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mardi 24 mars 2015

Le moine et le politique

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"Le vrai moine a fait face à sa propre solitude et, grâce à cela, il peut rencontrer les autres dans leur solitude cachée c'est-à-dire en un lieu de souffrance enfouie où eux-mêmes n'osent guère aller".





Le moine et le politique (plutôt que le "politicien" qui a une connotation péjorative) est une tribune dont le but n'est pas de traiter des questions de laïcité. Elle a pour objectif de rendre compte d'un exercice de comparaison au sens plénier de ce terme : recherche simultanée des ressemblances et des différences entre deux termes (ou deux objets, deux notions, deux situations, ...). 

L'exposé aurait gagné en rigueur si nous en avions ordonné le contenu. S'agissant d'un simple exercice, il n'en sera pas ainsi pour laisser au lecteur la joie d'être surpris et stimulé dans sa propre réflexion, l'inviter au fond à prolonger lui-même ce travail instructif voire à l'améliorer nettement, à le mettre en bon ordre et, pourquoi pas, à le transposer à d'autres comparaisons. Pour les passionnés de perfections intellectuelle, logique, stylistique, esthétique, ... voici au moins deux pistes d'amélioration possibles : 

1. préciser davantage les objets de l'exercice de comparaison : le politique, la vie politique ou le pouvoir politique, leur conception ou leur exercice, ... en France ou ailleurs par exemple. De même : le moine, le monastère, la vie monacale, le service ou le pouvoir monacal, leur conception ou leur exercice, ... , en France ou ailleurs.  

2. Ordonner la comparaison : ressemblances d'une part, différences d'autre part ; les classer par catégorie : habitat, activités, rôles, fonctions, ... ; les interpréter ; les commenter ; en tirer des enseignements ; ...

Dans cette tribune, nous avons joyeusement mêlé tous ces plans, au risque d'en être vivement critiqués ! Qu'importe : nous considérons toute critique comme un stimulant.

Comparer est une activité intellectuelle d'une grande richesse à laquelle je risque de renoncer par crainte d'établir un ordre erroné ou sans intérêt. Je risque alors de me priver d'une source féconde d'idées nouvelles et de sentiments plus profonds. Je risque aussi de me priver d'une activité qui n'a pas pour raison d'être d'ordonner mais de classifier, de classer et finalement de clarifier.

S'agissant du moine et du politique, une première différence qui les distingue a trait aux lieux où ils se tiennent : le premier vit en altitude et le second dans la plaine. Le moine a pour vocation d'être élevé par abaissement volontaire, telle une montagne en cours de formation, pour devenir un sommet où s'accumule la neige des rigueurs de l'hiver. Il devient alors ce réservoir d'eau capable d'irriguer le monde au fur et à mesure de ses besoins. Pour accroître sa capacité, il ne s'élève pas de lui-même comme un orgueilleux. Il vit au contraire dans la plus grande humilité. Il creuse ainsi en son coeur et dans tout son être un large canal permettant aux eaux vives de la grâce de descendre en abondance vers tous ceux qui ont soif.







Le politique est à l'oeuvre dans la plaine. D'abord en charge d'un champ restreint, il tend naturellement à régner sur un territoire plus vaste. Au contact du terrain, il découvre des lois générales de gouvernement tout en mesurant leurs limites : les réalités humaines sont complexes ; l'application de règles communes dépend du bon vouloir et de l'intelligence de ceux qui en sont les promoteurs et les destinataires. Au fur et à mesure qu'il avance, ou bien il se durcit en mettant toute sa foi dans un système étriqué, ou bien il prend conscience de la pauvreté de ses moyens. En admettant qu'il se bonifie avec le temps, qu'il gagne en humanité voire en sainteté, il en viendra à se demander comment nourrir et comment abreuver ces foules toujours plus nombreuses en donnant à chacun ce qui lui revient sans tomber dans le travers des dictateurs et/ou des corrompus. 

Fournir "du pain et des jeux" ne sera pas du tout sa tasse de thé. Le politique responsable aura à coeur d'offrir à tous ceux qui les cherchent des occasions d'accroître leur liberté dans le respect des autres. Il aura donc le souci d'agir pour que tous les corps intermédiaires de la nation soient fidèles à leur vocation essentielle afin que chaque citoyen, au travers de ses multiples appartenances à différents corps, déploie vaillamment la plénitude de ses talents au service de tous en considérant chaque être humain non comme un rival mais comme un frère d'arme. Il veillera à ce que chaque corps intermédiaire se développe sainement c'est-à-dire en bonne intelligence avec les autres corps, dans un esprit de coopération qui favorise la recherche des synergies possibles et qui tend à éviter les affrontements stériles voire nuisibles à ces corps comme à la société tout entière. 

Le moine et le politique tendent l'un et l'autre à favoriser le rassasiement de leurs frères. Ils le font en étant aussi universels que possible tout en se limitant à leur champ d'action propre. Une distinction a priori évidente consisterait à dire que l'un s'occupe des faims spirituelles et l'autre des faims matérielles. Il nous faudra cependant revenir là-dessus pour apporter quelques nuances. Si l'un comme l'autre oublie ce principe valable pour tous : "Dieu premier servi", ne courent-ils pas le risque de s'affairer en pure perte ?

Le moine vit dans un climat et selon un emploi du temps qui le recentre en permanence sur l'essentiel : louer Dieu et le servir, en pensée comme en action. La vocation fondamentale du politique n'est pas différente mais elle s'exerce selon des modalités qui ont tendance, comme pour beaucoup d'hommes, à le tourner vers l'accessoire, vers le paraître plus que vers l'être. Nous oublions ici la situation particulière d'un politique qui ne croirait ni à l'existence de Dieu ni à celle du diable : c'est une espèce en voie de disparition et ses derniers représentants auront de moins en moins d'influence sur le cours du monde, foi de prophète !






