs. De manière concrète : non pas instaurer une baisse générale et instantanée (ou un blocage) des loyers qui aurait pour effet de menacer le secteur de la construction et d'inquiéter les propriétaires ou les futurs acquéreurs mais rendre obligatoire la programmation de périodes d'offre sociale de logement. Tout loueur d'un bien immobilier sera donc tenu d'offrir des périodes de loyer modéré à des conditions définies par l'Etat, les grandes régions et les municipalités selon l'état du marché immobilier en France.

La mise en oeuvre de cette orientation nouvelle demande un travail technique important et réclame aussi, on l'oublie trop souvent, une pédagogie de la réforme bien pensée c'est-à-dire s'appuyant sur une anthropologie et une sociologie, justes et vraies, ainsi qualifiées sans la moindre prétention mais avec le souci d'aboutir à une réforme en profondeur de nos modes d'être en société. Un exemple : demander un effort aux propriétaires en sous entendant que ce sont des affreux capitalistes qui méritent bien qu'on les saigne pour que vive (enfin ?) la nation, c'est s'appuyer sur une sociologie de cave humide et sale où on envisage toutes choses sous l'angle étroit et meurtrier de la lutte des classes.

Il est donc capital de commencer par demander un effort volontaire et non pas contraint par une tonne de dispositions alambiquées et contre productives. Il est non moins essentiel d'équilibrer ensuite les obligations des uns par celles des autres. Une société où l'équilibre des droits et des devoirs a été rompu par des lois ou des dispositions blessantes et même meurtrières pour le tissu humain, est menacée dans ses fondements, court le risque de ne plus supporter les réformes structurelles et d'être le terrain d'affrontements permanents entre des hommes qui auraient intérêt, au contraire, à s'entendre et à coopérer.






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