Cette lettre est la première du genre dans le cadre du projet France 2022 même si d'autres lettres ont déjà été adressées à des personnalités connues. Celles-ci avaient été écrites au fil d'un temps long sans lequel aucun fruit durable et savoureux ne peut être obtenu. Celle-là est commandée par une urgence : sortir de l'enfermement d'une haine tenace qui n'a pas sa place dans un combat politique aussi acharné soit-il et, plus encore, inciter les belligérants en présence à porter le fer là où se situent les vrais enjeux du temps présent. Par exemple : L'IVG, un droit fondamental ?
Cette lettre peut être considérée comme une suite et un prolongement de la tribune : "Préparer l'après-Macron ?". Elle fait également écho à une tribune plus ancienne (2010) du projet France 2022 : la paille et la poutre.
Cette lettre peut être considérée comme une suite et un prolongement de la tribune : "Préparer l'après-Macron ?". Elle fait également écho à une tribune plus ancienne (2010) du projet France 2022 : la paille et la poutre.
François,
1. Nous venons d'apprendre avec stupéfaction que tu sembles avoir complètement perdu les pédales et c'est un euphémisme. Sans forcer le trait, nous pourrions utiliser d'autres images du monde des transports pour qualifier tes récents écarts ou débordements de plume.
2. Cela est d'autant plus regrettable que tu avais mené jusque-là un combat valeureux pour défendre ceux qui ne trouvent plus personne à même de s'intéresser à leurs déboires, à leurs préoccupations, à leurs intérêts et à leur avenir.
3. Tu as mené ce combat en ne ménageant ni tes efforts ni ta propre personne, quitte à déranger des intérêts puissants ou à ne pas recevoir le soutien appuyé de ceux qui partagent tes convictions. En prenant le risque de t'isoler, tu n'a pas vu celui de dérailler. Il est grand temps de te ressaisir. Faute de quoi te guette une franche sortie de route.
4. Les attaques ad hominem ne sont pas dignes d'un homme de confiance. Elles ne le sont pas davantage d'un représentant de nos compatriotes. Qu'un mot déplacé échappe de vive voix à celui qu'emporte un courroux passager, soit. Qui peut se vanter d'être totalement affranchi ou indemne d'un tel dérapage ? Que ces mots soient écrits, imprimés puis largement diffusés et nous quittons le registre de l'agacement spontané pour entrer dans le régime des coups portés avec préméditation par une colère froide et stérile.
5. Stérile parce que nourrie d'une haine quasi maladive. Pas moins. D'une haine qu'aveugle l'ignorance la plus crasse : celle qui prétend imputer le mal absolu à un être de chair tandis que nous savons depuis fort longtemps (2000 ans déjà), depuis les écrits magistraux de Saint Paul, que les puissances à combattre ne sont pas visibles mais d'ordre spirituel.
6. Il faut te réveiller François, dessiller ton regard et tendre l'oreille à ce qui nous sort d'une vision étriquée de l'homme et de son histoire : les combats qui pullulent et foisonnent, les conflits qui naissent et renaissent, les guerres qui ensanglantent la planète sont voulus et engendrés par des êtres spirituels qui cherchent toujours quelques marionnettes humaines pour leur servir de relais.
7. Ces forces obscures trouvent sans cesse le moyen de désigner tel ou tel, telle ou telle, tantôt une catégorie de personnes tantôt une autre comme bouc émissaire idéal d'un combat fratricide. Quoi de plus simple que de s'en prendre alors à un aspect de la victime potentielle et d'attirer l'attention sur l'une de ses caractéristiques bien visibles, identifiables au premier coup d'oeil, quitte à céder aux penchants mauvais d'une caricature venimeuse ou d'une dénonciation criminogène, d'une médisance ou d'une calomnie.
8. Non, François, tu ne peux céder à la facilité du délit de faciès que tu serais le premier à pourfendre s'il s'en prenait à des personnes que tu prétends connaître mieux que quiconque ou simplement davantage qu'un autre. Sors de ce trip infernal. Il n'a pas sa place dans une république qui voudrait donner des leçons de bienséance au monde entier et dans un parti qui prône l'insoumission pour ne pas céder aux sirènes de l'alignement béat et confit.
9. Insoumis et rebelle intelligents, oui. Malveillant et adversaire stupide, non. En ces temps de crise, la moindre des choses est de prendre assez de hauteur pour ne pas se vautrer dans l'invective et la prise à partie d'un niveau inférieur à celui d'une petite frappe. Avec un travail plus rigoureux et un bon entraîneur, tu es capable de boxer dans une autre catégorie.
10. En publiant un portrait à charge dans les termes que tu emploies, tu disqualifies tes propos et l'ensemble de ta prose. Tu perds toute crédibilité alors que, par ailleurs, tu es capable de faire preuve d'une grande abnégation et d'une pertinence rare.
11. Au passage, tu jettes aussi un très large soupçon sur la famille politique à laquelle tu appartiens : est-elle à ce point incapable de proposer des voies alternatives qu'elle se sente obligée, par ton entremise, d'attaquer un Président sur sa mine et son physique ? Manque d'imagination ? Absence totale d'intelligence tactique et politique ?
12. Quand on invective ses adversaires et leur reproche leur bassesse, leur arrogance ou leur mépris, on évite d'imiter leurs attitudes et leurs postures. On prend la peine de faire preuve d'exemplarité. Qu'attends-tu pour relever le niveau ?
13. A l'oubli de la part invisible du vrai combat évoquée aux n° 5, 6 et 7 puis aux n° 21 et 22 de cette lettre, tu ajoutes celui d'un risque majeur : passer d'une intransigeance caricaturale à une intolérance grotesque. A force de se dire et de se croire du seul côté honorable, pur et sans reproches, on finit par céder au simplisme d'un manichéisme pratique qui ne voit plus dans l'autre que noirceur et faute et, selon ton expression favorite, qui se focalise sur la paille dans le regard d'autrui tout en oubliant la poutre dans le sien propre.