Chaque âme de bonne volonté comprend en effet que la question centrale ne porte pas tant sur l'existence de Dieu que sur sa façon d'être présent et d'agir tout en respectant la liberté des hommes. Vaste question que les philosophies existentialistes, entre autres, ont tenté de régler. Question universelle qui revêt parfois un tour dramatique quand une personne a la triste impression qu'elle ferait partie des oubliés de la Providence. 



http://www.spiritualite2000.com/wp-content/uploads/2015/10/traces-dans-le-sable_D.Roberts.jpg 



Une parabole donne une réponse à cette angoisse : un homme arrive en Paradis. Il porte un regard sur son passé et découvre des empreintes sur le sable, tantôt celles de quatre pieds, tantôt celles d'une paire de pieds seulement. Se remémorant les périodes où n'apparaissent que deux pieds, il se souvient qu'elles correspondent à des moments de solitude, de détresse, de souffrance, ... où il avait eu le sentiment que Dieu était absent. Il en fait part à Dieu et commence même à Lui reprocher son inaction. "C'est vrai, à certaines heures, nous marchions côte à côte et nous étions heureux de cheminer ensemble. Quand tu ne vois plus que les empreintes de deux pas, ce sont les miennes" lui dit Dieu. "C'est moi qui te portais pour soulager ta peine".



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A propos de la question de l'existence de Dieu, concluons par le bouleversement apporté par l'Incarnation. Jésus, l'Emmanuel, "Dieu avec nous" répond de façon magistrale. En donnant sa vie jusqu'au bout après avoir été condamné pour blasphème, le Christ déplace en profondeur les données du problème : en assumant sa place de Dieu parmi les hommes, le Christ anéantit toutes les tentations de débat stérile autour de l'existence de Dieu. Après son passage sur terre et dans la mesure où j'accorde du crédit aux témoignages écrits (Evangiles) comme aux témoins (martyrs et saints), je ne me laisse plus tourmenter par une question perpétuelle qui n'aurait pas de réponse. Dieu existe puisqu'Il s'est même incarné en la personne de Jésus. 




Gustave Doré : Le Christ quittant le prétoire

Non seulement, il a prouvé lui-même son existence au prix d'une Agonie douloureuse, d'une Passion effroyable et d'une mort ignominieuse (crucifiés au milieu de deux bandits et mis en pâture au milieu de soldats et d'une foule déchaînés contre lui) mais il a démontré par ses actes et par ses paroles qu'Il n'arrêtait pas d'être actif, de se rendre présent à tous, en particulier à tous ceux qui ont besoin d'être guéris et à la multitude des hommes dont aucun ne peut se sauver lui-même.

Si je refuse d'accorder le moindre crédit aux récits évangéliques comme à ceux qui essaient d'en vivre, il me reste encore la possibilité de comprendre autrement la raison pour laquelle l'existence de Dieu ne s'impose pas à moi : Dieu s'efface pour m'offrir la liberté incroyable de Lui accorder, si je le veux bien, une existence dans ma vie. Il offre cela à chacun d'entre nous. C'est à moi d'ouvrir des espaces, des temps libres (prière ou événement providentiel) laissant à Dieu la possibilité d'entrer dans ma vie. Ce qu'exprime le Christ dans cette parole : "Voici que je me tiens à la porte et que je frappe (discrètement) ...".

Quand un politique oublie Dieu ou le met de côté comme s'Il était encombrant, il ne tarde pas à s'empêtrer dans les demi-vérités. Il en appellera à la fraternité entre les hommes et il aura beau le faire en utilisant quelques passages (déformés) de l'Evangile, ses injonctions sonneront faux : la fraternité qui dépasse les liens de sang n'a pas d'autre fondement que la filiation divine. C'est parce que les êtres humains sont les fils d'un même Père qu'ils sont frères, qu'ils ont à vivre de et pour cette fraternité. En dehors de ce fondement, la fraternité est vide de sens.






Moines de Thibhirine assassinés en Algérie


Le moine comme le politique, n'est pas à l'abri de l'oubli de Dieu. Nous en sommes tous là : une fois que nous avons oublié Dieu, nous forgeons quelque veau d'or, quelques idoles, pour combler son absence et le vide que nous ressentons. Concevoir la politique en dehors de toute référence à un royaume qui dépasse ce qui est immédiatement visible, c'est la condamner à errer sans fin dans les labyrinthes tortueux de l'esprit humain coupé de ses racines. C'est en définitive oublier le cri du prophète Jean : "Préparez les chemins du Seigneur".

Si le moine et le politique n'agissent pas exactement de la même manière, ils participent l'un et l'autre aux travaux de préparation. C'est seulement dans la mesure où ils sont animés par l'attente et le désir d'un futur glorieux, qu'ils peuvent se donner corps et âme dans l'instant présent, malgré toutes les vicissitudes de l'heure en cours. 

Aucun obstacle ne saurait les détourner de leur vocation première : préparer la venue du Seigneur dans sa gloire et faire en sorte que leurs proches s'associent à cette préparation, sans pour autant leur imposer un point de vue censément incomplet, défaillant par endroit et encore bien imparfait mais en respectant le cheminement de chacun et en s'inspirant des réalisations d'autrui quand elles sont belles, nobles et fécondes en charité. Le moine comme le politique authentiques demeurent profondément attentifs aux soubresauts du monde pour déceler ce qui mérite d'être soutenu par la prière et par l'action. L'un comme l'autre ne cessent d'être animés par une charité active et une compassion de chaque instant à l'égard de leurs prochains, ceux d'un jour comme ceux qu'ils côtoient chaque jour.

Nous sommes alors bien loin des rivalités stériles qui agitent ceux qui ne pensent qu'à accroître leurs pouvoirs, leurs prérogatives, leur renommée ou leur fortune. Nous sommes à des années lumière d'une vie politique française, nationale notamment, qui gâche depuis plus de quarante ans les atouts de la France par son oubli quasi permanent du transcendant et par son attachement maladif aux valeurs mondaines, aux bruits de couloir, aux jeux malsains d'une cour affamée d'honneurs factices et de reconnaissances indues ; qui ruine notre pays par son goût des petits plaisirs à bon compte sur le dos des plus pauvres et de tous les malheureux sans défense.

