"Le vrai moine a fait face à sa propre solitude et, grâce à cela, il peut rencontrer les autres dans leur solitude cachée c'est-à-dire en un lieu de souffrance enfouie où eux-mêmes n'osent guère aller".
Le moine et le politique (plutôt que le "politicien" qui a une connotation péjorative) est une tribune dont le but n'est pas de traiter des questions de laïcité. Elle a pour objectif de rendre compte d'un exercice de comparaison au sens plénier de ce terme : recherche simultanée des ressemblances et des différences entre deux termes (ou deux objets, deux notions, deux situations, ...).
L'exposé aurait gagné en rigueur si nous en avions ordonné le contenu. S'agissant d'un simple exercice, il n'en sera pas ainsi pour laisser au lecteur la joie d'être surpris et stimulé dans sa propre réflexion, l'inviter au fond à prolonger lui-même ce travail instructif voire à l'améliorer nettement, à le mettre en bon ordre et, pourquoi pas, à le transposer à d'autres comparaisons. Pour les passionnés de perfections intellectuelle, logique, stylistique, esthétique, ... voici au moins deux pistes d'amélioration possibles :
1. préciser davantage les objets de l'exercice de comparaison : le politique, la vie politique ou le pouvoir politique, leur conception ou leur exercice, ... en France ou ailleurs par exemple. De même : le moine, le monastère, la vie monacale, le service ou le pouvoir monacal, leur conception ou leur exercice, ... , en France ou ailleurs.
2. Ordonner la comparaison : ressemblances d'une part, différences d'autre part ; les classer par catégorie : habitat, activités, rôles, fonctions, ... ; les interpréter ; les commenter ; en tirer des enseignements ; ...
Dans cette tribune, nous avons joyeusement mêlé tous ces plans, au risque d'en être vivement critiqués ! Qu'importe : nous considérons toute critique comme un stimulant.
Comparer est une activité intellectuelle d'une grande richesse à laquelle je risque de renoncer par crainte d'établir un ordre erroné ou sans intérêt. Je risque alors de me priver d'une source féconde d'idées nouvelles et de sentiments plus profonds. Je risque aussi de me priver d'une activité qui n'a pas pour raison d'être d'ordonner mais de classifier, de classer et finalement de clarifier.
S'agissant du moine et du politique, une première différence qui les distingue a trait aux lieux où ils se tiennent : le premier vit en altitude et le second dans la plaine. Le moine a pour vocation d'être élevé par abaissement volontaire, telle une montagne en cours de formation, pour devenir un sommet où s'accumule la neige des rigueurs de l'hiver. Il devient alors ce réservoir d'eau capable d'irriguer le monde au fur et à mesure de ses besoins. Pour accroître sa capacité, il ne s'élève pas de lui-même comme un orgueilleux. Il vit au contraire dans la plus grande humilité. Il creuse ainsi en son coeur et dans tout son être un large canal permettant aux eaux vives de la grâce de descendre en abondance vers tous ceux qui ont soif.
Le politique est à l'oeuvre dans la plaine. D'abord en charge d'un champ restreint, il tend naturellement à régner sur un territoire plus vaste. Au contact du terrain, il découvre des lois générales de gouvernement tout en mesurant leurs limites : les réalités humaines sont complexes ; l'application de règles communes dépend du bon vouloir et de l'intelligence de ceux qui en sont les promoteurs et les destinataires. Au fur et à mesure qu'il avance, ou bien il se durcit en mettant toute sa foi dans un système étriqué, ou bien il prend conscience de la pauvreté de ses moyens. En admettant qu'il se bonifie avec le temps, qu'il gagne en humanité voire en sainteté, il en viendra à se demander comment nourrir et comment abreuver ces foules toujours plus nombreuses en donnant à chacun ce qui lui revient sans tomber dans le travers des dictateurs et/ou des corrompus.