14. Tu dérapes encore pour une raison plus essentielle qui figure déjà dans la lettre ouverte aux gilets jaunes : le mouvement de protestation actuelle n'a pas pris toute la mesure des enjeux du moment et court le risque de se fourvoyer dans une impasse faute d'avoir identifié les causes profondes des difficultés de l'heure. Le risque est de prendre des symptômes pour des causes.
15. La France et l'Europe sont en panne parce qu'elles ne savent plus protéger les jeunes pousses et les générations montantes d'une vague sans précédent qui fauche à longueur de journée tous ceux qu'un tiers n'a pas jugé dignes de rester parmi nous ou d'avoir une place honorable au sein de sociétés desquelles les plus vulnérables, les moins performants (selon des critères tordus), les non désirés, les non attendus, les sans grades sont chassés sans vergogne.
16. Ton combat sera crédible et prendra de la hauteur le jour où tu comprendras que l'instauration de l'IVG a sapé les bases de notre droit et ouvert la porte à toutes les injustices, des plus insidieuses aux plus immondes. Aucun progrès significatif ne se produira désormais tant que nous n'aurons pas aboli, de fait sinon de droit, le permis de tuer le fruit le plus précieux de toute activité humaine. Tous les combats politiques qui éludent la question de l'avortement et ne mettent pas tout en oeuvre pour abolir la peine de mort des tout-petits en gestation sont voués à l'échec et les petites victoires qu'ils paraîtront obtenir se transformeront rapidement en défaites cinglantes.
17. Trop peu de personnes en ont conscience à ce jour et c'est pourtant l'un des endroits de la nation où le bât blesse quand il n'assassine pas : la France souffre d'une hémorragie depuis plus de quatre décennies et le silence des agneaux abattus est couvert par le bruit d'une agitation de surface insensible au courant dévastateur qui détruit peu à peu tout espoir d'une sortie de crise.
18. Il faut le redire au risque de se répéter François : toute tentative de redressement d'un pays laminé par un nombre massif d'avortements est vouée à l'échec dès lors que les efforts déployés ne vont pas dans le sens d'un accroissement de la néguentropie pour le genre humain et pour tous les facteurs qui contribuent à la bonne santé de son environnement : biodiversité, qualité des eaux, de l'air et des terres, bien être animal et abondance végétale ; fonction publique de premier plan, tissu industriel vigoureux, écoles de très haut niveau (selon toutes les acceptions de cette expression. En particulier : bien orienter les élèves et les étudiants c'est-à-dire non par défaut ou à la remorque de marchés douteux mais en tenant compte de leurs forces, de leurs faiblesses et de leur potentiel) ...
19. Pour obtenir ce redressement, il ne sert à rien et il est même nocif de s'en prendre au chef de l'Etat, qui plus est à sa personne. Que ses mauvaises actions et celles du gouvernement soient critiquées à bon escient, c'est une chose. Que les attaques versent dans le délit de sale gueule et nous quittons l'arène politique pour entrer dans une basse cour ou un ring de petits coqs hargneux.
20. Ressaisis-toi François. Tu en es capable et il en est encore temps. Demain, il sera trop tard et ce que tu prétendais pourfendre te transformera en clown triste, tout juste bon pour amuser la galerie. Dans un monde nouveau où des réseaux dits "sociaux" sont impitoyables et dépassent en cruauté les médias les plus sévères pour le corps des politiques, tes poursuivants ne feront de toi qu'une bouchée.
21. Il s'agit pour toi de rayonner sans vouloir faire de l'ombre et de le faire en dehors de toute cuisine politicienne, de toute recherche d'effet de manche ou de manchette. Tu as mieux à faire que de tirer à vue sur un être humain. Songe toujours que tes principaux adversaires ne sont ni de chair ni de sang mais qu'ils habitent en des lieux arides d'où leur principale occupation est de faire chuter ceux qui enfourchent une noble cause.
22. Pour y parvenir, il leur suffit d'entraîner un chevalier énergique comme toi sur de mauvais sentiers en le poussant à guerroyer au bout de ses forces. La fatigue aidant, l'ampleur de la tâche venant à s'accroître, le combattant finit par s'essouffler et par commettre l'irréparable.
23. Prends le temps de bien examiner les tenants et les aboutissants des crises en cours. Tu découvriras peu de causes fondamentales sous le maquis et l'enchevêtrement des causes secondes. C'est à la racine que tu dois oeuvrer, là où peu de personnes osent s'aventurer. Ce travail te conduira en des lieux obscurs où il devient vite impossible d'avancer sans une foi solide, seule lumière capable d'éclairer des pans entiers d'une réalité invisible aux regards empressés, raisonneurs, cajoleurs ou paresseux.
24. Il est de notoriété publique que tu es un bosseur et que tu sais prendre le temps d'aller au fond des choses pour dénicher une perle rare. Cette faculté ne suffit pas malheureusement pour explorer un terrain miné par plusieurs décennies d'errance politique. Armé du bouclier d'une foi intrépide, il te faudra aussi cultiver les quatre vertus cardinales que sont la force d'âme, la justice, la prudence et la tempérance. Sans elles, impossible de tenir la distance et de persévérer aussi longtemps qu'il le faudra.
25. Pour sortir de l'enlisement où nous sommes, patience et longueur de temps sont nécessaires mais ne suffisent pas. Une force singulière doit être déployée. Elle ne peut résulter d'un quelconque activisme ou d'une agressivité sans bornes. Elle émane au contraire d'une bonne mesure, en actes et en paroles, car il ne s'agit pas tant de critiquer, de dénoncer et d'accuser que de proposer, d'argumenter et de construire. Et "si le Seigneur ne bâtit la maison, c'est en vain que travaillent les bâtisseurs". La force requise n'est pas d'origine humaine. Elle résulte d'un accord profond avec cette volonté divine qui ne cesse de se manifester par des dons prodigieux auxquels l'oeil blasé, fatigué ou mal orienté, ne prête plus la moindre attention.