Le moine et le politique sont un garde-fou l'un pour l'autre : chacun exerce un pouvoir et ces deux pouvoirs sont complémentaires. Ils sont même le garant l'un pour l'autre de leur juste exercice. Que l'un tente d'écraser l'autre et voilà tout un édifice qui s'écroule. Etudier les rapports que ces deux pouvoirs entretiennent donne une clef de compréhension très fine et très puissante de l'état d'un territoire ou d'une nation. Il suffit de songer à l'histoire de l'Irlande, de la Russie, de la Roumanie, de l'Egypte, de la Grèce, de la France, de l'Inde, du Tibet et du Proche-Orient pour ne citer que quelques exemples notoires. Dès que l'un de ces deux pouvoirs s'affaiblit, l'autre perd l'équilibre. Nombre de problèmes réels et de faux problèmes disparaîtraient par enchantement si chacun des deux pouvoirs veillait à entretenir la vitalité de l'autre et favorisait même son épanouissement, son rayonnement, son indépendance. Il est capital en effet que chacun de ces deux pouvoirs s'exercent sans la moindre allégeance à l'égard de l'autre mais au contraire comme deux autorités qui n'ont de compte à rendre qu'à Dieu seul. Cela peut paraître évident pour le pouvoir monastique. Il doit en être également ainsi pour le pouvoir politique. Ce dernier ne doit pas se contenter de satisfaire, de flatter ses "sujets" ou certains courants turbulents : il doit penser et agir de manière divine. Force est de constater qu'aujourd'hui en France, nous sommes bien loin de cet état d'esprit. Beaucoup de nos politiques confondent laïcité et athéisme. Ils n'ont rien compris à l'articulation du spirituel et du temporel. Ils ont perdu l'un des sens de la Croix du Christ au point de trouver indécent que ce signe subsiste dans l'espace public.

Le projet France2022 prévoit de mobiliser fortement l'admirable maillage monastique de la France qui s'est maintenu vaille que vaille, en dépit de persécutions sanglantes et censément aberrantes au premier regard. Ces persécutions sont en définitive l'expression d'un paganisme qui tente à certains moments de l'histoire des hommes d'imposer ses lois où dominent l'arbitraire, la dérégulation, l'injustice, la dépravation, l'inconsistance, le provisoire, la jalousie, l'orgueil, la démesure et le mensonge, toutes déviations qui ne peuvent guère tenir plus de 24 heures dans l'enceinte close d'un monastère sous peine de graves dissensions.

Les ordres monachiques ont beaucoup à donner à une classe politique moribonde, en matière de travail notamment, à un pouvoir en fin de règne qui a perdu le sens d'un travail honnête, raisonnable et fécond parce qu'il a oublié le temps des longues préparations et celui des réalisations qui subsistent pour longtemps. Nous avons développé ce point dans la tribune sur le travail humain.

La suite de cette tribune répondra, entre autres, à la question centrale que voici : "comment chacun de ces deux pouvoirs, le moine et le politique, peut-il aujourd'hui renforcer l'autre, le rendre plus solide, plus cohérent, plus dynamique ... sans se laisser gagner par des peurs qui n'ont pas ou n'ont plus lieu d'être ?" et cette question préliminaire : "Peut-on parler, à proprement dit, d'un pouvoir monastique ?".

Disons en préliminaire qu'envisager le moine et le politique comme pouvoirs présente un inconvénient majeur : indisposer toute personne allergique à la notion de pouvoir, d'autorité, de hiérarchie, ... soit pour des motifs théoriques (par exemple selon une posture diogénique qui place le pouvoir sur soi-même bien au-dessus du pouvoir sur le monde) soit à la suite d'une expérience douloureuse de soumission à un pouvoir mal exercé voire corrompu. Réfléchir en termes de pouvoir demande alors un surcroît d'énergie bien orientée : non plus démolir ce qui blesse ou révulse mais accepter de le voir sans crainte, appréhension, gêne, irritation, ... Non plus se focaliser sur les inconvénients mais penser comme le recommande St Ignace de Loyola en terme d'avantages. En l'occurrence, lorsque le pouvoir politique et le pouvoir monacal s'exercent de façon juste, intelligente, efficiente ... les territoires concernés par ces pouvoirs ont fort à gagner dans de multiples domaines : paix, justice, prospérité, liberté, équité, fraternité ... La réciproque est vraie : quand la zizanie, la pauvreté, la misère même, l'esclavage, ... apparaissent et se développent sur un territoire, il devient urgent d'analyser ces deux pouvoirs (et d'autres évidemment comme les pouvoirs intellectuels, médiatiques, marchands, financiers, ... ) pour essayer de comprendre ce qui cloche et tenter de remédier à une situation de déliquescence.

Le choix du politique comme pouvoir concerné au premier chef par les désordres actuels de la France tombe sous le sens. Celui du pouvoir monacal dans cette tribune demande à être argumenté : pourquoi s'y intéresser ? Pourquoi ne pas évoquer d'autres pouvoirs semble-t-il plus directement impliqués ?

