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samedi 1 mars 2014

Confessions intimes et confessions publiques





De quoi serions-nous capables, aujourd'hui, si nous ne disposions pas des trésors de la tradition ? Que nous dit l'encyclopédie Wikipedia à ce sujet ? Voici : 

"des nains sur des épaules de géants" 

(latin : nanos gigantium humeris insidentes) 

est une métaphore attribuée à Bernard de Chartres, maître du XIIe siècle, utilisée pour montrer l'importance pour tout homme ayant une ambition intellectuelle de s'appuyer sur les travaux des grands penseurs du passé (les « géants »). 

Reprise par Jean de Salisbury dans son Metalogicon, elle est également utilisée au fil des siècles par divers penseurs, comme Isaac Newton.

Remarquons, avec malice, que des voix se sont élevées en France pour dénoncer la vaste entreprise de numérisation par Google de tous les livres disponibles. N'est-ce pas pourtant dans la droite ligne de l'élan général qui pousse l'humanité à s'approprier les merveilles que nous ont léguées nos ancêtres ? 

Pourquoi ne pas se réjouir que cette entreprise se fasse sans négliger les oeuvres écrites en français ? Ainsi sommes-nous en mesure d'accéder à des ouvrages anciens, quasiment introuvables sur papier, d'une qualité d'expression et d'une clarté d'exposition époustouflantes pour nous autres modernes. 

Au lieu de nous inquiéter, pourquoi ne ne pas nous associer de manière vraiment active à l'exhumation d'un passé prodigieux, opération qui aura de grandes conséquences intellectuelles et morales. Il n'est pas négligeable, en effet, qu'une époque décrite comme période "désanchantée" renoue avec ce qui vaut la peine d'être gardé, réhabilité, réapproprié. 

Il nous faudra revenir sur ce thème majeur pour le XXIème siècle en traitant la question des droits d'auteur.

Quels trésors de la tradition seront salutaires pour nous dans les années à venir ? Pouvons-nous le prévoir en observant ce qui se passe à l'heure actuelle ? 

Ces deux questions sont intimement liées mais chacune d'elles nécessite un traitement qui lui est propre. En ce qui concerne les trésors du passé, notons qu'il ne s'agit pas de les installer sur un piédestal, d'en faire des idoles en considérant que toute nouveauté mettrait en péril le leg reçu.

En évoquant la mise en accusation facile, permanente et souvent féroce des personnes les plus en vue, nous avons mis à jour une orientation déterminante pour l'avenir : la cohésion, le dynamisme et l'harmonie de la société française se développeront à condition que nous apprenions à réguler nos instincts de mise à mort, de lynchage, de dénonciation qui détériorent la qualité des rapports sociaux. 

Le triste spectacle que nous ont donné certains politiques lors de la campagne des régionales 2010 souligne, s'il en était besoin, l'urgence d'un changement d'attitudes. 

Le politique seul n'a pas les moyens de l'imposer ni même de le proposer mais il a toutes les cartes en main pour se montrer exemplaire car les sujets de réforme de la nation française, d'aménagement et d'amélioration, sont assez nombreux pour qu'un acteur politique responsable et à la hauteur de ses missions ne perde pas son temps à démolir ses concurrents ou d'autres acteurs du jeu politique. Nul doute qu'à l'avenir, s'imposeront sur la scène publique ceux qui sauront se garder d'attaques venimeuses et dérisoires, pour ne pas dire assassines.

Parmi les trésors dont nous sommes héritiers, ne passons pas sous silence l'un des plus grands, sinon le premier de tous : la confession auriculaire. 

La confession auriculaire nous offre un alliage de sagesses hors du commun. Chacun est en mesure de le comprendre s'il consent à l'effort minimal qui consiste à réfléchir sur les significations profondes d'un mystère ancien d'une telle portée et s'il parvient à en faire l'expérience, en toute humilité et magnanimité. 