Fournir "du pain et des jeux" ne sera pas du tout sa tasse de thé. Le politique responsable aura à coeur d'offrir à tous ceux qui les cherchent des occasions d'accroître leur liberté dans le respect des autres. Il aura donc le souci d'agir pour que tous les corps intermédiaires de la nation soient fidèles à leur vocation essentielle afin que chaque citoyen, au travers de ses multiples appartenances à différents corps, déploie vaillamment la plénitude de ses talents au service de tous en considérant chaque être humain non comme un rival mais comme un frère d'arme. Il veillera à ce que chaque corps intermédiaire se développe sainement c'est-à-dire en bonne intelligence avec les autres corps, dans un esprit de coopération qui favorise la recherche des synergies possibles et qui tend à éviter les affrontements stériles voire nuisibles à ces corps comme à la société tout entière.
Fournir "du pain et des jeux" ne sera pas du tout sa tasse de thé. Le politique responsable aura à coeur d'offrir à tous ceux qui les cherchent des occasions d'accroître leur liberté dans le respect des autres. Il aura donc le souci d'agir pour que tous les corps intermédiaires de la nation soient fidèles à leur vocation essentielle afin que chaque citoyen, au travers de ses multiples appartenances à différents corps, déploie vaillamment la plénitude de ses talents au service de tous en considérant chaque être humain non comme un rival mais comme un frère d'arme. Il veillera à ce que chaque corps intermédiaire se développe sainement c'est-à-dire en bonne intelligence avec les autres corps, dans un esprit de coopération qui favorise la recherche des synergies possibles et qui tend à éviter les affrontements stériles voire nuisibles à ces corps comme à la société tout entière.
Le moine et le politique tendent l'un et l'autre à favoriser le rassasiement de leurs frères. Ils le font en étant aussi universels que possible tout en se limitant à leur champ d'action propre. Une distinction a priori évidente consisterait à dire que l'un s'occupe des faims spirituelles et l'autre des faims matérielles. Il nous faudra cependant revenir là-dessus pour apporter quelques nuances. Si l'un comme l'autre oublie ce principe valable pour tous : "Dieu premier servi", ne courent-ils pas le risque de s'affairer en pure perte ?
Le moine vit dans un climat et selon un emploi du temps qui le recentre en permanence sur l'essentiel : louer Dieu et le servir, en pensée comme en action. La vocation fondamentale du politique n'est pas différente mais elle s'exerce selon des modalités qui ont tendance, comme pour beaucoup d'hommes, à le tourner vers l'accessoire, vers le paraître plus que vers l'être. Nous oublions ici la situation particulière d'un politique qui ne croirait ni à l'existence de Dieu ni à celle du diable : c'est une espèce en voie de disparition et ses derniers représentants auront de moins en moins d'influence sur le cours du monde, foi de prophète !
Chaque âme de bonne volonté comprend en effet que la question centrale ne porte pas tant sur l'existence de Dieu que sur sa façon d'être présent et d'agir tout en respectant la liberté des hommes. Vaste question que les philosophies existentialistes, entre autres, ont tenté de régler. Question universelle qui revêt parfois un tour dramatique quand une personne a la triste impression qu'elle ferait partie des oubliés de la Providence.
Une parabole donne une réponse à cette angoisse : un homme arrive en Paradis. Il porte un regard sur son passé et découvre des empreintes sur le sable, tantôt celles de quatre pieds, tantôt celles d'une paire de pieds seulement. Se remémorant les périodes où n'apparaissent que deux pieds, il se souvient qu'elles correspondent à des moments de solitude, de détresse, de souffrance, ... où il avait eu le sentiment que Dieu était absent. Il en fait part à Dieu et commence même à Lui reprocher son inaction. "C'est vrai, à certaines heures, nous marchions côte à côte et nous étions heureux de cheminer ensemble. Quand tu ne vois plus que les empreintes de deux pas, ce sont les miennes" lui dit Dieu. "C'est moi qui te portais pour soulager ta peine".