26. Parmi ces dons, la naissance d'un enfant. Sa venue au monde est toujours signe de renouveau pour peu que nous lui accordions toute la place qu'il convient de préparer, de maintenir et d'augmenter en vue d'un déploiement salutaire car nous ne quittons pas nos mauvaises habitudes et nos enfermements par des efforts méritoires mais par l'accueil d'une nouveauté qui vient chambouler nos petits plans, nos projections hasardeuses et nos calculs, aussi exacts soient-ils.
27. En cédant à la facilité apparente de l'IVG tout en vivant aussi des moments de tension extrême à ce sujet, je perds toute chance d'être dérangé(e) à bon droit et d'être conduit(e) vers un plus être, un accroissement de sens et de nouveaux horizons. Je me retrouve alors dans un tourbillon où se multiplient les situations génératrices d'une entropie maximale et donc d'un désordre de plus en plus ingérable.
28. Tu le vois et tu le sais, François, ce qu'il nous faut combattre avec droiture et sans répit, ce ne sont pas des adversaires ou des ennemis faits de la même argile que nos pères et qui, un jour, retomberont en poussière. Nous avons à vaincre toutes les puissances qui conduisent tant de femmes à un suicide, non pas assisté mais fomenté par toutes sortes de dispositions favorables au crime le plus odieux et généré par d'innombrables causes qu'il faut prendre le temps d'identifier puis d'éradiquer sans relâche avec beaucoup de prudence puisque, pour préserver le bon grain, le Christ nous recommande de ne pas arracher la mauvaise herbe. Il nous enjoint de semer sans ménager notre peine.
29. C'est en semant la paix et la joie que tu parviendras à faire progresser la justice en tous les lieux où elle paraît absente alors qu'elle subsiste en germe. Là où deux ou trois agissent en communion, elle est prête à renaître de ses cendres. En soufflant trop fort sur les braises, nous ne donnons aucune chance au feu de repartir. Sois patient, lent à la colère, prompt à trouver ce qui promet de fructifier. Tailler, élaguer, certes ! mais plus encore greffer, tuteurer, panser et protéger des mauvais coups.
30. L'époque que nous vivons n'est pas seulement effroyable et terrifiante. Elle recèle d'innombrables promesses. Elle offre de multiples occasions de faire le bien et de répandre un parfum capable d'annihiler les odeurs de décomposition, de moisi, de pourriture ou de mort. Mieux encore : elle procure à qui veut bien s'en saisir les moyens de suspendre et d'arrêter le bras armé qui s'apprêtait à faucher une vie naissante.
31. Ces moyens sont d'une simplicité déroutante : prière, jeûne et aumône dans le secret. Sans eux, les inventions les plus sensationnelles n'ont aucune portée. Elles restent lettres mortes puisqu'aucun objet, aucune méthode, aucune technique n'est capable d'apporter une étincelle de vie sans l'esprit qui l'anime et lui donne de rayonner.
32. Alors que nous sommes environnés d'objets nouveaux et d'outils inconnus des générations précédentes, nous avons besoin, plus que jamais, d'avoir recours à la simplicité des moyens ancestraux. Eux seuls sont en mesure de conduire notre panoplie exosomatique, de guider nos gestes et nos paroles et de les orienter dans le sens d'un plus être, d'un surcroît de charité.
33. Du déluge et de la débauche d'instruments qui accroissent notre rayon d'action ne peut naître rien de bon si nous ne prenons pas le temps de contempler ce qui va bien en ce monde tandis qu'une pluie incessante de nouvelles alarmantes cherche à nous pénétrer d'une morosité lancinante. Plus que jamais, cherchons au contraire à redonner courage, à développer un esprit de gratitude, à susciter des élans de générosité et à faire grandir le rempart d'une joie inaltérable.
34. Sois patient. Tu verras des merveilles. Dans les zones les plus sombres subsiste une lumière qui ne demande qu'à jaillir et à répandre sa chaleur. Notre mission n'est pas de créer cette lumière mais d'enlever ce qui l'empêche d'éclairer et de la placer de telle sorte que rien ne fasse obstacle à son rayonnement.
35. Désencombrer, dépoussiérer, nettoyer, laver, ranger, ... autant d'actions que les plus modestes de nos compatriotes accomplissent jour après jour sans recevoir la reconnaissance qui leur revient que ce soit à domicile, dans un bureau, un atelier ou un hôtel, à l'hôpital, à bord d'un train, d'un avion ou d'un navire, ou à l'Assemblée. Des hommes et des femmes, le plus souvent, qui n'ont pas trouvé un travail à la hauteur de leurs rêves et que chacun d'entre nous devrait avoir imité à longueur de journée afin d'être capable de ressentir dans sa chair l'abaissement que représente une tâche déconsidérée, un résultat aussitôt défait par des personnes inattentives alors qu'une chambre bien tenue dans un asile d'aliénés sauvera celle ou celui qui s'y trouve par erreur en l'empêchant de basculer du côté de la folie ; alors qu'un espace en bon ordre c'est-à-dire ordonné aux fins qu'il suscite, abrite et facilite, donne des ailes à la pensée, du coeur à l'ouvrage et cette pointe d'enthousiasme sans laquelle nos plus beaux projets restent lettres mortes.