Nous l'avons déjà écrit dans cette tribune : le pouvoir monacal est passé maître dans l'art du travail bien fait. Il connaît la mesure et la règle qui donnent du sens à toute activité humaine. Les moines et les moniales ont compris depuis fort longtemps que le travail humain n'est pas un but en soi, qu'il est un moyen, parmi d'autres, de l'accomplissement d'une vocation d'essence divine. Le travail humain ne résulte pas d'une condamnation. Il est d'abord libre participation de l'homme aux métiers de Dieu. Sa pénibilité ne vient pas du projet initial du Créateur. Elle a deux sources principales : les désordres extérieurs engendrés par le péché des hommes et les désordres intérieurs qui troublent leur regard, leur pensée et leur comportement. Devient pénible ce que l'homme a rendu tel par toutes les structures dissipatives que son imagination malade a mises sur pied. Devient pénible ce que l'homme blessé perçoit comme tel au sein d'une hiérarchie factice des tâches nécessaires à l'achèvement de la Création. Est pénible ce qui est dur à faire et seulement demandé à quelques-uns parmi les plus mal lotis alors qu'une juste répartition des travaux devrait conduire à un partage de ces derniers. Est pénible ce que la prédation a rendu accessoirement vital alors qu'il n'en était rien au commencement ... Moines et moniales peuvent montrer à qui veut bien ouvrir les yeux qu'un travail accompli sous le regard de Dieu s'épanouit en joie et en reconnaissance dès lors que je prends la peine initiale de le considérer autrement et que je n'omets pas d'effectuer les tâches les plus humbles, les plus cachées, avec autant de sérieux et d'exigence qu'en réclament les plus visibles comme par exemple celles qui sont destinées à émerveiller le coeur de l'homme par leurs grâces et perfections.

jeudi 12 mars 2015

Impôts, taxes et cotisations ou l'affrontement de deux logiques


Impôts, taxes et cotisations, sujet qui fâche s'il en est. Voilà un thème qui mérite la plus grande attention. Son traitement par un projet présidentiel révèle sa marque de fabrique.

Le simple bon sens ou la démagogie conduisent les concurrents d'une élection à promettre qu'ils ne prévoient aucune augmentation des impôts, des taxes et des cotisations. S'ils parviennent à accroître la richesse du plus grand nombre, ils provoqueront la hausse de la manne prélevée ... en tenant leurs promesses. On ne saurait alors leur en vouloir.

Le projet France 2022 part du principe que les impôts, les taxes et les cotisations ne sont pas des maux en eux-mêmes. Si nous voulons agir ensemble et dépasser nos capacités individuelles, nous n'avons pas d'autres choix que de faire caisse commune. Si les parents, seuls, contribuaient au financement de notre système scolaire, beaucoup de jeunes devraient se contenter d'apprendre dans la rue.

La question du niveau des prélèvements domine les débats. Comme l'arbre qui cacherait la forêt ? La forêt des niches fiscales ?

Il est temps de se souvenir que les impôts, les taxes et les cotisations ne sont pas seulement des leviers destinés à alimenter les caisses communes mais qu'ils sont aussi des outils de régulation : une niche a pour but officiel de faciliter une action bénéfique, favoriser un secteur clef, générer un type de situation éminemment souhaitable, ... ; une taxe, une cotisation et un impôt sont levés en principe pour atteindre des objectifs connus. Nous constatons malheureusement que ce rôle de régulateur est parfois négligé quand un agent politique émet trop vite l'idée d'une suppression puis la met en oeuvre dans la précipitation. Avant de supprimer une ponction ou un allègement, il vaudrait mieux s'assurer que le malade ou le patient ne va pas en souffrir davantage.

Nous avons dit à propos du travail humain qu'un seuil de rémunération maximale en euro sera fixé mais pas nécessairement en couronne française, nouvelle monnaie créée dans le cadre du projet France 2022. Précisons ici que l'impôt n'a pas vocation à être le seul garant du non dépassement d'un tel seuil : la réduction des inégalités de revenu résultera de l'impossibilité de verser en France une rémunération au-delà du plafond légal. 

En raison de la progressivité de l'impôt sur le revenu, la limitation des hauts salaires n'a pas pour but de renflouer les caisses publiques mais d'entraîner une répartition plus juste des profits. Obtenir cette justice par des impôt élevés (choix typiquement français) sur les hauts revenus est contre-productif : les grandes fortunes trouvent toujours les moyens de contourner l'imposition sous le prétexte que son taux élevé est confiscatoire. Les plus fortunés ont assez d'influence sur les politiques pour exercer une pression qui soit favorable à leurs comptes : telle niche fiscale censée assurer une action bénéfique sur une branche d'activité sera aussi votée pour exempter quelques privilégiés d'un prélèvement qu'ils jugent d'un mauvais oeil.

Pour réduire le niveau des prélèvements qui entravent l'économie française - il reste à préciser pourquoi et comment -, une première solution consiste à accélérer le désengagement de l'Etat en privatisant des activités (même sensibles ?) ou en diminuant les dotations aux collectivités locales. Choisir cette voie n'est pas sans risque et il faut n'avoir jamais travaillé avec des agents de l'Etat pour s'imaginer qu'ils sont incompétents : les fonctionnaires qui ne sont pas à leur place ne sont ni plus ni moins nombreux en proportion que les grand patrons ou les salariés les plus modestes du privé. Là où le secteur privé a tendance à raisonner de plus en plus à court terme, l'Etat maintient vaille que vaille des perspectives plus lointaines. Ce souci du long terme engendre des attitudes et comportements professionnels que le secteur privé gagnerait à imiter.

L'Etat a des possibilités de désengagement qui ne sont pas à rejeter d'emblée comme si elles étaient marquées d'un sceau diabolique. En augmentant la part défiscalisable des dons aux oeuvres et à toutes les associations d'utilité publique, l'Etat français a ouvert plus largement le champ de l'action sociale à des organismes privés qui, s'ils sont bien gérés et s'ils sont dûment contrôlés, agissent au profit du plus grand nombre et spécialement de ceux qui sont en difficulté. Ces corps intermédiaires ont le grand avantage de mettre à contribution des bénévoles qui, en donnant de leur temps, manifestent que tout ne s'achète pas et portent secours là où nul intérêt marchand n'a l'audace ou les reins assez solides pour venir en aide, remédier, guérir, ... . Quelques militants féroces de l'athéisme le plus radical ou, ce qui revient au même, d'un Etat omnipotent dominé par un groupuscule, s'insurgeront toujours contre cette ouverture. Un projet politique n'a pas pour ambition de convertir une poignée d'irréductibles qu'un aveuglement et une surdité, endurcis par quelques raisonnements absurdes, poussent à voir le mal où il n'est pas et le bien en des lieux qu'il a désertés depuis belle lurette.

