En forme de lettre ouverte
et de réponse à Sylvain Tesson
(article paru dans Le Point :
En hommage aux penseurs grecs
et en signe de gratitude à leur égard ...
Après l'Europe de la rente et du casino financier, quelle Europe pour demain ?
Construire la paix en Europe, un défi majeur, inventé et relevé avec brio par ses pères fondateurs et poursuivi avec zèle par leurs héritiers malgré des circonstances adverses et des conditions difficiles.
Circonstances adverses : un monde en feu de toutes parts où règne le plus souvent la loi de la jungle ; ici et là, des ennemis irréductibles de la liberté des peuples à disposer de leur destin, de la liberté tout court, des ennemis du christianisme ou du simple fait religieux, de la foi, de l'espérance et de la charité ... ; au sein même de l'Europe, des opposants farouches à toute vraie liberté, celle qui ne réside pas dans la multiplicité extravagante des choix mais dans des prises de décision assumées et des engagements fermes qui résistent à l'usure et à l'épreuve du temps !
Conditions difficiles : une histoire commune tissée de conflits incessants sur fond de barbarie, une multiplicité de langues, une grande diversité de cultures, d'organisations politiques, des intérêts convergents et divergents, des rancunes, des a priori, des tonnes d'incompréhension et de méconnaissance mutuelles ...
Au bout du compte, un projet exaltant qui tourne hélas au profit exclusif d'un petit nombre même si beaucoup ont pu, à un moment ou à un autre, bénéficié d'une construction audacieuse, inimaginable quelques décennies plus tôt. Tous n'ont pas eu, hélas, cette chance car certains héritiers des pères fondateurs de la communauté européenne d'intérêts ont construit une fausse paix, une paix selon l'esprit du monde. Certes, une grande partie de l'Europe n'a plus connu de guerre apparente depuis un moment mais tandis que les pays européens évitent enfin de s'affronter militairement, ils continuent à le faire sur d'autres plans. Pire encore, de très nombreuses personnes sans défense sont aujourd'hui victimes de ces combats et de tous les coups bas qui sont portés à ceux qui n'ont pas les moyens de se faire entendre, de faire valoir leurs propres intérêts ou besoins.
Au bout du compte, un vaste territoire qui fait beaucoup d'envieux, qui attire une foule immense venue des quatre coins de l'horizon tandis que l'Europe est en train de se suicider pour s'être installée dans un confort qui exclut les jeunes pousses, pour être redevenue une sorte d'empire romain en déconfiture et même un théâtre ouvert à toutes sortes de barbaries. L'Europe, ensemble géographique avant d'être un espace géopolitique, lieu de mémoire plus que d'avenir semble-t-il, ... terrain convoité, admiré et honni, jalousé, détesté et envié, ... qui peine à se défendre puisqu'il paraît s'échiner à devenir indéfendable sur quantité de sujets.
Sur la paix enfin établie entre des peuples qui avaient passé leur temps à se battre pour asseoir leur souveraineté s'est construit un patrimoine d'une valeur inestimable, un STOCK qui, à lui seul, justifie la force d'une monnaie commune, l'EURO. En temps de paix, nul besoin d'or (voir à ce propos l'histoire époustouflante et rocambolesque de l'évasion du trésor de la Banque de France en 1940) pour garantir la valeur de la monnaie : le stock des biens est une garantie suffisante mais ce stock a de plus en plus besoin d'être protégé, défendu contre tous les prédateurs. Ce stock a également besoin d'être entretenu, embelli, admiré, transformé, rendu effectivement disponible et accessible pour tous ceux dont une partie de l'existence est conditionnée par l'usage de ce stock ...
Premier défi et non des moindres : faire comprendre aux pacifistes de tout poil, dont quelques-uns sont prêts à user de violence, que le trésor européen a besoin d'une défense très très solide ; que la France et l'Angleterre n'ont pas à porter seules, ou presque, tout le poids de l'effort de défense d'ordre militaire ; qu'il est grand temps que tous les pays européens coopèrent à la défense d'un continent qui recèle des trésors, en veux-tu en voilà ! Défense tous azimuts : militaire, douanière, policière ... certes mais pas seulement et loin s'en faut : défense juridique, fiscale, économique, financière, ..., philosophique, littéraire, artistique, théologique, spirituelle, ...
Deuxième défi : faire comprendre à tous les citoyens européens et en particulier aux (fausses comme aux vraies) élites qu'une défense solide des biens commence par un respect de toute vie humaine, par une défense vraie du fruit des entrailles de toute femme car défendre des biens matériels, des positions terrestres ou maritimes, des trésors immatériels ... n'a de sens qu'en vue de leur usage par des personnes. Tant que l'Europe se montrera aussi hostile, dans les faits et juridiquement, au prodige de l'enfantement dès sa conception, aucun effort de défense commune des biens (territoire, frontière, savoir-faire, biens meubles et immeubles) n'aboutira : si nous ne prenons pas la peine de sauvegarder l'essentiel, le plus précieux, comment s'étonner que tout le reste (frontières, biens de toutes sortes, patrimoine, salariés, vieillards, infirmes, ...) ne soit plus à l'abri du premier prédateur venu, que ce prédateur soit un patron ou un employé voyou, un politicien véreux, une multinationale ou une petite entreprise malhonnête, un géant ou un nain étatique sans scrupule, une plate forme d'ubérisation ou n'importe quel autre acteur économique opportuniste profitant de vides juridiques ou de négligences politiques coupables pour se développer au détriment des autres et pour exploiter à vil prix tout ce qui peut l'être ... ?