36. Ouvrons les yeux et nous verrons quantité d'erreurs, de manquements, de dysfonctionnements ... et, pourtant, la vie continue, comme par miracle, par une grâce surabondante qui ne se focalise pas sur les défauts ou les fautes mais qui nourrit et abreuve tout ce qui porte encore une promesse de vie. Imitons cet élan et cette générosité. Notre monde s'en portera de mieux en mieux.
37. Parents, enseignants, tous corps de métier confondus, nous ne cessons pas de commettre des bourdes et, pourtant, la vie suit son cours, cahin-caha certes, avec des bosses et des ratés, parfois d'une extrême gravité. Ne nous laissons jamais arrêtés en chemin, bloqués, paralysés par toutes ces imperfections qui crèvent les yeux. Imitons simplement ceux qui ont à coeur d'oeuvrer sans se décourager, qui réparent, soignent, redressent, rectifient, admonestent si nécessaire, ne se lassent pas de construire, d'édifier, d'assembler, de rassembler et de faire au mieux, sans pour autant céder à des pressions insupportables ou à des injonctions n'ayant pour seuls horizons que le profit immédiat et la rentabilité à tout crin ou à tout prix.
38. Ne cédons pas à la tentation de disperser, de désunir, d'isoler ... Dans un monde qui tend à se liquéfier et à perdre ce qui lui tenait lieu de colonne vertébrale, notre résistance ne parviendra à remédier au pire qu'en se montrant d'une souplesse digne d'un judoka expérimenté ; notre résistance n'aura de sens et de portée que si elle se mue en inventivité inlassable. Ne perdons pas de temps à lancer des attaques et des flèches de tous côtés. Il suffit de rester bien campé sur ses deux pieds, la tête au ciel, bien ancrés sur le sol, bien en prise avec les réalités de notre environnement, avec un centre de gravité maintenu à basse altitude par une humilité de bon aloi et de chaque instant, par une science du combat sans égale.
39. A quoi bon accuser l'autre et lui reprocher de ne pas savoir, de ne pas connaître ? Qui peut se vanter d'en savoir assez ? Ne sommes-nous pas rendus à une époque où nul ne peut plus se prévaloir de ses acquis et des ses diplômes, où chacun doit faire l'effort, jour après jour, de remettre en cause ce qu'il croyait intangible, indépassable, indémodable ? Où chacun d'entre nous, s'il veut rester à la page, est tenu d'apprendre sans cesse ? Non sous le poids d'une pression implacable ou de mauvais gré, comme contraint et forcé, mais joyeusement, hardiment et de manière tonique.
40. Sans compter que chacun perçoit la réalité selon un prisme déformant qu'il lui faudra humblement assouplir et corriger, sous peine de passer à côté de l'essentiel ou d'être incapable d'entendre d'autres sons de cloche. Essayons d'assembler nos visions individuelles pour reconstituer, comme dans un jeu de puzzle, une image aussi proche que possible d'un réel qui échappe à celui qui reste isolé ou à celui qui, par des fautes graves, s'exclut d'une communion indispensable à l'entretien de sa vie, non seulement corporelle mais aussi sacramentelle.
41. Sans le sacrement du frère, que sommes-nous en effet ? Juste une brindille, un fétu de paille, ballotté de droite et de gauche par les tourbillons de notre vie intérieure et par l'agitation d'un monde de plus en plus sous pression et en ébullition. Le mouvement des gilets jaunes en témoigne : beaucoup sont las d'un isolement qui nous conduit à nous regarder en chiens de faïence, à ne plus pouvoir parler simplement avec tout un chacun quand certains se croient même autorisés à insulter l'autre, à le dénigrer, à le condamner sans autre forme de procès, juste en raison d'une appartenance réelle ou supposée, d'un détail monté en épingle, d'une caricature grossière qui déshonore celui qui se laisse aller au mépris et se laisse guider par ses plus bas instincts.
42. Dès que je cherche un chemin de paix, facteur de prospérité et d'abondance, je ne puis qu'être frappé par l'ampleur du travail accompli par les générations précédentes. La Toile en témoigne à longueur de pages et c'est l'un des messages principaux de la lettre ouverte aux jeunes, écrite dans le cadre du projet France 2022 à l'intention d'une génération qui s'apprête à prendre la relève, écrite pour encourager tous ceux qui seraient tentés de démissionner trop vite et de perdre un temps fou à critiquer quand il faudrait au contraire louer, admirer, imiter intelligemment afin d'être en mesure d'améliorer ce qui convient de l'être, de garder ce qui mérite de l'être et de dépasser voire d'abandonner ce qui est devenu obsolète ou même nuisible.
43. Marquées profondément et durablement par les guerres qui ont détruit les espoirs d'un début de XXème siècle flamboyant, douchées par les monstruosités de dictatures quasiment impensables à la seule lumière de la raison humaine, les générations qui nous ont enfantés avaient pour coutume de tout garder, de ne rien laisser perdre de peur de manquer le lendemain et se disant : "cela servira bien un jour ou l'autre". Celles qui ont suivi, celles auxquelles nous appartenons ont adopté un pli radicalement différent : user, détériorer, déclasser, démoder, négliger, jeter, remplacer, démolir, déconstruire, ravager parfois, dilapider, ... et finir par vivre de manière très insouciante. Cette "insoutenable légèreté" d'être ne s'est pas répandue de manière uniforme : des familles, des foyers, des corps intermédiaires ont continué à compter, à faire attention, à économiser, à anticiper ... Le drame de l'insouciance et de l'imprévoyance a surtout gagné des personnes en charge de l'intérêt général et du bien commun. Insouciance bien différente de celle recommandée par le Christ puisque celle-là ne s'appuie que sur des prétentions humaines, sur un orgueil démesuré : j'arriverai à m'en sortir, nous arriverons à rebondir quoiqu'il arrive ; puisque celle-là repose aussi sur un égoïsme foncier : à moi les restes du festin, aux autres la peau de chagrin tandis que l'insouciance évangélique se fonde sur une foi intrépide, une confiance indéfectible à l'égard d'un Père prodigue, d'un Fils qui porte sur Lui nos misères et d'un Esprit si inventif que rien ne résiste à la pluie de ses dons sauf un coeur replié sur des richesses de peu.