Dans une toute petite incise, et juste pour le plaisir, faisons remarquer que l'Etat a aussi recours à des bénévoles mais sans le dire. Nous laissons aux lecteurs curieux le soin de découvrir comment.

Le désengagement de l'Etat devient palpable dans le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Avant de hurler à mort contre ce type de mesures, ceux qui aboient feraient bien de mettre leurs économies en lieu sûr : à force de brailler vient toujours un temps où l'on n'a plus d'os à ronger. Nous devrions pourtant tous savoir que l'engagement de l'Etat, même quand il est fort - et cela paraît souhaitable en maints domaines - ne rime pas nécessairement avec une fonction publique pléthorique. En réalité nous le savons tous et ceux qui feignent de l'ignorer sont débordés par l'aggravation des difficultés et englués sur une piste souvent fausse : l'attribution automatique ou exclusive de cet état à "un défaut de moyens" alors qu'il faudrait mettre en cause "un défaut de gestion des moyens alloués" et même un "gaspillage de ces moyens". Ainsi en est-il d'un système scolaire en France qui, à coup de réformes inconséquentes, utilise des locaux disponibles de manière fort dispendieuse : grosso modo, 50% de sa capacité d'accueil dans l'année. Quelle entreprise soucieuse de réduire ses charges pourrait se permettre une telle gabegie ?

Pour alléger le poids des prélèvements, la réduction du train de vie de l'Etat et des collectivités locales est à poursuivre et à intensifier sans retard. Des réformes sont en cours qui font bondir les services concernés mais ceux qui rouspètent ont-ils pris conscience de la situation financière de la France ? Celle-ci menace directement le pouvoir politique entendu comme capacité d'influer sur le cours des événements. Là encore, la chance que nous avons d'être libres de choisir nos représentants court le risque de se transformer en illusion si ces derniers n'ont plus aucune marge de manoeuvre et se retrouvent dans un état de servilité à l'égard d'intérêts puissants aux yeux desquels le bien commun des citoyens compte pour moins que rien. 

La réduction du déficit public et de la dette relève d'un combat qu'il serait naïf de considérer comme une simple preuve de bonne conduite. Sans verser dans la paranoïa, qu'attendons-nous pour traiter cette question : à qui profite l'endettement de la nation française ? Nul besoin d'aller imaginer un crime, des intentions malveillantes ou une prédation savamment organisée pour s'interroger. Inutile et nuisible d'aller chercher des coupables. Réfléchissons et agissons dans le calme. 

Sommes-nous prêts, quand cela nous est possible, à renoncer à une part d'égoïsme pour redresser une situation alarmante ? Beaucoup d'entre nous, la plupart même, profitent de cet endettement tout en le payant de plus en plus cher : le seul poste du budget de la nation consacré au remboursement de la dette a de quoi nous inquiéter. Nous bénéficions aujourd'hui d'un confort énergétique qui pèse trop lourd sur les comptes de la nation : le coût d'obtention d'un KWh devrait normalement intégrer tous les frais. Opération difficile mais indispensable si nous voulons y voir plus clair. En l'occurrence, deux logiques s'opposent : une logique marchande et une logique d'économie. 

La logique marchande s'épanouit dans une production toujours plus abondante et soutient son expansion par une politique de prix qui encourage le client à consommer toujours plus. 

La logique d'économie, elle, dépasse l'intérêt particulier de chaque agent économique producteur : elle introduit la nécessité de prendre en compte l'extinction des réserves et les dégâts collatéraux. 

Contrairement à la conclusion hâtive qui affirme : privé = logique marchande et public = logique d'économie, la situation réelle n'est pas aussi tranchée. De puissants intérêts privés sont en mesure d'influer sur les politiques publiques pour les faire basculer dans une logique essentiellement marchande. Certains intérêts privés sont capables d'agir de manière responsable en prenant en compte les limites de l'environnement et des hommes. 

La logique d'économie qui s'impose d'elle-même en période de pénurie a tendance à céder du terrain à la logique marchande quand l'abondance semble prévaloir. L'effort à déployer pour renverser la dérive actuelle ne va pas de soi et les considérations sur les risques climatiques ou les menaces imminentes ne suffisent pas : la peur entretenue finit par rendre vaine toute tentative d'amélioration. Perdus pour perdus, les consommateurs préfèrent cueillir les restes plutôt que d'économiser pour un avenir qui leur est annoncé sous les auspices les plus noirs. Nous avons non seulement à changer de comportement mais aussi à développer une pensée qui soit stimulante pour toutes les bonnes volontés. 

L'honnêteté commande d'affirmer que la situation financière de notre pays est si grave que les efforts que nous accepterons de faire n'auront pas d'abord pour but d'alléger directement le poids de nos impôts mais pour premier objectif de sortir d'un endettement qui réduit la puissance publique à l'état de marionnette. Que cela amuse la galerie, que cela plaise à tous les contempteurs de l'Etat considéré comme un gêneur, que cela nous indiffère profondément, le résultat est tangible pour tous : chaque citoyen français est embarqué sur un paquebot qui prend l'eau de toutes parts. 

Au lieu de céder à la panique qui étreint les passagers sans coeur, nous pouvons simplement consentir à nous alléger. La responsabilité de l'Etat, entendu comme serviteur de l'intérêt général et du bien commun , est ici engagée : dans tous les secteurs où une consommation excessive met en péril l'équilibre de nos comptes ou de nos échanges, la puissance publique a le devoir de mettre en place des freins à la consommation. 

Une telle politique ne tend pas vers la simplification. Il faudrait n'avoir rien compris à la marche de l'histoire ou confondre "complication" et "complexité" pour s'imaginer que la régulation de nos sociétés va s'affranchir d'un surcroît de complexité. Ce surcroît n'est pas le produit d'une administration fière d'exercer ses prérogatives mais résulte de l'enchevêtrement des progrès qui traversent nos sociétés. 