Troisième défi : associer la Russie à cet effort de défense militaire mais aussi morale de l'Europe, sans négliger d'être en bons termes avec toutes les autres hyperpuissances, sans être non plus le vassal de l'une d'entre elles, sans croire enfin qu'il y aurait d'une part les nations en tous points irréprochables et d'autre part celles que l'on pourrait mettre au ban des nations. Sortir en somme d'un manichéisme d'un autre âge qui sépare le bon et le mauvais, le bien et le mal d'une manière si absolue qu'il lui faut un dieu pour chacun et qu'il ne reste plus la moindre latitude pour un progrès moral car à force de condamner sans nuances, on fait perdre aussi la hiérarchie des biens et l'on finit par appeler bien : liberté, droit, émancipation, autonomie, vie, vérité ... ce qui est mal : esclavage, usurpation ou imposture, égocentrisme, mensonge et mise à mort de l'innocent ou de l'infirme.
Quatrième défi : combattre avec la plus extrême vigilance tout ce qui conduit à l'exploitation des travailleurs, c'est-à-dire, au développement d'une économie de la rente abusive, du profit maximal immédiat, des coups boursiers, ..., d'une économie fondée sur la précarité des personnes et même des corps intermédiaires, dans laquelle ceux qui possèdent thésaurisent de plus en plus tandis que ceux qui n'ont que leur force de travail à offrir sont traités comme des esclaves, des pions interchangeables, une marchandise jetable à l'envi, au besoin, ... au gré des caprices d'un mieux installé ou d'un plus filou ...
Cinquième défi : tenir compte, enfin, de l'avis des peuples d'Europe qui en ont assez que leur soit imposé un modèle économique broyant les personnes pour enrichir ceux qui jouent avec l'argent des autres, la santé psychique, physique et morale de nos compatriotes ; ceux pour qui tout s'achète et se vend ; ceux qui ont décidé plus ou moins sciemment que toute personne est un matériau comme un autre ; ceux que fascine le tout marchand ou la gratuité sans contrepartie ; ceux qui ne conçoivent le travail qu'en terme de jeu ou moyen d'assouvir leurs passions tristes et ceux qui voient la société des hommes comme simple théâtre où peuvent se déployer les passions les plus sottes et les plus sordides pourvu qu'ils ne soient pas eux-mêmes affectés par les conséquences de leur déchaînement ...
Sixième défi : passer d'une logique de STOCK à une logique de FLUX mais sans négliger l'intérêt des stocks de grande qualité et donc sans se croire obligé de tout faire fonctionner en flux tendu, de tout régler à la minute ! puisque nul bien ne sort de nulle part et que toute valeur digne d'intérêt ne peut résulter que d'un travail de longue haleine, d'un labeur souvent invisible de prime abord et même, pour une part, quasi inconnaissable pour celui qui ne fait pas l'effort de l'expérimenter ou de le connaître de manière sensible. Retrouver en somme les vertus de l'enracinement, du temps long, de la lenteur exigeante, du silence d'un geste assuré car pétri de savoir-faire acquis dans la durée. Redonner à notre jeunesse et à nos aînés le sens du geste bien ajusté, qu'il soit mental ou physique ; développer en chacun le goût d'une synchronicité reposante au rebours de toutes ces actions trépidantes qui fatiguent et détruisent la capacité de sentir ce qui est bon pour l'homme.
Septième défi : développer davantage le principe de subsidiarité pour ne garder à l'échelon européen qu'une structure fédérale légère qui laisse chaque nation maître de tout ce qui peut relever de sa responsabilité et ne prend en charge que les éléments transnationaux. Corollaire : ne pas imposer aux Etats des contraintes qui entravent leur souveraineté, les enfoncent dans des crises ingérables, ... Ce principe de subsidiarité, s'il est bien inscrit dans le traité de Maastricht (1992) et consacré par celui de Lisbonne (2007) ne tient pas assez compte de la souveraineté des Etats membres sur certains points, notamment la monnaie mais, plus généralement, de la nécessité de proposer un cadre transnational assez souple pour que chaque pays de l'Union européenne s'adapte progressivement et sans désastre à une ouverture des frontières qui met en péril ce qui est fragile par nature (l'enfant à naître et ses parents) mais aussi pour des raisons historiques différentes dans chaque contrée (appareil industriel, législation commerciale, droit du travail, ...) comme ce qui devient fragile en raison même de cette ouverture (tel ou tel secteur économique, telle ou telle disposition protectrice, telle ou telle profession réglementée ...). C'est pourquoi le projet France 2022 prévoit un triple "rempart" (non pas une ligne Maginot donnant l'illusion d'une protection efficace) pour les corps intermédiaires : celui de la Nation, celui de la Province et celui de la Municipalité. A l'intérieur de chaque périmètre, toute disposition commune européenne doit pouvoir être amendée ou, plus exactement paramétrée voire calibrée, afin qu'elle produise des effets bénéfiques pour le plus grand nombre et non pas seulement pour quelques-uns (toujours les mêmes : les puissants, les arrogants et les orgueilleux ?) et, surtout, qu'elle n'engendre pas le malheur des plus fragiles : si un corps intermédiaire, une personne doit s'adapter à des changements vraiment inéluctables et prévisibles, elle doit pouvoir aussi compter sur un accompagnement sérieux pour y parvenir. On ne saurait tolérer, dans une Union digne de ce nom, que le non droit l'emporte, y compris par des voies légales hasardeuses (l'IVG par exemple) au profit de ceux qui, à un moment donné, se retrouvent en position de faire prévaloir une volonté destructrice de plus petit que soi, d'un gêneur jugé trop encombrant, d'un poids considéré comme trop lourd, d'un infirme catalogué comme incurable ...