A propos de la question de l'existence de Dieu, concluons par le bouleversement apporté par l'Incarnation. Jésus, l'Emmanuel, "Dieu avec nous" répond de façon magistrale. En donnant sa vie jusqu'au bout après avoir été condamné pour blasphème, le Christ déplace en profondeur les données du problème : en assumant sa place de Dieu parmi les hommes, le Christ anéantit toutes les tentations de débat stérile autour de l'existence de Dieu. Après son passage sur terre et dans la mesure où j'accorde du crédit aux témoignages écrits (Evangiles) comme aux témoins (martyrs et saints), je ne me laisse plus tourmenter par une question perpétuelle qui n'aurait pas de réponse. Dieu existe puisqu'Il s'est même incarné en la personne de Jésus.
Non seulement, il a prouvé lui-même son existence au prix d'une Agonie douloureuse, d'une Passion effroyable et d'une mort ignominieuse (crucifiés au milieu de deux bandits et mis en pâture au milieu de soldats et d'une foule déchaînés contre lui) mais il a démontré par ses actes et par ses paroles qu'Il n'arrêtait pas d'être actif, de se rendre présent à tous, en particulier à tous ceux qui ont besoin d'être guéris et à la multitude des hommes dont aucun ne peut se sauver lui-même.
Si je refuse d'accorder le moindre crédit aux récits évangéliques comme à ceux qui essaient d'en vivre, il me reste encore la possibilité de comprendre autrement la raison pour laquelle l'existence de Dieu ne s'impose pas à moi : Dieu s'efface pour m'offrir la liberté incroyable de Lui accorder, si je le veux bien, une existence dans ma vie. Il offre cela à chacun d'entre nous. C'est à moi d'ouvrir des espaces, des temps libres (prière ou événement providentiel) laissant à Dieu la possibilité d'entrer dans ma vie. Ce qu'exprime le Christ dans cette parole : "Voici que je me tiens à la porte et que je frappe (discrètement) ...".
Chaque âme de bonne volonté comprend en effet que la question centrale ne porte pas tant sur l'existence de Dieu que sur sa façon d'être présent et d'agir tout en respectant la liberté des hommes. Vaste question que les philosophies existentialistes, entre autres, ont tenté de régler. Question universelle qui revêt parfois un tour dramatique quand une personne a la triste impression qu'elle ferait partie des oubliés de la Providence.
Une parabole donne une réponse à cette angoisse : un homme arrive en Paradis. Il porte un regard sur son passé et découvre des empreintes sur le sable, tantôt celles de quatre pieds, tantôt celles d'une paire de pieds seulement. Se remémorant les périodes où n'apparaissent que deux pieds, il se souvient qu'elles correspondent à des moments de solitude, de détresse, de souffrance, ... où il avait eu le sentiment que Dieu était absent. Il en fait part à Dieu et commence même à Lui reprocher son inaction. "C'est vrai, à certaines heures, nous marchions côte à côte et nous étions heureux de cheminer ensemble. Quand tu ne vois plus que les empreintes de deux pas, ce sont les miennes" lui dit Dieu. "C'est moi qui te portais pour soulager ta peine".
A propos de la question de l'existence de Dieu, concluons par le bouleversement apporté par l'Incarnation. Jésus, l'Emmanuel, "Dieu avec nous" répond de façon magistrale. En donnant sa vie jusqu'au bout après avoir été condamné pour blasphème, le Christ déplace en profondeur les données du problème : en assumant sa place de Dieu parmi les hommes, le Christ anéantit toutes les tentations de débat stérile autour de l'existence de Dieu. Après son passage sur terre et dans la mesure où j'accorde du crédit aux témoignages écrits (Evangiles) comme aux témoins (martyrs et saints), je ne me laisse plus tourmenter par une question perpétuelle qui n'aurait pas de réponse. Dieu existe puisqu'Il s'est même incarné en la personne de Jésus.