La logique marchande propose à ses clients des tarifs unitaires qui décroissent quand les quantités consommées augmentent. 

La logique d'économie à mettre en place procède à l'inverse : elle assure à chacun un confort minimal mais satisfaisant quand l'abondance est là en garantissant des prix abordables pour les premières quantités consommées. En revanche, elle surtaxe les dépassements.

mercredi 15 octobre 2014

Le casse-tête de la stratégie économique en France





"Les lecteurs de ce petit livre
sont priés de ne voir
dans les personnes qui y figurent,
ou les faits qui y sont cités,
aucune analogie 
avec le monde dans lequel nous vivons.
Ils s'apercevront d'ailleurs rapidement
que cette déclaration
est conforme à la réalité
quand ils verront
que tous ceux qui vivent l'aventure 
qui s'y trouve décrite
sont des hommes de bonne volonté,
plein du désir de coopérer
les uns avec les autres,
s'efforçant de rechercher toujours
les solutions conformes à l'intérêt général
et prenant finalement leurs décisions
sous l'angle du bon sens le plus élémentaire.
Aucun risque, par conséquent,
que la moindre confusion
s'établisse dans les esprits."

L'île déserte, introduction
1970

Allons-nous donc laisser détruire
l'économie française sans réagir ?
Ne voyons-nous pas que cette évolution
qui se poursuit chaque jour
rend impossible de remédier
aux misères de toutes sortes
qui se constatent dans la société française
et tout particulièrement
à la situation dramatique des banlieues,
à la situation précaire de plusieurs millions de Français,
au nombre sans cesse accru des SDF.

La prospérité de quelques groupes très minoritaires
ne doit pas nous masquer une évolution
qui nous mène au désastre.

In "La mondialisation
la destruction des emplois et de la croissance
L'évidence empirique"
Maurice Allais, 1999


Depuis des années en France, nous assistons à un affrontement lassant et stérile au sein du personnel politique. Cette lutte concerne les personnes mais aussi les partis. Logique en démocratie, elle est conduite chez nous de telle sorte qu'elle vire à la caricature des positions alors qu'il est urgent d'aborder la complexité de plus en plus grande du monde actuel avec humilité, circonspection, entrain, imagination et dans un esprit de coopération intelligente.

Les prétendants aux trônes intermédiaires ou au fauteuil le plus haut ne prennent pas assez de temps et de recul pour analyser en profondeur les faiblesses et les forces de notre société dans le monde, pour produire ensuite une synthèse vaste, solide et nuancée, pour bâtir enfin un programme de réformes qui ne soit pas uniquement dédiée à la gloire de telle ou telle idéologie ou conçue pour servir les intérêts d'une petite communauté influente.

Le champ social et le champ économique souffrent beaucoup de l'indigence politique qui s'est installée en France depuis la fin de la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale. Nous commencerons par examiner le champ économique sans perdre de vue que la fin de l'action politique le dépasse largement.

L'analyse de la situation pourrait commencer par ces considérations savantes qui aboutissent à la disparition de questions pourtant simples et immédiates. L'une de ces questions devrait nous préoccuper, au-delà des clivages idéologiques : dans un monde en mutations rapides, de quels moyens nous doter pour choisir et mettre en oeuvre une stratégie économique qui tienne compte de nos atouts et de nos faiblesses, qui n'oublie pas que l'apparente rapidité des changements résulte de mouvements souterrains beaucoup plus lents et donc prévisibles, une stratégie enfin qui puisse être ajustée de manière optimale, c'est-à-dire sans provoquer des drames humains, même minimes, hélas, aux yeux de certains ? Quand une famille est disloquée par des décisions qui oublient la distinction essentielle à maintenir, coûte que coûte et avec courage, entre les choses et les personnes, chaque personne, il n'y a pas de "petit" drame.

Tant que nous ne fonderons pas nos choix économiques sur une anthropologie solide, sur une compréhension juste des fondements économiques, sur l'observation profonde des phénomènes naturels et sur le retour à la préférence communautaire bien comprise (sans négliger ou bafouer les intérêts des autres peuples), bien organisée et bien assumée (voir à ce propos "La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance" de Maurice Allais), toutes nos disputes d'estrade ou de petite lucarne ne nous feront pas avancer d'un pouce vers la sortie de crise. Elles laisseront subsister ou même empirer une situation devenue terriblement critique au fil des ans.

Tant que nous n'aurons pas retrouvé le sens du travail humain, comment espérer réduire le chômage ?

Tant que nous négligerons de porter un regard prospectif sur l'avenir, comment espérer préparer demain ?

Anthropologie solide en premier lieu (cf. anthropologie selon Jean-Paul II). Anthropologie où l'on ne considère jamais la mort de l'innocent, de l'imparfait ou de la bouche à nourrir comme une solution digne de l'humanité. Anthropologie où l'on cesse de penser à court terme. Anthropologie nourrie des leçons de l'histoire et des espaces naturels voire "sauvages". Anthropologie stable qui ne considère pas le transformisme issu des modes et les innovations étranges ou spectaculaires ou même provocantes comme des facteurs évidents de progrès. Anthropologie qui ne cherche pas à confondre toutes choses (voire toutes personnes) dans le bain primordial de l'indifférencié.

Stratégie économique où le travail humain occupe une place éminente et singulière : l'homme n'est pas le rouage d'une mécanique et pas davantage la goutte d'huile qui redonne de la fluidité au système, encore moins le grain de sable à éradiquer parce qu'il serait responsable de la dégradation de la production (voir à ce propos le travail exemplaire réalisé par Hassé Consultants depuis 1989 afin que les personnes en souffrance et notamment sous la dépendance de l'alcool ne sombrent pas davantage mais retrouvent toute leur dignité, afin que toutes celles qui seraient menacées par une pression excessive et tentées de recourir à un expédient dangereux soient protégées par les mailles d'un filet souple et ferme, libérateur d'énergie et d'innovation, témoin d'une charité intelligente, collaborative et active). 