Septième défi : développer davantage le principe de subsidiarité pour ne garder à l'échelon européen qu'une structure fédérale légère qui laisse chaque nation maître de tout ce qui peut relever de sa responsabilité et ne prend en charge que les éléments transnationaux. Corollaire : ne pas imposer aux Etats des contraintes qui entravent leur souveraineté, les enfoncent dans des crises ingérables, ... Ce principe de subsidiarité, s'il est bien inscrit dans le traité de Maastricht (1992) et consacré par celui de Lisbonne (2007) ne tient pas assez compte de la souveraineté des Etats membres sur certains points, notamment la monnaie mais, plus généralement, de la nécessité de proposer un cadre transnational assez souple pour que chaque pays de l'Union européenne s'adapte progressivement et sans désastre à une ouverture des frontières qui met en péril ce qui est fragile par nature (l'enfant à naître et ses parents) mais aussi pour des raisons historiques différentes dans chaque contrée (appareil industriel, législation commerciale, droit du travail, ...) comme ce qui devient fragile en raison même de cette ouverture (tel ou tel secteur économique, telle ou telle disposition protectrice, telle ou telle profession réglementée ...). C'est pourquoi le projet France 2022 prévoit un triple "rempart" (non pas une ligne Maginot donnant l'illusion d'une protection efficace) pour les corps intermédiaires : celui de la Nation, celui de la Province et celui de la Municipalité. A l'intérieur de chaque périmètre, toute disposition commune européenne doit pouvoir être amendée ou, plus exactement paramétrée voire calibrée, afin qu'elle produise des effets bénéfiques pour le plus grand nombre et non pas seulement pour quelques-uns (toujours les mêmes : les puissants, les arrogants et les orgueilleux ?) et, surtout, qu'elle n'engendre pas le malheur des plus fragiles : si un corps intermédiaire, une personne doit s'adapter à des changements vraiment inéluctables et prévisibles, elle doit pouvoir aussi compter sur un accompagnement sérieux pour y parvenir. On ne saurait tolérer, dans une Union digne de ce nom, que le non droit l'emporte, y compris par des voies légales hasardeuses (l'IVG par exemple) au profit de ceux qui, à un moment donné, se retrouvent en position de faire prévaloir une volonté destructrice de plus petit que soi, d'un gêneur jugé trop encombrant, d'un poids considéré comme trop lourd, d'un infirme catalogué comme incurable ...
Huitième défi : cesser de ruminer les difficultés inhérentes à toute construction d'envergure pour se tourner résolument vers des continents qui attendent une aide intelligente, bienveillante, efficace, humble ... de l'Europe à l'image du fonds présidé par Jean-Louis Borloo : Energies pour l'Afrique car c'est un fait indéniable que depuis les horreurs de la Première et de la Seconde Guerre mondiales, l'Europe, envahie d'un sentiment de culpabilité et censément montrée du doigt par tous les accusateurs qui oublient facilement leurs propres exactions, est devenue incapable de rayonner comme elle a pu le faire autrefois. [Point à développer longuement]. Il est grand temps que l'aide au développement en Afrique cesse d'être une course à l'échalote où chaque pays joue sa partition personnelle sans se soucier de savoir ce que fait son voisin. Les pratiques actuelles induisent gaspillage, corruption, retard, ... et deviennent ridicules si on les compare à celles d'un empire tel que la Chine qui s'implante à marche forcée sur le continent africain en faisant preuve de beaucoup plus d'intelligence et de cohérence que les Européens oeuvrant en ordre dispersé.
Pour relever ces défis, se souvenir à chaque instant que nous sommes tous handicapés.
Pas un seul d'entre nous n'échappe à la condition de tout homme : blessé par le péché (et pas seulement originel mais aussi personnel), chacun d'entre nous avance en claudiquant, pense de manière imparfaite, agit parfois à contre sens, fait le mal qu'il voudrait éviter ou omet de faire le bien pourtant à sa portée.
Tous infirmes dans l'ordre de la foi, de l'espérance (désir d'un bien futur, difficile mais possible) et de la charité, comment pouvons-nous admettre que l'Europe qui se pense et se dit civilisée tolère sur son sol ces lieux où sont assassinés, jour après jour, une multitude d'êtres en gestation qu'une vue à court terme condamne au bûcher. En raison même de notre infirmité ou par manque de courage ?
Comment l'Europe qui s'enorgueillit de l'abolition de la peine de mort pour les criminels peut-elle tolérer la condamnation de tous ceux qui, dès avant leur naissance, sont exterminés pour de multiples raisons sans fondement solide, pour des motifs le plus souvent calamiteux dont quelques-uns relèvent d'un eugénisme d'un autre âge ? A cette aune-là, aucun d'entre nous ne "mériterait" de naître : l'un devrait être exécuté pour sa jalousie maladive, l'autre pour son orgueil censément imbécile, ... tel autre pour sa paresse indécrottable, ... un autre encore pour son infortune ou bien pour le poids de ses échecs, de ses méfaits, de ses infidélités, trahisons, mensonges, abandons, injustices, reniements, ...