Gustave Doré : Le Christ quittant le prétoire
Non seulement, il a prouvé lui-même son existence au prix d'une Agonie douloureuse, d'une Passion effroyable et d'une mort ignominieuse (crucifiés au milieu de deux bandits et mis en pâture au milieu de soldats et d'une foule déchaînés contre lui) mais il a démontré par ses actes et par ses paroles qu'Il n'arrêtait pas d'être actif, de se rendre présent à tous, en particulier à tous ceux qui ont besoin d'être guéris et à la multitude des hommes dont aucun ne peut se sauver lui-même.
Si je refuse d'accorder le moindre crédit aux récits évangéliques comme à ceux qui essaient d'en vivre, il me reste encore la possibilité de comprendre autrement la raison pour laquelle l'existence de Dieu ne s'impose pas à moi : Dieu s'efface pour m'offrir la liberté incroyable de Lui accorder, si je le veux bien, une existence dans ma vie. Il offre cela à chacun d'entre nous. C'est à moi d'ouvrir des espaces, des temps libres (prière ou événement providentiel) laissant à Dieu la possibilité d'entrer dans ma vie. Ce qu'exprime le Christ dans cette parole : "Voici que je me tiens à la porte et que je frappe (discrètement) ...".
Quand un politique oublie Dieu ou le met de côté comme s'Il était encombrant, il ne tarde pas à s'empêtrer dans les demi-vérités. Il en appellera à la fraternité entre les hommes et il aura beau le faire en utilisant quelques passages (déformés) de l'Evangile, ses injonctions sonneront faux : la fraternité qui dépasse les liens de sang n'a pas d'autre fondement que la filiation divine. C'est parce que les êtres humains sont les fils d'un même Père qu'ils sont frères, qu'ils ont à vivre de et pour cette fraternité. En dehors de ce fondement, la fraternité est vide de sens.
Moines de Thibhirine assassinés en Algérie
Le moine comme le politique, n'est pas à l'abri de l'oubli de Dieu. Nous en sommes tous là : une fois que nous avons oublié Dieu, nous forgeons quelque veau d'or, quelques idoles, pour combler son absence et le vide que nous ressentons. Concevoir la politique en dehors de toute référence à un royaume qui dépasse ce qui est immédiatement visible, c'est la condamner à errer sans fin dans les labyrinthes tortueux de l'esprit humain coupé de ses racines. C'est en définitive oublier le cri du prophète Jean : "Préparez les chemins du Seigneur".
Si le moine et le politique n'agissent pas exactement de la même manière, ils participent l'un et l'autre aux travaux de préparation. C'est seulement dans la mesure où ils sont animés par l'attente et le désir d'un futur glorieux, qu'ils peuvent se donner corps et âme dans l'instant présent, malgré toutes les vicissitudes de l'heure en cours.
Aucun obstacle ne saurait les détourner de leur vocation première : préparer la venue du Seigneur dans sa gloire et faire en sorte que leurs proches s'associent à cette préparation, sans pour autant leur imposer un point de vue censément incomplet, défaillant par endroit et encore bien imparfait mais en respectant le cheminement de chacun et en s'inspirant des réalisations d'autrui quand elles sont belles, nobles et fécondes en charité. Le moine comme le politique authentiques demeurent profondément attentifs aux soubresauts du monde pour déceler ce qui mérite d'être soutenu par la prière et par l'action. L'un comme l'autre ne cessent d'être animés par une charité active et une compassion de chaque instant à l'égard de leurs prochains, ceux d'un jour comme ceux qu'ils côtoient chaque jour.