44. Dans les combats que tu mènes d'un coeur vaillant, garde une saine contenance en dépit de la colère légitime qui te transporte sans quoi les causes les plus justes que tu défends avec ardeur ne se dénoueront pas en leur faveur. Ainsi en est-il par exemple de la tentative de privatisation de ADP (Aéroports de Paris) par un gouvernement aux abois et qui ne sait plus comment faire face aux financements de ses actions de bien prioritaires et de ses fausses priorités. Que tu sois révolté ne peut-être qu'approuvé : beaucoup d'autres voix se sont également élevées pour dénoncer une opération contraire au bien commun et aux intérêts vitaux de la France. Veille cependant à garder ton calme. Ta défense en aura davantage de portée et cette attitude sans coup de sang t'évitera de renouveler l'humiliation d'être contraint au silence par qui use de son entregent pour se placer là où se mitonnent les ambitions les moins recommandables ...
A suivre ...
5. Stérile parce que nourrie d'une haine quasi maladive. Pas moins. D'une haine qu'aveugle l'ignorance la plus crasse : celle qui prétend imputer le mal absolu à un être de chair tandis que nous savons depuis fort longtemps (2000 ans déjà), depuis les écrits magistraux de Saint Paul, que les puissances à combattre ne sont pas visibles mais d'ordre spirituel.
6. Il faut te réveiller François, dessiller ton regard et tendre l'oreille à ce qui nous sort d'une vision étriquée de l'homme et de son histoire : les combats qui pullulent et foisonnent, les conflits qui naissent et renaissent, les guerres qui ensanglantent la planète sont voulus et engendrés par des êtres spirituels qui cherchent toujours quelques marionnettes humaines pour leur servir de relais.
7. Ces forces obscures trouvent sans cesse le moyen de désigner tel ou tel, telle ou telle, tantôt une catégorie de personnes tantôt une autre comme bouc émissaire idéal d'un combat fratricide. Quoi de plus simple que de s'en prendre alors à un aspect de la victime potentielle et d'attirer l'attention sur l'une de ses caractéristiques bien visibles, identifiables au premier coup d'oeil, quitte à céder aux penchants mauvais d'une caricature venimeuse ou d'une dénonciation criminogène, d'une médisance ou d'une calomnie.
8. Non, François, tu ne peux céder à la facilité du délit de faciès que tu serais le premier à pourfendre s'il s'en prenait à des personnes que tu prétends connaître mieux que quiconque ou simplement davantage qu'un autre. Sors de ce trip infernal. Il n'a pas sa place dans une république qui voudrait donner des leçons de bienséance au monde entier et dans un parti qui prône l'insoumission pour ne pas céder aux sirènes de l'alignement béat et confit.
9. Insoumis et rebelle intelligents, oui. Malveillant et adversaire stupide, non. En ces temps de crise, la moindre des choses est de prendre assez de hauteur pour ne pas se vautrer dans l'invective et la prise à partie d'un niveau inférieur à celui d'une petite frappe. Avec un travail plus rigoureux et un bon entraîneur, tu es capable de boxer dans une autre catégorie.
10. En publiant un portrait à charge dans les termes que tu emploies, tu disqualifies tes propos et l'ensemble de ta prose. Tu perds toute crédibilité alors que, par ailleurs, tu es capable de faire preuve d'une grande abnégation et d'une pertinence rare.
11. Au passage, tu jettes aussi un très large soupçon sur la famille politique à laquelle tu appartiens : est-elle à ce point incapable de proposer des voies alternatives qu'elle se sente obligée, par ton entremise, d'attaquer un Président sur sa mine et son physique ? Manque d'imagination ? Absence totale d'intelligence tactique et politique ?
12. Quand on invective ses adversaires et leur reproche leur bassesse, leur arrogance ou leur mépris, on évite d'imiter leurs attitudes et leurs postures. On prend la peine de faire preuve d'exemplarité. Qu'attends-tu pour relever le niveau ?
13. A l'oubli de la part invisible du vrai combat évoquée aux n° 5, 6 et 7 puis aux n° 21 et 22 de cette lettre, tu ajoutes celui d'un risque majeur : passer d'une intransigeance caricaturale à une intolérance grotesque. A force de se dire et de se croire du seul côté honorable, pur et sans reproches, on finit par céder au simplisme d'un manichéisme pratique qui ne voit plus dans l'autre que noirceur et faute et, selon ton expression favorite, qui se focalise sur la paille dans le regard d'autrui tout en oubliant la poutre dans le sien propre.
14. Tu dérapes encore pour une raison plus essentielle qui figure déjà dans la lettre ouverte aux gilets jaunes : le mouvement de protestation actuelle n'a pas pris toute la mesure des enjeux du moment et court le risque de se fourvoyer dans une impasse faute d'avoir identifié les causes profondes des difficultés de l'heure. Le risque est de prendre des symptômes pour des causes.
15. La France et l'Europe sont en panne parce qu'elles ne savent plus protéger les jeunes pousses et les générations montantes d'une vague sans précédent qui fauche à longueur de journée tous ceux qu'un tiers n'a pas jugé dignes de rester parmi nous ou d'avoir une place honorable au sein de sociétés desquelles les plus vulnérables, les moins performants (selon des critères tordus), les non désirés, les non attendus, les sans grades sont chassés sans vergogne.