Quand on ne laisse aucune chance au tout-petit en gestation, lequel d'entre nous peut espérer être jugé suffisamment digne de vivre ? Aucun d'entre nous, en vérité car, hélas, il se trouvera toujours un autre qui jugera que nous n'avons pas notre place ici-bas. Aucun d'entre nous ne peut échapper aux raisonnements tordus, aux jugements imbéciles qui, affirmant une chose tout à fait exacte (ou erronée), oublient tout le reste : ce reste pourtant indispensable afin d'établir une proportion et donc pour émettre une vérité bien assise et non pas un semblant de vérité qui flotte dans le vide. Ainsi en va-t-il des pensées à courte vue sur l'espace planétaire qui le jugent déjà saturé de présence humaine. Ces pensées-là s'égarent par manque de connaissance, par l'ignorance de la notion de quotient et pire encore par manque d'ouverture sur un domaine vital pour l'esprit humain : la connaissance du fait religieux, l'univers des croyances et leur nécessaire régulation, non pour brimer la liberté (quels sont les croyants éduqués qui se sentent prisonniers de dogmes ? Aucun d'entre eux puisque la première règle de toute religion bien constituée est justement la libre pensée et le questionnement fourni !), mais pour donner à chacun l'assise indispensable à tout vrai travail religieux. Rendu à lui-même, sans le secours d'autrui et d'une communauté croyante bien structurée, la personne isolée est livré au paganisme le plus noir : non celui qui se déclare incroyant (chose impossible pour le commun des mortels) mais celui qui prétend bâtir seul un édifice de croyances solide et utile au quotidien comme dans les situations exceptionnelles. Autant se lancer dans la construction d'une théorie profane et finir par s'y casser les dents ! L'homme seul, le misanthrope, le désabusé n'a pas d'autre issue, même dans l'ordre des réalités tangibles. Alors que dire de son destin dans l'ordre des plus évanescentes ou des plus subtiles ?
L'homme (vraiment) moderne finira par comprendre les trésors légués par les anciens : ils ont compris la difficulté insurmontable pour l'esprit humain isolé de bâtir quoique ce soit de solide sans les apports des générations précédentes. Ainsi en sera-t-il pour la construction européenne : tant que nous ne reviendrons pas aux fondements de cet édifice, tant que nous ne comprendrons pas la signification du mot "paix" pour tous et non pas à la manière du monde qui ne vise que le confort de quelques-uns, nous nous agiterons en vain et l'Europe sombrera sous les coups de la barbarie.
A celui qui se déclare païen pour montrer sa différence, pour se distinguer des croyants soi disant coincés, moutons de Panurge ou hypocrites, une seule réponse : la tentation païenne est de tous les âges et elle guette chacun d'entre nous puisque vient toujours un moment où notre orgueil prétend ajuster autrement les vérités reçues. Il s'essaie à diverses combinaisons ou déformations, à toutes sortes d'agencements qu'il croit nouveaux ; bouscule quelques hiérarchies ; élimine ceci ; ajoute cela et finit bien las d'avoir remué en pure perte les tenants et les aboutissants d'une foi bien plus solide qu'il ne le pensait de prime abord. Il n'aurait sûrement pas osé le faire avec une théorie mathématique ou physique en prétextant le manque de temps, de moyens, de compétences ... mais pourquoi diable se croit-il autorisé à remettre en cause ce qui le dépasse dans l'ordre religieux ? Soit au bout du compte, dans l'ordre de ce qui unit les hommes, bien plus qu'il ne les divise !
En remontant loin dans le temps, nous débarquons dans la Grèce antique où vivaient les pères premiers de l'Europe, ceux qui furent capables, tels Euclide, d'offrir au monde les fondements axiomatiques de toute théorie et donc aussi de toute théologie bien construite : des fondations admises sur lesquelles reposent ensuite des raisonnements plus ou moins savants, d'une grande rigueur logique, qui permettent d'établir des déductions nouvelles. Démarche solide qui donne à St Paul les outils d'une pensée où s'enchaînent des affirmations d'une grande force (pour qui veut bien suivre les chemins qu'il emprunte) puisqu'elles sont articulées de manière logique sur d'autres affirmations qui leur tiennent lieu de prémisses. Ainsi de l'affirmation selon laquelle "la foi chrétienne est vaine si le Christ n'est pas ressuscité".
Nous avons là les racines chrétiennes de la construction européenne et de l'édification de l'Europe qui rendent compte du combat qui se joue encore sous nos yeux : l'un des continents les plus barbares de la Terre a été transfiguré par l'annonce de l'Evangile et nous sommes héritiers de ce cataclysme spirituel, culturel, politique, juridique, économique, social ... que ses opposants veulent maintenant inverser en puisant dans toutes sortes de philosophies païennes c'est-à-dire non pas essentiellement athées mais fruits d'imaginations isolées de quelques têtes tourmentées. Dans le combat que se livrent aujourd'hui une multitude de forces contraires, il est sain de se souvenir qu'au fond l'Evangile se répandit en priorité sur des terres et des peuples qui en avaient ... le plus besoin ! et comment s'étonner dès lors que ce même Evangile soit largement combattu en Europe ? Ailleurs ne vivaient certes pas des peuples exempts de tout reproche mais, certainement, des peuples communiant davantage avec la nature que l'on aurait tort de qualifier, pour cette raison, de peuples païens : non, en se penchant sur les merveilles de la Création, ils ont, chacun à leur façon, construit des cosmogonies très riches de sens pour l'homme contemporain.
C'est pourquoi, il est urgent pour les peuples d'Europe qu'ils s'aperçoivent qu'ils font fausse route en tournant le dos à l'Evangile car non seulement ils risquent de revenir aux pires barabaries (ce qu'ils n'ont pas manqué de faire au XXème siècle en atteignant, on l'espère tous, l'indépassable) mais encore ils risquent de se méprendre sur leurs supériorités : elles ne viennent pas tant d'un génie qui serait proprement européen ; elles résultent de l'évangélisation précoce de l'Europe et de tout ce qui a facilité cette évolution, dont la pensée grecque, l'organisation romaine, le savoir-faire agricole et artisanal des Gaulois, les trésors du judaïsme.