Nous sommes alors bien loin des rivalités stériles qui agitent ceux qui ne pensent qu'à accroître leurs pouvoirs, leurs prérogatives, leur renommée ou leur fortune. Nous sommes à des années lumière d'une vie politique française, nationale notamment, qui gâche depuis plus de quarante ans les atouts de la France par son oubli quasi permanent du transcendant et par son attachement maladif aux valeurs mondaines, aux bruits de couloir, aux jeux malsains d'une cour affamée d'honneurs factices et de reconnaissances indues ; qui ruine notre pays par son goût des petits plaisirs à bon compte sur le dos des plus pauvres et de tous les malheureux sans défense.
Le moine et le politique sont un garde-fou l'un pour l'autre : chacun exerce un pouvoir et ces deux pouvoirs sont complémentaires. Ils sont même le garant l'un pour l'autre de leur juste exercice. Que l'un tente d'écraser l'autre et voilà tout un édifice qui s'écroule. Etudier les rapports que ces deux pouvoirs entretiennent donne une clef de compréhension très fine et très puissante de l'état d'un territoire ou d'une nation. Il suffit de songer à l'histoire de l'Irlande, de la Russie, de la Roumanie, de l'Egypte, de la Grèce, de la France, de l'Inde, du Tibet et du Proche-Orient pour ne citer que quelques exemples notoires. Dès que l'un de ces deux pouvoirs s'affaiblit, l'autre perd l'équilibre. Nombre de problèmes réels et de faux problèmes disparaîtraient par enchantement si chacun des deux pouvoirs veillait à entretenir la vitalité de l'autre et favorisait même son épanouissement, son rayonnement, son indépendance. Il est capital en effet que chacun de ces deux pouvoirs s'exercent sans la moindre allégeance à l'égard de l'autre mais au contraire comme deux autorités qui n'ont de compte à rendre qu'à Dieu seul. Cela peut paraître évident pour le pouvoir monastique. Il doit en être également ainsi pour le pouvoir politique. Ce dernier ne doit pas se contenter de satisfaire, de flatter ses "sujets" ou certains courants turbulents : il doit penser et agir de manière divine. Force est de constater qu'aujourd'hui en France, nous sommes bien loin de cet état d'esprit. Beaucoup de nos politiques confondent laïcité et athéisme. Ils n'ont rien compris à l'articulation du spirituel et du temporel. Ils ont perdu l'un des sens de la Croix du Christ au point de trouver indécent que ce signe subsiste dans l'espace public.
Le projet France2022 prévoit de mobiliser fortement l'admirable maillage monastique de la France qui s'est maintenu vaille que vaille, en dépit de persécutions sanglantes et censément aberrantes au premier regard. Ces persécutions sont en définitive l'expression d'un paganisme qui tente à certains moments de l'histoire des hommes d'imposer ses lois où dominent l'arbitraire, la dérégulation, l'injustice, la dépravation, l'inconsistance, le provisoire, la jalousie, l'orgueil, la démesure et le mensonge, toutes déviations qui ne peuvent guère tenir plus de 24 heures dans l'enceinte close d'un monastère sous peine de graves dissensions.
Les ordres monachiques ont beaucoup à donner à une classe politique moribonde, en matière de travail notamment, à un pouvoir en fin de règne qui a perdu le sens d'un travail honnête, raisonnable et fécond parce qu'il a oublié le temps des longues préparations et celui des réalisations qui subsistent pour longtemps. Nous avons développé ce point dans la tribune sur le travail humain.
La suite de cette tribune répondra, entre autres, à la question centrale que voici : "comment chacun de ces deux pouvoirs, le moine et le politique, peut-il aujourd'hui renforcer l'autre, le rendre plus solide, plus cohérent, plus dynamique ... sans se laisser gagner par des peurs qui n'ont pas ou n'ont plus lieu d'être ?" et cette question préliminaire : "Peut-on parler, à proprement dit, d'un pouvoir monastique ?".