16. Ton combat sera crédible et prendra de la hauteur le jour où tu comprendras que l'instauration de l'IVG a sapé les bases de notre droit et ouvert la porte à toutes les injustices, des plus insidieuses aux plus immondes. Aucun progrès significatif ne se produira désormais tant que nous n'aurons pas aboli, de fait sinon de droit, le permis de tuer le fruit le plus précieux de toute activité humaine. Tous les combats politiques qui éludent la question de l'avortement et ne mettent pas tout en oeuvre pour abolir la peine de mort des tout-petits en gestation sont voués à l'échec et les petites victoires qu'ils paraîtront obtenir se transformeront rapidement en défaites cinglantes.
17. Trop peu de personnes en ont conscience à ce jour et c'est pourtant l'un des endroits de la nation où le bât blesse quand il n'assassine pas : la France souffre d'une hémorragie depuis plus de quatre décennies et le silence des agneaux abattus est couvert par le bruit d'une agitation de surface insensible au courant dévastateur qui détruit peu à peu tout espoir d'une sortie de crise.
18. Il faut le redire au risque de se répéter François : toute tentative de redressement d'un pays laminé par un nombre massif d'avortements est vouée à l'échec dès lors que les efforts déployés ne vont pas dans le sens d'un accroissement de la néguentropie pour le genre humain et pour tous les facteurs qui contribuent à la bonne santé de son environnement : biodiversité, qualité des eaux, de l'air et des terres, bien être animal et abondance végétale ; fonction publique de premier plan, tissu industriel vigoureux, écoles de très haut niveau (selon toutes les acceptions de cette expression. En particulier : bien orienter les élèves et les étudiants c'est-à-dire non par défaut ou à la remorque de marchés douteux mais en tenant compte de leurs forces, de leurs faiblesses et de leur potentiel) ...
19. Pour obtenir ce redressement, il ne sert à rien et il est même nocif de s'en prendre au chef de l'Etat, qui plus est à sa personne. Que ses mauvaises actions et celles du gouvernement soient critiquées à bon escient, c'est une chose. Que les attaques versent dans le délit de sale gueule et nous quittons l'arène politique pour entrer dans une basse cour ou un ring de petits coqs hargneux.
20. Ressaisis-toi François. Tu en es capable et il en est encore temps. Demain, il sera trop tard et ce que tu prétendais pourfendre te transformera en clown triste, tout juste bon pour amuser la galerie. Dans un monde nouveau où des réseaux dits "sociaux" sont impitoyables et dépassent en cruauté les médias les plus sévères pour le corps des politiques, tes poursuivants ne feront de toi qu'une bouchée.
21. Il s'agit pour toi de rayonner sans vouloir faire de l'ombre et de le faire en dehors de toute cuisine politicienne, de toute recherche d'effet de manche ou de manchette. Tu as mieux à faire que de tirer à vue sur un être humain. Songe toujours que tes principaux adversaires ne sont ni de chair ni de sang mais qu'ils habitent en des lieux arides d'où leur principale occupation est de faire chuter ceux qui enfourchent une noble cause.
22. Pour y parvenir, il leur suffit d'entraîner un chevalier énergique comme toi sur de mauvais sentiers en le poussant à guerroyer au bout de ses forces. La fatigue aidant, l'ampleur de la tâche venant à s'accroître, le combattant finit par s'essouffler et par commettre l'irréparable.
23. Prends le temps de bien examiner les tenants et les aboutissants des crises en cours. Tu découvriras peu de causes fondamentales sous le maquis et l'enchevêtrement des causes secondes. C'est à la racine que tu dois oeuvrer, là où peu de personnes osent s'aventurer. Ce travail te conduira en des lieux obscurs où il devient vite impossible d'avancer sans une foi solide, seule lumière capable d'éclairer des pans entiers d'une réalité invisible aux regards empressés, raisonneurs, cajoleurs ou paresseux.
24. Il est de notoriété publique que tu es un bosseur et que tu sais prendre le temps d'aller au fond des choses pour dénicher une perle rare. Cette faculté ne suffit pas malheureusement pour explorer un terrain miné par plusieurs décennies d'errance politique. Armé du bouclier d'une foi intrépide, il te faudra aussi cultiver les quatre vertus cardinales que sont la force d'âme, la justice, la prudence et la tempérance. Sans elles, impossible de tenir la distance et de persévérer aussi longtemps qu'il le faudra.
25. Pour sortir de l'enlisement où nous sommes, patience et longueur de temps sont nécessaires mais ne suffisent pas. Une force singulière doit être déployée. Elle ne peut résulter d'un quelconque activisme ou d'une agressivité sans bornes. Elle émane au contraire d'une bonne mesure, en actes et en paroles, car il ne s'agit pas tant de critiquer, de dénoncer et d'accuser que de proposer, d'argumenter et de construire. Et "si le Seigneur ne bâtit la maison, c'est en vain que travaillent les bâtisseurs". La force requise n'est pas d'origine humaine. Elle résulte d'un accord profond avec cette volonté divine qui ne cesse de se manifester par des dons prodigieux auxquels l'oeil blasé, fatigué ou mal orienté, ne prête plus la moindre attention.
26. Parmi ces dons, la naissance d'un enfant. Sa venue au monde est toujours signe de renouveau pour peu que nous lui accordions toute la place qu'il convient de préparer, de maintenir et d'augmenter en vue d'un déploiement salutaire car nous ne quittons pas nos mauvaises habitudes et nos enfermements par des efforts méritoires mais par l'accueil d'une nouveauté qui vient chambouler nos petits plans, nos projections hasardeuses et nos calculs, aussi exacts soient-ils.
27. En cédant à la facilité apparente de l'IVG tout en vivant aussi des moments de tension extrême à ce sujet, je perds toute chance d'être dérangé(e) à bon droit et d'être conduit(e) vers un plus être, un accroissement de sens et de nouveaux horizons. Je me retrouve alors dans un tourbillon où se multiplient les situations génératrices d'une entropie maximale et donc d'un désordre de plus en plus ingérable.