En revenant aux origines de leur puissance, les Européens ne perdront pas de vue que, dans toute intervention extérieure, ils doivent veiller au respect des cultures qui se sont forgées sur les autres continents. Ils doivent aussi revenir aux sources de la première évangélisation sans quoi, ils n'ont rien à dire, rien à apporter au reste du monde.
En ce mois de mai 2017, cent ans après les apparitions de la Vierge Marie à Fatima, nous sommes à un tournant de l'histoire de l'Europe : ou bien elle poursuivra dans la voie de l'effondrement qui guette toute origine barbare ou bien elle tiendra compte de l'intégralité de son histoire et saura reconnaître les dangers INTERNES qui la menacent et pas seulement ceux qui paraissent la mettre en péril de l'extérieur.
En choisissant la mort préférentielle des tout-petits sans défense, l'Europe a tourné le dos à l'Evangile et risque à tout moment d'être livrée aux démons de la barbarie. En restant crispée sur ces faux acquis libertaires, elle encourt de surcroît le risque d'être la risée d'autres continents où si la mort des sans défense est aussi monnaie courante du moins n'a-t-elle pas été rendue légale (carte de référence). En l'espèce, on peut évidemment juger à la hâte et taxer les autres d'hypocrisie mais ce serait aller vite en besogne : la levée d'un interdit ne fait qu'amplifier l'hémorragie ; elle détruit de manière illusoire la notion de faute voire de crime et provoque l'errance si caractéristique des personnes et des groupes humains sans repères moraux.
En négligeant la plainte qui monte des sans voix assassinés pour préserver (à court terme) le confort des générations antérieures, l'Europe court encore le risque d'être aphone et inaudible dans le concert des nations. Sans une remise en cause du permis de tuer, sans l'abolition de la peine de mort pour les tout petits, les prestations internationales de l'Europe ressemblent beaucoup plus à des gesticulations sans portée qu'à des gestes posés avec gravité. Elle aura beau s'époumoner pour réclamer ici et là le respect des droits fondamentaux, elle n'obtiendra rien de plus qu'un refus poli et ironique de ceux qui non seulement lui contestent tout droit d'ingérence mais qui ne sont pas prêts à recevoir des leçons de bienséance de la part de nations qui ne savent plus protéger l'enfant à naître de la barbarie toujours prête à renaître de ses cendres.
Dès lors que l'on prend conscience des conséquences dramatiques d'un choix mortifère : économies en panne, chômage croissant, misère grandissante, ruine financière, dépressions en série ... , on ne s'étonne plus que l'Europe ait tant de mal à venir en aide à ses membres ; qu'elle devienne prisonnière de ses créanciers et qu'elle se trouve ligotée de toutes parts. En refusant les risques d'une vie nouvelle, elle s'apprête à en assumer de bien plus grands : isolement sur la scène internationale, déclassement, délitement, vieillissement, invasion ... toutes menaces qui s'abattent aussi sur celle qui choisit la mort de son enfant plutôt que sa mise au monde sur une Terre en lent travail d'accouchement et donc en effet traversée par de multiples douleurs mais qui, par la foi et l'espérance, n'oublie jamais le terme : une délivrance joyeuse et pleine de promesses car, au fond, le pire n'est jamais sûr.
Par un travail prodigieux d'intelligence, les penseurs et savants grecs ont offert au monde les clefs nécessaires à la construction des édifices matériels et spirituels les plus audacieux : appui sur le travail des anciens, mise en ordre, dépoussiérage, élagage, distinctions claires, nettes et précises ... Il serait dramatique qu'en ce début de XXIème siècle nous perdions tout ce que nous leur devons au profit de modes passagères, de principes à très courte vue, de croyances déraisonnables et de lubies héritées de la nuit des temps qui se parent d'artifices "modernes" pour faire avaler la pilule amère de leurs effets délétères sur les personnes, les corps intermédiaires et le corps social dans son ensemble.
Parmi ces lubies, la fausse croyance en un dieu féroce et vengeur qui exigerait le sacrifice des enfants pour satisfaire son goût du sang humain. Triste Europe qui s'est faite pour un temps qu'il faut espérer bientôt révolu, au nom d'universaux plus que douteux, le porte étendard de ce dieu-là. La liberté authentique des hommes et des femmes adultes n'est jamais au prix de la mort du tout petit, de son effacement ou de sa destruction : elle est au contraire proportionnelle au degré d'égard que nous avons pour ce qui est le plus faible et le plus vulnérable ; à la passion inventive qui nous anime dès que nous acceptons l'incertain et l'imprévu comme données fondamentales de l'existence humaine.
A l'Europe qui doute d'elle-même à juste raison puisqu'elle est en train de renier ce qui a contribué à son essor inouï ; à l'Europe frileuse et donneuse de leçons alors qu'elle est si mal placée pour en prodiguer ; à l'Europe incertaine et champ de ruines invisibles ou camouflées ; à l'Europe du déclin programmé, nous devons substituer l'Europe réconciliée avec son propre passé, consciente des trésors dont elle est l'heureuse dépositaire, fière du travail accompli par les anciens qui l'ont peuplée, l'Europe toujours en quête d'une vérité humble, vivante et chaleureuse, l'Europe asile pour tous ceux que leurs propres pays rejettent, torturent ou bannissent, l'Europe des conquêtes utiles à tous les habitants de la terre, l'Europe des avancées majeures en matière scientifique, artistique, philosophique, théologique et spirituelle, l'Europe d'une paix sans compromissions avec le monde des ténèbres.