Disons en préliminaire qu'envisager le moine et le politique comme pouvoirs présente un inconvénient majeur : indisposer toute personne allergique à la notion de pouvoir, d'autorité, de hiérarchie, ... soit pour des motifs théoriques (par exemple selon une posture diogénique qui place le pouvoir sur soi-même bien au-dessus du pouvoir sur le monde) soit à la suite d'une expérience douloureuse de soumission à un pouvoir mal exercé voire corrompu. Réfléchir en termes de pouvoir demande alors un surcroît d'énergie bien orientée : non plus démolir ce qui blesse ou révulse mais accepter de le voir sans crainte, appréhension, gêne, irritation, ... Non plus se focaliser sur les inconvénients mais penser comme le recommande St Ignace de Loyola en terme d'avantages. En l'occurrence, lorsque le pouvoir politique et le pouvoir monacal s'exercent de façon juste, intelligente, efficiente ... les territoires concernés par ces pouvoirs ont fort à gagner dans de multiples domaines : paix, justice, prospérité, liberté, équité, fraternité ... La réciproque est vraie : quand la zizanie, la pauvreté, la misère même, l'esclavage, ... apparaissent et se développent sur un territoire, il devient urgent d'analyser ces deux pouvoirs (et d'autres évidemment comme les pouvoirs intellectuels, médiatiques, marchands, financiers, ... ) pour essayer de comprendre ce qui cloche et tenter de remédier à une situation de déliquescence.
Le choix du politique comme pouvoir concerné au premier chef par les désordres actuels de la France tombe sous le sens. Celui du pouvoir monacal dans cette tribune demande à être argumenté : pourquoi s'y intéresser ? Pourquoi ne pas évoquer d'autres pouvoirs semble-t-il plus directement impliqués ?
Nous l'avons déjà écrit dans cette tribune : le pouvoir monacal est passé maître dans l'art du travail bien fait. Il connaît la mesure et la règle qui donnent du sens à toute activité humaine. Les moines et les moniales ont compris depuis fort longtemps que le travail humain n'est pas un but en soi, qu'il est un moyen, parmi d'autres, de l'accomplissement d'une vocation d'essence divine. Le travail humain ne résulte pas d'une condamnation. Il est d'abord libre participation de l'homme aux métiers de Dieu. Sa pénibilité ne vient pas du projet initial du Créateur. Elle a deux sources principales : les désordres extérieurs engendrés par le péché des hommes et les désordres intérieurs qui troublent leur regard, leur pensée et leur comportement. Devient pénible ce que l'homme a rendu tel par toutes les structures dissipatives que son imagination malade a mises sur pied. Devient pénible ce que l'homme blessé perçoit comme tel au sein d'une hiérarchie factice des tâches nécessaires à l'achèvement de la Création. Est pénible ce qui est dur à faire et seulement demandé à quelques-uns parmi les plus mal lotis alors qu'une juste répartition des travaux devrait conduire à un partage de ces derniers. Est pénible ce que la prédation a rendu accessoirement vital alors qu'il n'en était rien au commencement ... Moines et moniales peuvent montrer à qui veut bien ouvrir les yeux qu'un travail accompli sous le regard de Dieu s'épanouit en joie et en reconnaissance dès lors que je prends la peine initiale de le considérer autrement et que je n'omets pas d'effectuer les tâches les plus humbles, les plus cachées, avec autant de sérieux et d'exigence qu'en réclament les plus visibles comme par exemple celles qui sont destinées à émerveiller le coeur de l'homme par leurs grâces et perfections.
Aucun obstacle ne saurait les détourner de leur vocation première : préparer la venue du Seigneur dans sa gloire et faire en sorte que leurs proches s'associent à cette préparation, sans pour autant leur imposer un point de vue censément incomplet, défaillant par endroit et encore bien imparfait mais en respectant le cheminement de chacun et en s'inspirant des réalisations d'autrui quand elles sont belles, nobles et fécondes en charité. Le moine comme le politique authentiques demeurent profondément attentifs aux soubresauts du monde pour déceler ce qui mérite d'être soutenu par la prière et par l'action. L'un comme l'autre ne cessent d'être animés par une charité active et une compassion de chaque instant à l'égard de leurs prochains, ceux d'un jour comme ceux qu'ils côtoient chaque jour.