Comment se fait-il que depuis le premier choc pétrolier, voilà plus de quarante ans, nous n'ayons pas su nous adapter et que nous nous soyons résignés à la montée inexorable de l'inactivité ? Qu'attendons-nous pour retrousser nos manches et nous demander ce qui cloche au fond sans pour autant vouloir trouver un bouc émissaire, un coupable facile ?

Stratégie économique qui n'évacue pas la question cruciale des choix à opérer : quelles orientations majeures de l'économie française devons-nous conserver ? Quelles sont celles à revoir ? Quelles sont les pistes nouvelles à explorer ? Convient-il comme l'Allemagne de beaucoup miser sur la croissance de ses parts de marché dans les pays émergents ? Ce choix qui se justifie bien outre Rhin par la faiblesse de la demande intérieure et par le dynamisme solidement établi d'une industrie performante, ce choix est-il adéquat et transposable chez nous ? Que pouvons-nous en retenir d'intéressant ? 

Quel citoyen soucieux de l'avenir n'attendrait pas du débat politique qui s'amorce, en vue des échéances électorales en France - européenne 2019 ; municipale 2020 et présidentielle/législative en 2022 -, des lumières réconfortantes sur le thème de la stratégie économique ? 

Les questions essentielles transcendent le débat sur l'identité nationale : quel pays voulons-nous ? Sommes-nous préoccupés avant tout par notre "rang" mondial ou bien voulons-nous devenir une terre, une maison commune, un foyer ardent où le mot "service" est à l'honneur ? Service désintéressé, service généreux, service infatigable de tous et spécialement des plus faibles, des exclus, des abandonnés, de ceux qui n'en peuvent plus ? Un pays où tout homme, las de la compétition effrénée que se livrent les nations ou les individus, trouverait un abri sûr et un lieu d'épanouissement à la mesure de l'être humain ? Allons-nous prêter notre voix au concert assourdissant des revendications incessantes et mesquines ? Nous importe-t-il seulement de voir reconnus nos mérites individuels et de percevoir une rétribution maximale pour une contribution minimale ?

Avant d'aller plus loin et d'esquisser les grandes lignes d'une stratégie économique qui emporte à la fois l'assentiment du plus grand nombre et qui aboutisse effectivement à une amélioration sensible de la situation générale de la France, nous pourrions considérer un changement qui touche aujourd'hui toutes les sociétés acceptant de ne pas se replier sur elles-mêmes et de ne pas se fermer aux influences extérieures : les grands centres urbains deviennent de plus en plus cosmopolites et ils rassemblent une proportion de plus en plus forte de la population. Cette évolution met en avant des questions cruciales et déterminantes : "Comment vivre ensemble ?"; "Comment vivre en bonne intelligence ?" ; "Comment maintenir l'unité de la nation entre les personnes individuelles, entre les corps intermédiaires, entre les grands centres urbains et les zones rurales ?" ; "Comment approvisionner les villes et faire en sorte qu'elles soient assez autonomes pour ne pas dépendre de manière excessive des transports à longue portée ?". A propos de ce dernier terme, voir notamment la ceinture verte mise en place à Toulouse depuis 2009.


Notre réflexion pour demain ne peut faire ... l'économie de ces questions. Economiser, s'économiser, c'est éviter des dépenses inutiles, prévoir que l'on risque d'être à cours de provisions, faire attention aux réserves. Le premier réflexe qui touche beaucoup de nos contemporains est de se dire : "Nous sommes envahis ! Comment allons-nous faire pour subvenir aux besoins de tous ?". L'inquiétude finit par dominer et le malthusianisme, cette peur de manquer, engendre des comportements suicidaires : plutôt mourir ou assassiner tout de suite, violemment que plus tard et à petits feux.

Une saine stratégie économique devrait toujours s'inscrire en faux contre ces tendances mortifères : nous avons certes à nous préoccuper des ressources actuelles et futures mais nous avons aussi à plonger ce souci dans cette confiance surnaturelle qui invite à ne pas renoncer à marcher sous prétexte que l'avenir est incertain. Avançons pas à pas pour découvrir de nouveaux chemins. Avançons au large. Ne restons pas crispés sur nos acquis. Ne nous laissons pas dominer par la nostalgie d'un passé révolu.



Image d'escalier magnifique, en attente d'autorisation de publication.





Premier axe : rester libres et consolider notre liberté. Sans méconnaître qu'une lutte sans merci est en train de se livrer, refuser de combattre sur le même terrain que les nations les plus en vue. 

Il est clair qu'une économie nationale ne se repliant pas sur elle-même ne peut survivre qu'en développant des échanges équilibrés avec ses partenaires et concurrents. Nous ne pouvons durablement tenir nos positions et rester libres si nous laissons filer notre balance commerciale. Nous ne serons pas libres non plus si notre dette publique s'aggrave encore. On a entendu des personnes plaisanter sur la Grèce en parlant de la vente de quelques îles pour rembourser la dette de l'Etat. Cela fait peut-être sourire les repus mais quel drame pour ceux qui en seraient réduits à vendre leur chez eux. Ou bien nous décidons de rester un peuple libre ou bien nous laissons empirer la situation actuelle et nous n'aurons alors plus rien à dire : nous aurons peut-être encore le droit de voter mais ce sera pour choisir entre deux maux insupportables pour l'homme libre. 