Au terme de ce parcours, mon cher Sylvain, que dire de plus ? Bien des choses encore, sans doute, mais tandis que monte le silence assourdissant des agneaux que l'on abat avant terme, ne vaut-il pas mieux prendre le temps de ne plus rien dire et d'écouter le cri de ceux qu'une vision erronée du destin de l'homme condamne sans préavis ? Ils tombent sous les coups d'une logique follement misanthrope et folle tout court qui semble avoir perdu le legs reçu des générations antérieures, celles qui ont lutté pour que nous voyons le jour, celles qui ne se sont jamais laissé intimider par les mystères de la nature et du vivant ou par les revers de fortune ou par la grande faucheuse, celles qui étaient capables de semer sans pouvoir récolter, bâtir sans être en mesure de voir l'oeuvre achevée.
J'ai le pressentiment qu'un jour viendra où ta passion d'écrire montrera le chemin étroit qui peut sortir l'humanité d'impasses redoutables, ces lieux où les hommes s'agglutinant s'imaginent bien vite qu'ils n'y a pas de place pour les autres et que chacun doit donc écraser ses voisins pour s'assurer un espace suffisant. Toi qui a déjà parcouru tant de contrées dites reculées, tu sais qu'il suffit pourtant de changer de regard, soit en se mettant en route soit en restant immobile et aux aguets. Qu'alors vient le moment où ce qui paraissait figé se met soudain en mouvement et où ce qui errait sans but consent à prendre une nouvelle direction à la faveur d'une rencontre déterminante ou d'une contrariété salutaire.
Pour relever ces défis, se souvenir à chaque instant que nous sommes tous handicapés.
Pas un seul d'entre nous n'échappe à la condition de tout homme : blessé par le péché (et pas seulement originel mais aussi personnel), chacun d'entre nous avance en claudiquant, pense de manière imparfaite, agit parfois à contre sens, fait le mal qu'il voudrait éviter ou omet de faire le bien pourtant à sa portée.
Tous infirmes dans l'ordre de la foi, de l'espérance (désir d'un bien futur, difficile mais possible) et de la charité, comment pouvons-nous admettre que l'Europe qui se pense et se dit civilisée tolère sur son sol ces lieux où sont assassinés, jour après jour, une multitude d'êtres en gestation qu'une vue à court terme condamne au bûcher. En raison même de notre infirmité ou par manque de courage ?
Comment l'Europe qui s'enorgueillit de l'abolition de la peine de mort pour les criminels peut-elle tolérer la condamnation de tous ceux qui, dès avant leur naissance, sont exterminés pour de multiples raisons sans fondement solide, pour des motifs le plus souvent calamiteux dont quelques-uns relèvent d'un eugénisme d'un autre âge ? A cette aune-là, aucun d'entre nous ne "mériterait" de naître : l'un devrait être exécuté pour sa jalousie maladive, l'autre pour son orgueil censément imbécile, ... tel autre pour sa paresse indécrottable, ... un autre encore pour son infortune ou bien pour le poids de ses échecs, de ses méfaits, de ses infidélités, trahisons, mensonges, abandons, injustices, reniements, ...
Quand on ne laisse aucune chance au tout-petit en gestation, lequel d'entre nous peut espérer être jugé suffisamment digne de vivre ? Aucun d'entre nous, en vérité car, hélas, il se trouvera toujours un autre qui jugera que nous n'avons pas notre place ici-bas. Aucun d'entre nous ne peut échapper aux raisonnements tordus, aux jugements imbéciles qui, affirmant une chose tout à fait exacte (ou erronée), oublient tout le reste : ce reste pourtant indispensable afin d'établir une proportion et donc pour émettre une vérité bien assise et non pas un semblant de vérité qui flotte dans le vide. Ainsi en va-t-il des pensées à courte vue sur l'espace planétaire qui le jugent déjà saturé de présence humaine. Ces pensées-là s'égarent par manque de connaissance, par l'ignorance de la notion de quotient et pire encore par manque d'ouverture sur un domaine vital pour l'esprit humain : la connaissance du fait religieux, l'univers des croyances et leur nécessaire régulation, non pour brimer la liberté (quels sont les croyants éduqués qui se sentent prisonniers de dogmes ? Aucun d'entre eux puisque la première règle de toute religion bien constituée est justement la libre pensée et le questionnement fourni !), mais pour donner à chacun l'assise indispensable à tout vrai travail religieux. Rendu à lui-même, sans le secours d'autrui et d'une communauté croyante bien structurée, la personne isolée est livré au paganisme le plus noir : non celui qui se déclare incroyant (chose impossible pour le commun des mortels) mais celui qui prétend bâtir seul un édifice de croyances solide et utile au quotidien comme dans les situations exceptionnelles. Autant se lancer dans la construction d'une théorie profane et finir par s'y casser les dents ! L'homme seul, le misanthrope, le désabusé n'a pas d'autre issue, même dans l'ordre des réalités tangibles. Alors que dire de son destin dans l'ordre des plus évanescentes ou des plus subtiles ?