28. Tu le vois et tu le sais, François, ce qu'il nous faut combattre avec droiture et sans répit, ce ne sont pas des adversaires ou des ennemis faits de la même argile que nos pères et qui, un jour, retomberont en poussière. Nous avons à vaincre toutes les puissances qui conduisent tant de femmes à un suicide, non pas assisté mais fomenté par toutes sortes de dispositions favorables au crime le plus odieux et généré par d'innombrables causes qu'il faut prendre le temps d'identifier puis d'éradiquer sans relâche avec beaucoup de prudence puisque, pour préserver le bon grain, le Christ nous recommande de ne pas arracher la mauvaise herbe. Il nous enjoint de semer sans ménager notre peine.
29. C'est en semant la paix et la joie que tu parviendras à faire progresser la justice en tous les lieux où elle paraît absente alors qu'elle subsiste en germe. Là où deux ou trois agissent en communion, elle est prête à renaître de ses cendres. En soufflant trop fort sur les braises, nous ne donnons aucune chance au feu de repartir. Sois patient, lent à la colère, prompt à trouver ce qui promet de fructifier. Tailler, élaguer, certes ! mais plus encore greffer, tuteurer, panser et protéger des mauvais coups.
30. L'époque que nous vivons n'est pas seulement effroyable et terrifiante. Elle recèle d'innombrables promesses. Elle offre de multiples occasions de faire le bien et de répandre un parfum capable d'annihiler les odeurs de décomposition, de moisi, de pourriture ou de mort. Mieux encore : elle procure à qui veut bien s'en saisir les moyens de suspendre et d'arrêter le bras armé qui s'apprêtait à faucher une vie naissante.
31. Ces moyens sont d'une simplicité déroutante : prière, jeûne et aumône dans le secret. Sans eux, les inventions les plus sensationnelles n'ont aucune portée. Elles restent lettres mortes puisqu'aucun objet, aucune méthode, aucune technique n'est capable d'apporter une étincelle de vie sans l'esprit qui l'anime et lui donne de rayonner.
32. Alors que nous sommes environnés d'objets nouveaux et d'outils inconnus des générations précédentes, nous avons besoin, plus que jamais, d'avoir recours à la simplicité des moyens ancestraux. Eux seuls sont en mesure de conduire notre panoplie exosomatique, de guider nos gestes et nos paroles et de les orienter dans le sens d'un plus être, d'un surcroît de charité.
33. Du déluge et de la débauche d'instruments qui accroissent notre rayon d'action ne peut naître rien de bon si nous ne prenons pas le temps de contempler ce qui va bien en ce monde tandis qu'une pluie incessante de nouvelles alarmantes cherche à nous pénétrer d'une morosité lancinante. Plus que jamais, cherchons au contraire à redonner courage, à développer un esprit de gratitude, à susciter des élans de générosité et à faire grandir le rempart d'une joie inaltérable.
34. Sois patient. Tu verras des merveilles. Dans les zones les plus sombres subsiste une lumière qui ne demande qu'à jaillir et à répandre sa chaleur. Notre mission n'est pas de créer cette lumière mais d'enlever ce qui l'empêche d'éclairer et de la placer de telle sorte que rien ne fasse obstacle à son rayonnement.
35. Désencombrer, dépoussiérer, nettoyer, laver, ranger, ... autant d'actions que les plus modestes de nos compatriotes accomplissent jour après jour sans recevoir la reconnaissance qui leur revient que ce soit à domicile, dans un bureau, un atelier ou un hôtel, à l'hôpital, à bord d'un train, d'un avion ou d'un navire, ou à l'Assemblée. Des hommes et des femmes, le plus souvent, qui n'ont pas trouvé un travail à la hauteur de leurs rêves et que chacun d'entre nous devrait avoir imité à longueur de journée afin d'être capable de ressentir dans sa chair l'abaissement que représente une tâche déconsidérée, un résultat aussitôt défait par des personnes inattentives alors qu'une chambre bien tenue dans un asile d'aliénés sauvera celle ou celui qui s'y trouve par erreur en l'empêchant de basculer du côté de la folie ; alors qu'un espace en bon ordre c'est-à-dire ordonné aux fins qu'il suscite, abrite et facilite, donne des ailes à la pensée, du coeur à l'ouvrage et cette pointe d'enthousiasme sans laquelle nos plus beaux projets restent lettres mortes.
36. Ouvrons les yeux et nous verrons quantité d'erreurs, de manquements, de dysfonctionnements ... et, pourtant, la vie continue, comme par miracle, par une grâce surabondante qui ne se focalise pas sur les défauts ou les fautes mais qui nourrit et abreuve tout ce qui porte encore une promesse de vie. Imitons cet élan et cette générosité. Notre monde s'en portera de mieux en mieux.
37. Parents, enseignants, tous corps de métier confondus, nous ne cessons pas de commettre des bourdes et, pourtant, la vie suit son cours, cahin-caha certes, avec des bosses et des ratés, parfois d'une extrême gravité. Ne nous laissons jamais arrêtés en chemin, bloqués, paralysés par toutes ces imperfections qui crèvent les yeux. Imitons simplement ceux qui ont à coeur d'oeuvrer sans se décourager, qui réparent, soignent, redressent, rectifient, admonestent si nécessaire, ne se lassent pas de construire, d'édifier, d'assembler, de rassembler et de faire au mieux, sans pour autant céder à des pressions insupportables ou à des injonctions n'ayant pour seuls horizons que le profit immédiat et la rentabilité à tout crin ou à tout prix.