Ce ne sont pas les dénonciations tapageuses à l'encontre de l'Eglise qui ont eu cours au printemps 2010 qui pourront ôter la moindre grandeur à cet Himalaya de la spiritualité occidentale et orientale. Nous allons en faire l'ascension du point de vue des enseignements les plus appropriés à l'exercice de la vie publique et par conséquent à l'action politique.





                 Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Himalayas

Premier enseignement : le mal commis par chacun d'entre nous n'a pas à être étalé sur la voie publique, ni par soi-même ni par autrui. Il est bon de se souvenir de ce passage célèbre de la vie de Saint Philippe Néri, patron des humoristes : 






"Cela se passe à Rome. Une femme "pieuse", mais un brin bavarde, vient se confesser régulièrement à lui. C'est toujours la même chanson :

- Mon Père, j'ai péché par médisance ... Mon Père j'ai calomnié.

Un jour, le Père Philippe, flairant la confession de routine sans grande contrition, lui donne comme pénitence d'acheter une poule, de la tuer, et de parcourir la ville en répandant les plumes en chemin.

Très étonnée, la pénitente s'exécute. Une semaine plus tard, nouvelle confession. Même routine. Le saint confesseur lui donne alors comme pénitence de refaire le même chemin que la semaine précédente en ramassant toutes les plumes qu'elle avait répandues.

- C'est imposssible, objecte la dame, elles se sont envolées !

- C'est la même chose avec vos calomnies, madame. Une fois qu'on a dit du mal de quelqu'un, ça se répand et c'est impossible à rattraper !


Deuxième enseignement : il est clair que, dans le combat politique, la première chose que fera un adversaire méchant, mal intentionné ou malhonnête, sera d'agir comme la femme bavarde mais sans se confesser ... Il se répandra en médisances ou en calomnies. 

A une époque, comme la nôtre, où les enregistrements des paroles, des faits et des gestes de chacun ne cessent de s'accumuler, aucun garde fou ne semble devoir empêcher qu'ils deviennent des "preuves" à charge contre toute personne jugée encombrante. Aucun garde fou, si ce n'est le baume de la miséricorde qui agit au moins à trois niveaux :

1. à celui qui confesse humblement ses péchés dans le secret, il donne la force de sortir peu à peu ou même radicalement de ses égarements ;

2. il le guérit de tout penchant à la médisance et à la calomnie ;

3. il protège ses faiblesses potentielles ou avérées des morsures de l'Adversaire et de ses acolytes.


Ici, il faut bien voir que le combat ne se réduit pas à des querelles banales : le combat politique comme tout autre combat humain comporte des dimensions spirituelles. Les nier conduit la plupart du temps à envisager ce combat comme une lutte aux accents mystiques mais sans Dieu. En 2014, nous devrions être guéris d'une telle dérive d'autant que nous disposons de textes assez forts pour nous vacciner, "Le drame de l'humanisme athée" d'Henri de Lubac notamment.



Joyeuseté de Gustave Doré


Troisième enseignement : quand on admet la nécessité radicale, l'importance et l'urgence de la confession intime pour le mal que devient la confession publique ? Quel doit être son contenu ? Inutile d'aller chercher bien loin : la scène publique a pour vocation d'être le lieu par excellence de la propagation du bien véritable. 

La parole publique est d'autant plus forte et féconde qu'elle répand une lumière universelle, valable pour tout homme. Pour atteindre ce niveau, elle n'a pas à être désincarnée ou ignorante du mal. La parole publique n'a pas non plus à taire le mal mais chaque fois qu'elle en parle, elle n'omet jamais de montrer comment le mal peut être dépassé ou même comment il a été dépassé. C'est une parole libératoire qui ne cherche pas à enfermer une personne ou un groupe de personnes dans le mal commis. La parole publique est alors le prolongement de toutes ces paroles secrètes d'encouragement et de relèvement, de guérison et de rémission prononcées sur tous ceux qui ont le courage, l'audace et l'humilité de se révéler, sous le sceau de la confession auriculaire, dans leur extrême pauvreté, condition d'humaine faiblesse à laquelle nul n'échappe quoiqu'il puisse en penser.




L'Anastasis

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