L'homme (vraiment) moderne finira par comprendre les trésors légués par les anciens : ils ont compris la difficulté insurmontable pour l'esprit humain isolé de bâtir quoique ce soit de solide sans les apports des générations précédentes. Ainsi en sera-t-il pour la construction européenne : tant que nous ne reviendrons pas aux fondements de cet édifice, tant que nous ne comprendrons pas la signification du mot "paix" pour tous et non pas à la manière du monde qui ne vise que le confort de quelques-uns, nous nous agiterons en vain et l'Europe sombrera sous les coups de la barbarie.
A celui qui se déclare païen pour montrer sa différence, pour se distinguer des croyants soi disant coincés, moutons de Panurge ou hypocrites, une seule réponse : la tentation païenne est de tous les âges et elle guette chacun d'entre nous puisque vient toujours un moment où notre orgueil prétend ajuster autrement les vérités reçues. Il s'essaie à diverses combinaisons ou déformations, à toutes sortes d'agencements qu'il croit nouveaux ; bouscule quelques hiérarchies ; élimine ceci ; ajoute cela et finit bien las d'avoir remué en pure perte les tenants et les aboutissants d'une foi bien plus solide qu'il ne le pensait de prime abord. Il n'aurait sûrement pas osé le faire avec une théorie mathématique ou physique en prétextant le manque de temps, de moyens, de compétences ... mais pourquoi diable se croit-il autorisé à remettre en cause ce qui le dépasse dans l'ordre religieux ? Soit au bout du compte, dans l'ordre de ce qui unit les hommes, bien plus qu'il ne les divise !
En remontant loin dans le temps, nous débarquons dans la Grèce antique où vivaient les pères premiers de l'Europe, ceux qui furent capables, tels Euclide, d'offrir au monde les fondements axiomatiques de toute théorie et donc aussi de toute théologie bien construite : des fondations admises sur lesquelles reposent ensuite des raisonnements plus ou moins savants, d'une grande rigueur logique, qui permettent d'établir des déductions nouvelles. Démarche solide qui donne à St Paul les outils d'une pensée où s'enchaînent des affirmations d'une grande force (pour qui veut bien suivre les chemins qu'il emprunte) puisqu'elles sont articulées de manière logique sur d'autres affirmations qui leur tiennent lieu de prémisses. Ainsi de l'affirmation selon laquelle "la foi chrétienne est vaine si le Christ n'est pas ressuscité".
Nous avons là les racines chrétiennes de la construction européenne et de l'édification de l'Europe qui rendent compte du combat qui se joue encore sous nos yeux : l'un des continents les plus barbares de la Terre a été transfiguré par l'annonce de l'Evangile et nous sommes héritiers de ce cataclysme spirituel, culturel, politique, juridique, économique, social ... que ses opposants veulent maintenant inverser en puisant dans toutes sortes de philosophies païennes c'est-à-dire non pas essentiellement athées mais fruits d'imaginations isolées de quelques têtes tourmentées. Dans le combat que se livrent aujourd'hui une multitude de forces contraires, il est sain de se souvenir qu'au fond l'Evangile se répandit en priorité sur des terres et des peuples qui en avaient ... le plus besoin ! et comment s'étonner dès lors que ce même Evangile soit largement combattu en Europe ? Ailleurs ne vivaient certes pas des peuples exempts de tout reproche mais, certainement, des peuples communiant davantage avec la nature que l'on aurait tort de qualifier, pour cette raison, de peuples païens : non, en se penchant sur les merveilles de la Création, ils ont, chacun à leur façon, construit des cosmogonies très riches de sens pour l'homme contemporain.
C'est pourquoi, il est urgent pour les peuples d'Europe qu'ils s'aperçoivent qu'ils font fausse route en tournant le dos à l'Evangile car non seulement ils risquent de revenir aux pires barabaries (ce qu'ils n'ont pas manqué de faire au XXème siècle en atteignant, on l'espère tous, l'indépassable) mais encore ils risquent de se méprendre sur leurs supériorités : elles ne viennent pas tant d'un génie qui serait proprement européen ; elles résultent de l'évangélisation précoce de l'Europe et de tout ce qui a facilité cette évolution, dont la pensée grecque, l'organisation romaine, le savoir-faire agricole et artisanal des Gaulois, les trésors du judaïsme.
En revenant aux origines de leur puissance, les Européens ne perdront pas de vue que, dans toute intervention extérieure, ils doivent veiller au respect des cultures qui se sont forgées sur les autres continents. Ils doivent aussi revenir aux sources de la première évangélisation sans quoi, ils n'ont rien à dire, rien à apporter au reste du monde.
En ce mois de mai 2017, cent ans après les apparitions de la Vierge Marie à Fatima, nous sommes à un tournant de l'histoire de l'Europe : ou bien elle poursuivra dans la voie de l'effondrement qui guette toute origine barbare ou bien elle tiendra compte de l'intégralité de son histoire et saura reconnaître les dangers INTERNES qui la menacent et pas seulement ceux qui paraissent la mettre en péril de l'extérieur.
En choisissant la mort préférentielle des tout-petits sans défense, l'Europe a tourné le dos à l'Evangile et risque à tout moment d'être livrée aux démons de la barbarie. En restant crispée sur ces faux acquis libertaires, elle encourt de surcroît le risque d'être la risée d'autres continents où si la mort des sans défense est aussi monnaie courante du moins n'a-t-elle pas été rendue légale (carte de référence). En l'espèce, on peut évidemment juger à la hâte et taxer les autres d'hypocrisie mais ce serait aller vite en besogne : la levée d'un interdit ne fait qu'amplifier l'hémorragie ; elle détruit de manière illusoire la notion de faute voire de crime et provoque l'errance si caractéristique des personnes et des groupes humains sans repères moraux.