38. Ne cédons pas à la tentation de disperser, de désunir, d'isoler ... Dans un monde qui tend à se liquéfier et à perdre ce qui lui tenait lieu de colonne vertébrale, notre résistance ne parviendra à remédier au pire qu'en se montrant d'une souplesse digne d'un judoka expérimenté ; notre résistance n'aura de sens et de portée que si elle se mue en inventivité inlassable. Ne perdons pas de temps à lancer des attaques et des flèches de tous côtés. Il suffit de rester bien campé sur ses deux pieds, la tête au ciel, bien ancrés sur le sol, bien en prise avec les réalités de notre environnement, avec un centre de gravité maintenu à basse altitude par une humilité de bon aloi et de chaque instant, par une science du combat sans égale.
39. A quoi bon accuser l'autre et lui reprocher de ne pas savoir, de ne pas connaître ? Qui peut se vanter d'en savoir assez ? Ne sommes-nous pas rendus à une époque où nul ne peut plus se prévaloir de ses acquis et des ses diplômes, où chacun doit faire l'effort, jour après jour, de remettre en cause ce qu'il croyait intangible, indépassable, indémodable ? Où chacun d'entre nous, s'il veut rester à la page, est tenu d'apprendre sans cesse ? Non sous le poids d'une pression implacable ou de mauvais gré, comme contraint et forcé, mais joyeusement, hardiment et de manière tonique.
40. Sans compter que chacun perçoit la réalité selon un prisme déformant qu'il lui faudra humblement assouplir et corriger, sous peine de passer à côté de l'essentiel ou d'être incapable d'entendre d'autres sons de cloche. Essayons d'assembler nos visions individuelles pour reconstituer, comme dans un jeu de puzzle, une image aussi proche que possible d'un réel qui échappe à celui qui reste isolé ou à celui qui, par des fautes graves, s'exclut d'une communion indispensable à l'entretien de sa vie, non seulement corporelle mais aussi sacramentelle.
41. Sans le sacrement du frère, que sommes-nous en effet ? Juste une brindille, un fétu de paille, ballotté de droite et de gauche par les tourbillons de notre vie intérieure et par l'agitation d'un monde de plus en plus sous pression et en ébullition. Le mouvement des gilets jaunes en témoigne : beaucoup sont las d'un isolement qui nous conduit à nous regarder en chiens de faïence, à ne plus pouvoir parler simplement avec tout un chacun quand certains se croient même autorisés à insulter l'autre, à le dénigrer, à le condamner sans autre forme de procès, juste en raison d'une appartenance réelle ou supposée, d'un détail monté en épingle, d'une caricature grossière qui déshonore celui qui se laisse aller au mépris et se laisse guider par ses plus bas instincts.
42. Dès que je cherche un chemin de paix, facteur de prospérité et d'abondance, je ne puis qu'être frappé par l'ampleur du travail accompli par les générations précédentes. La Toile en témoigne à longueur de pages et c'est l'un des messages principaux de la lettre ouverte aux jeunes, écrite dans le cadre du projet France 2022 à l'intention d'une génération qui s'apprête à prendre la relève, écrite pour encourager tous ceux qui seraient tentés de démissionner trop vite et de perdre un temps fou à critiquer quand il faudrait au contraire louer, admirer, imiter intelligemment afin d'être en mesure d'améliorer ce qui convient de l'être, de garder ce qui mérite de l'être et de dépasser voire d'abandonner ce qui est devenu obsolète ou même nuisible.
43. Marquées profondément et durablement par les guerres qui ont détruit les espoirs d'un début de XXème siècle flamboyant, douchées par les monstruosités de dictatures quasiment impensables à la seule lumière de la raison humaine, les générations qui nous ont enfantés avaient pour coutume de tout garder, de ne rien laisser perdre de peur de manquer le lendemain et se disant : "cela servira bien un jour ou l'autre". Celles qui ont suivi, celles auxquelles nous appartenons ont adopté un pli radicalement différent : user, détériorer, déclasser, démoder, négliger, jeter, remplacer, démolir, déconstruire, ravager parfois, dilapider, ... et finir par vivre de manière très insouciante. Cette "insoutenable légèreté" d'être ne s'est pas répandue de manière uniforme : des familles, des foyers, des corps intermédiaires ont continué à compter, à faire attention, à économiser, à anticiper ... Le drame de l'insouciance et de l'imprévoyance a surtout gagné des personnes en charge de l'intérêt général et du bien commun. Insouciance bien différente de celle recommandée par le Christ puisque celle-là ne s'appuie que sur des prétentions humaines, sur un orgueil démesuré : j'arriverai à m'en sortir, nous arriverons à rebondir quoiqu'il arrive ; puisque celle-là repose aussi sur un égoïsme foncier : à moi les restes du festin, aux autres la peau de chagrin tandis que l'insouciance évangélique se fonde sur une foi intrépide, une confiance indéfectible à l'égard d'un Père prodigue, d'un Fils qui porte sur Lui nos misères et d'un Esprit si inventif que rien ne résiste à la pluie de ses dons sauf un coeur replié sur des richesses de peu.
44. Dans les combats que tu mènes d'un coeur vaillant, garde une saine contenance en dépit de la colère légitime qui te transporte sans quoi les causes les plus justes que tu défends avec ardeur ne se dénoueront pas en leur faveur. Ainsi en est-il par exemple de la tentative de privatisation de ADP (Aéroports de Paris) par un gouvernement aux abois et qui ne sait plus comment faire face aux financements de ses actions de bien prioritaires et de ses fausses priorités. Que tu sois révolté ne peut-être qu'approuvé : beaucoup d'autres voix se sont également élevées pour dénoncer une opération contraire au bien commun et aux intérêts vitaux de la France. Veille cependant à garder ton calme. Ta défense en aura davantage de portée et cette attitude sans coup de sang t'évitera de renouveler l'humiliation d'être contraint au silence par qui use de son entregent pour se placer là où se mitonnent les ambitions les moins recommandables ...
A suivre ...
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