Nous sommes alors bien loin des rivalités stériles qui agitent ceux qui ne pensent qu'à accroître leurs pouvoirs, leurs prérogatives, leur renommée ou leur fortune. Nous sommes à des années lumière d'une vie politique française, nationale notamment, qui gâche depuis plus de quarante ans les atouts de la France par son oubli quasi permanent du transcendant et par son attachement maladif aux valeurs mondaines, aux bruits de couloir, aux jeux malsains d'une cour affamée d'honneurs factices et de reconnaissances indues ; qui ruine notre pays par son goût des petits plaisirs à bon compte sur le dos des plus pauvres et de tous les malheureux sans défense.
Le moine et le politique sont un garde-fou l'un pour l'autre : chacun exerce un pouvoir et ces deux pouvoirs sont complémentaires. Ils sont même le garant l'un pour l'autre de leur juste exercice. Que l'un tente d'écraser l'autre et voilà tout un édifice qui s'écroule. Etudier les rapports que ces deux pouvoirs entretiennent donne une clef de compréhension très fine et très puissante de l'état d'un territoire ou d'une nation. Il suffit de songer à l'histoire de l'Irlande, de la Russie, de la Roumanie, de l'Egypte, de la Grèce, de la France, de l'Inde, du Tibet et du Proche-Orient pour ne citer que quelques exemples notoires. Dès que l'un de ces deux pouvoirs s'affaiblit, l'autre perd l'équilibre. Nombre de problèmes réels et de faux problèmes disparaîtraient par enchantement si chacun des deux pouvoirs veillait à entretenir la vitalité de l'autre et favorisait même son épanouissement, son rayonnement, son indépendance. Il est capital en effet que chacun de ces deux pouvoirs s'exercent sans la moindre allégeance à l'égard de l'autre mais au contraire comme deux autorités qui n'ont de compte à rendre qu'à Dieu seul. Cela peut paraître évident pour le pouvoir monastique. Il doit en être également ainsi pour le pouvoir politique. Ce dernier ne doit pas se contenter de satisfaire, de flatter ses "sujets" ou certains courants turbulents : il doit penser et agir de manière divine. Force est de constater qu'aujourd'hui en France, nous sommes bien loin de cet état d'esprit. Beaucoup de nos politiques confondent laïcité et athéisme. Ils n'ont rien compris à l'articulation du spirituel et du temporel. Ils ont perdu l'un des sens de la Croix du Christ au point de trouver indécent que ce signe subsiste dans l'espace public.
Le projet France2022 prévoit de mobiliser fortement l'admirable maillage monastique de la France qui s'est maintenu vaille que vaille, en dépit de persécutions sanglantes et censément aberrantes au premier regard. Ces persécutions sont en définitive l'expression d'un paganisme qui tente à certains moments de l'histoire des hommes d'imposer ses lois où dominent l'arbitraire, la dérégulation, l'injustice, la dépravation, l'inconsistance, le provisoire, la jalousie, l'orgueil, la démesure et le mensonge, toutes déviations qui ne peuvent guère tenir plus de 24 heures dans l'enceinte close d'un monastère sous peine de graves dissensions.
Les ordres monachiques ont beaucoup à donner à une classe politique moribonde, en matière de travail notamment, à un pouvoir en fin de règne qui a perdu le sens d'un travail honnête, raisonnable et fécond parce qu'il a oublié le temps des longues préparations et celui des réalisations qui subsistent pour longtemps. Nous avons développé ce point dans la tribune sur le travail humain.