En négligeant la plainte qui monte des sans voix assassinés pour préserver (à court terme) le confort des générations antérieures, l'Europe court encore le risque d'être aphone et inaudible dans le concert des nations. Sans une remise en cause du permis de tuer, sans l'abolition de la peine de mort pour les tout petits, les prestations internationales de l'Europe ressemblent beaucoup plus à des gesticulations sans portée qu'à des gestes posés avec gravité. Elle aura beau s'époumoner pour réclamer ici et là le respect des droits fondamentaux, elle n'obtiendra rien de plus qu'un refus poli et ironique de ceux qui non seulement lui contestent tout droit d'ingérence mais qui ne sont pas prêts à recevoir des leçons de bienséance de la part de nations qui ne savent plus protéger l'enfant à naître de la barbarie toujours prête à renaître de ses cendres.
Dès lors que l'on prend conscience des conséquences dramatiques d'un choix mortifère : économies en panne, chômage croissant, misère grandissante, ruine financière, dépressions en série ... , on ne s'étonne plus que l'Europe ait tant de mal à venir en aide à ses membres ; qu'elle devienne prisonnière de ses créanciers et qu'elle se trouve ligotée de toutes parts. En refusant les risques d'une vie nouvelle, elle s'apprête à en assumer de bien plus grands : isolement sur la scène internationale, déclassement, délitement, vieillissement, invasion ... toutes menaces qui s'abattent aussi sur celle qui choisit la mort de son enfant plutôt que sa mise au monde sur une Terre en lent travail d'accouchement et donc en effet traversée par de multiples douleurs mais qui, par la foi et l'espérance, n'oublie jamais le terme : une délivrance joyeuse et pleine de promesses car, au fond, le pire n'est jamais sûr.
Par un travail prodigieux d'intelligence, les penseurs et savants grecs ont offert au monde les clefs nécessaires à la construction des édifices matériels et spirituels les plus audacieux : appui sur le travail des anciens, mise en ordre, dépoussiérage, élagage, distinctions claires, nettes et précises ... Il serait dramatique qu'en ce début de XXIème siècle nous perdions tout ce que nous leur devons au profit de modes passagères, de principes à très courte vue, de croyances déraisonnables et de lubies héritées de la nuit des temps qui se parent d'artifices "modernes" pour faire avaler la pilule amère de leurs effets délétères sur les personnes, les corps intermédiaires et le corps social dans son ensemble.
Parmi ces lubies, la fausse croyance en un dieu féroce et vengeur qui exigerait le sacrifice des enfants pour satisfaire son goût du sang humain. Triste Europe qui s'est faite pour un temps qu'il faut espérer bientôt révolu, au nom d'universaux plus que douteux, le porte étendard de ce dieu-là. La liberté authentique des hommes et des femmes adultes n'est jamais au prix de la mort du tout petit, de son effacement ou de sa destruction : elle est au contraire proportionnelle au degré d'égard que nous avons pour ce qui est le plus faible et le plus vulnérable ; à la passion inventive qui nous anime dès que nous acceptons l'incertain et l'imprévu comme données fondamentales de l'existence humaine.
A l'Europe qui doute d'elle-même à juste raison puisqu'elle est en train de renier ce qui a contribué à son essor inouï ; à l'Europe frileuse et donneuse de leçons alors qu'elle est si mal placée pour en prodiguer ; à l'Europe incertaine et champ de ruines invisibles ou camouflées ; à l'Europe du déclin programmé, nous devons substituer l'Europe réconciliée avec son propre passé, consciente des trésors dont elle est l'heureuse dépositaire, fière du travail accompli par les anciens qui l'ont peuplée, l'Europe toujours en quête d'une vérité humble, vivante et chaleureuse, l'Europe asile pour tous ceux que leurs propres pays rejettent, torturent ou bannissent, l'Europe des conquêtes utiles à tous les habitants de la terre, l'Europe des avancées majeures en matière scientifique, artistique, philosophique, théologique et spirituelle, l'Europe d'une paix sans compromissions avec le monde des ténèbres.
Au terme de ce parcours, mon cher Sylvain, que dire de plus ? Bien des choses encore, sans doute, mais tandis que monte le silence assourdissant des agneaux que l'on abat avant terme, ne vaut-il pas mieux prendre le temps de ne plus rien dire et d'écouter le cri de ceux qu'une vision erronée du destin de l'homme condamne sans préavis ? Ils tombent sous les coups d'une logique follement misanthrope et folle tout court qui semble avoir perdu le legs reçu des générations antérieures, celles qui ont lutté pour que nous voyons le jour, celles qui ne se sont jamais laissé intimider par les mystères de la nature et du vivant ou par les revers de fortune ou par la grande faucheuse, celles qui étaient capables de semer sans pouvoir récolter, bâtir sans être en mesure de voir l'oeuvre achevée.
J'ai le pressentiment qu'un jour viendra où ta passion d'écrire montrera le chemin étroit qui peut sortir l'humanité d'impasses redoutables, ces lieux où les hommes s'agglutinant s'imaginent bien vite qu'ils n'y a pas de place pour les autres et que chacun doit donc écraser ses voisins pour s'assurer un espace suffisant. Toi qui a déjà parcouru tant de contrées dites reculées, tu sais qu'il suffit pourtant de changer de regard, soit en se mettant en route soit en restant immobile et aux aguets. Qu'alors vient le moment où ce qui paraissait figé se met soudain en mouvement et où ce qui errait sans but consent à prendre une nouvelle direction à la faveur d'une rencontre déterminante ou d'une contrariété salutaire.
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