La suite de cette tribune répondra, entre autres, à la question centrale que voici : "comment chacun de ces deux pouvoirs, le moine et le politique, peut-il aujourd'hui renforcer l'autre, le rendre plus solide, plus cohérent, plus dynamique ... sans se laisser gagner par des peurs qui n'ont pas ou n'ont plus lieu d'être ?" et cette question préliminaire : "Peut-on parler, à proprement dit, d'un pouvoir monastique ?".
Disons en préliminaire qu'envisager le moine et le politique comme pouvoirs présente un inconvénient majeur : indisposer toute personne allergique à la notion de pouvoir, d'autorité, de hiérarchie, ... soit pour des motifs théoriques (par exemple selon une posture diogénique qui place le pouvoir sur soi-même bien au-dessus du pouvoir sur le monde) soit à la suite d'une expérience douloureuse de soumission à un pouvoir mal exercé voire corrompu. Réfléchir en termes de pouvoir demande alors un surcroît d'énergie bien orientée : non plus démolir ce qui blesse ou révulse mais accepter de le voir sans crainte, appréhension, gêne, irritation, ... Non plus se focaliser sur les inconvénients mais penser comme le recommande St Ignace de Loyola en terme d'avantages. En l'occurrence, lorsque le pouvoir politique et le pouvoir monacal s'exercent de façon juste, intelligente, efficiente ... les territoires concernés par ces pouvoirs ont fort à gagner dans de multiples domaines : paix, justice, prospérité, liberté, équité, fraternité ... La réciproque est vraie : quand la zizanie, la pauvreté, la misère même, l'esclavage, ... apparaissent et se développent sur un territoire, il devient urgent d'analyser ces deux pouvoirs (et d'autres évidemment comme les pouvoirs intellectuels, médiatiques, marchands, financiers, ... ) pour essayer de comprendre ce qui cloche et tenter de remédier à une situation de déliquescence.
Le choix du politique comme pouvoir concerné au premier chef par les désordres actuels de la France tombe sous le sens. Celui du pouvoir monacal dans cette tribune demande à être argumenté : pourquoi s'y intéresser ? Pourquoi ne pas évoquer d'autres pouvoirs semble-t-il plus directement impliqués ?
Nous l'avons déjà écrit dans cette tribune : le pouvoir monacal est passé maître dans l'art du travail bien fait. Il connaît la mesure et la règle qui donnent du sens à toute activité humaine. Les moines et les moniales ont compris depuis fort longtemps que le travail humain n'est pas un but en soi, qu'il est un moyen, parmi d'autres, de l'accomplissement d'une vocation d'essence divine. Le travail humain ne résulte pas d'une condamnation. Il est d'abord libre participation de l'homme aux métiers de Dieu. Sa pénibilité ne vient pas du projet initial du Créateur. Elle a deux sources principales : les désordres extérieurs engendrés par le péché des hommes et les désordres intérieurs qui troublent leur regard, leur pensée et leur comportement. Devient pénible ce que l'homme a rendu tel par toutes les structures dissipatives que son imagination malade a mises sur pied. Devient pénible ce que l'homme blessé perçoit comme tel au sein d'une hiérarchie factice des tâches nécessaires à l'achèvement de la Création. Est pénible ce qui est dur à faire et seulement demandé à quelques-uns parmi les plus mal lotis alors qu'une juste répartition des travaux devrait conduire à un partage de ces derniers. Est pénible ce que la prédation a rendu accessoirement vital alors qu'il n'en était rien au commencement ... Moines et moniales peuvent montrer à qui veut bien ouvrir les yeux qu'un travail accompli sous le regard de Dieu s'épanouit en joie et en reconnaissance dès lors que je prends la peine initiale de le considérer autrement et que je n'omets pas d'effectuer les tâches les plus humbles, les plus cachées, avec autant de sérieux et d'exigence qu'en réclament les plus visibles comme par exemple celles qui sont destinées à émerveiller le coeur de l'homme par leurs grâces et perfections.
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