L'une des actions prioritaires est de faire en sorte que des entreprises françaises reconquièrent notre marché intérieur dans tous les secteurs où nous disposons sur place des ressources nécessaires et où les ressources qui nous manquent abondent ailleurs. A cette donnée économique primaire, il faut ajouter une donnée sociale : les produits que nous pourrions fabriquer en France et que nous importons sous prétexte qu'ils coûtent chers à produire chez nous, ces produits importés ont un coût social élevé. Pour évaluer leur juste prix, il conviendrait d'incorporer le coût du chômage chez nous : ces produits importés ne sont pas si bon marché qu'on veut le croire. Pire encore : plus nous laissons monter le chômage, plus le coût des productions nationales restantes est renchéri et plus notre compétitivité chute. Nous sommes là dans une spirale inquiétante. Un seul exemple : il est atterrant de constater qu'en ayant un taux de natalité honorable, nous soyons incapables de fabriquer des jouets pour nos enfants et qu'il faille recourir à des importations massives de produits, dont certains sont médiocres. Dans ce domaine, le mot "stratégie" n'est pas vain : nous avons à mener un combat titanesque. Laisser de côté l'intelligence du stratège et l'habileté du tacticien serait suicidaire. Pour rivaliser, nous aurons des choix à faire. Il nous faudra miser sur une qualité parfaitement ajustée aux attentes des clients, aux normes élémentaires de sécurité et à nos possibilités de compétition.



Marseille : l’escalier féerique du Goya, les mystères d’un ...



Deuxième axe : le premier axe, avec toute la meilleure volonté du monde et l'intelligence la plus exercée, ne peut suffire à combler ni notre retard en matière d'échanges commerciaux ni notre avance sur la voie du développement. Ce que des hommes et des femmes acceptent de faire, jour après jour, dans une société en quête d'un niveau de vie encore bas ou moyen (un homme et sa femme conduisant le même taxi, elle le jour, lui la nuit), qui acceptent de le faire en France ? Tous ceux qui n'ont pas d'autre choix.  Restons attentifs à l'augmentation de la pauvreté en France : ce qui nous semble inacceptable de prime abord le devient pour survivre et quand nous sommes à l'aise, nous oublions vite que certains de nos voisins sont déjà obligés en France de mener une vie de galère. 

Afin de maintenir notre espace de liberté, nous avons à trouver des secteurs d'activité dans lesquels nous sommes capables d'exceller, et techniquement et moralement. Des raisons évidentes de sécurité civile nous incitent à développer un éventail large : quand un secteur est touché de plein fouet par une crise, d'autres sont alors en mesure de prendre le relais. Concentrons nos efforts sur le domaine des services à la personne sans oublier la satisfaction des besoins primaires. Les seuls secteurs de l'éducation et de la santé peuvent devenir des spécialités françaises de premier rang mondial, ce qu'elles ne sont pas aujourd'hui (*). Ils ne le deviendront qu'après avoir été nourris par une anthropologie juste et féconde. Ils ne le seront qu'à la condition incontournable d'en avoir chassé tout appât du gain financier et toute recherche d'un confort matériel facile : dans ces deux secteurs, l'excellence ne s'obtient qu'au prix d'une grande abnégation.

(*) Cela malgré quelques réussites spectaculaires, à la fois techniques et morales : les médecins français ont été des pionniers dans des branches porteuses d'avenir comme l'immunologie, l'hématologie et la chirurgie permettant ainsi d'opérer des greffes qui ont sauvé des patients d'une mort annoncée. Le lecteur intéressé par ces questions pourra retrouver les données d'une greffe prometteuse, celle du sang de cordon ombilical. Pratiqué pour la première fois en 1988 en France, ce progrès attend, pour donner sa pleine mesure, que soit dépassé le recueil encore marginal des cordons (moins de 1% des naissances) et que soient multipliées les banques (publiques en France) pour cet organe. Voir par exemple : 

http://www.lefigaro.fr/sante/2008/11/25/01004-20081125ARTFIG00019-le-nouveau-marche-du-sang-de-cordon-ombilical-.php

L'incise peut paraître anecdotique. Elle est pourtant l'occasion de souligner l'une des grandeurs de la France et de ses choix politiques : au lieu d'aller comme dans d'autres pays vers la marchandisation d'un bien tout à fait précieux, la France a choisi le maintien du don anonyme et gratuit et du recueil dans des banques publiques. Cette part réservée au don est l'indice d'une conception qui s'oppose au tout marchand et qui signe la noblesse d'une société en quête d'un idéal élevé. Une stratégie économique qui néglige cet idéal est comme un corps sans âme. La médecine française peut non seulement compter sur ses propres progrès et découvertes mais aussi sur sa capacité à intégrer les apports d'autres pays. C'est d'ailleurs un atout de la France sur lequel un projet solide d'avenir peut s'appuyer : son ouverture au génie multiforme des hommes sur tous les continents. Un exemple significatif à cet égard est donné par la chirurgie réparatrice : une femme atteinte d'un cancer du sein et devant en subir l'ablation a la possibilité aujourd'hui de retrouver cet organe dans des conditions très satisfaisantes. Voir la technique D.I.E.P. implantée en France par le professeur Laurent Lantieri depuis 1995 : http://www.diep-asso.fr/.



En colimaçon conçu par Giuseppe Momo en 1932 est un ...



Troisième axe : établir un revenu maximal et moduler le revenu minimal. L'argument qui prône l'octroi de très hauts salaires aux profils exceptionnels oublie une donnée pourtant évidente : nous ne manquons pas d'hommes ou de femmes de valeur et tout à fait capables d'occuper des postes de haut niveau. En ces temps de crise très grave malgré l'apparence d'une timide reprise, en ces temps de chômage aigu, le versement de revenus exorbitants à quelques-uns devient insupportable. Ce qui est scandaleux ce n'est pas le fait de limiter les prélèvements obligatoires à 50% des revenus, c'est ce que perçoivent certaines personnes. Cela l'est d'autant plus qu'un être humain, aussi exceptionnel soit-il, ne dispose jamais que de quelques heures dans une journée pour accomplir son travail. Quand il cumule de surcroît plusieurs responsabilités et plusieurs rémunérations, son temps se divise comme pour tout un chacun. Le projet prévoit de limiter le revenu maximal par personne à 4000 Euros nets d'impôt par mois où l'on entend par revenu la somme de tous les profits, quelle que soit leur origine : travail, capital (le capital investi dans la création d'entreprise et dans des secteurs à risques fait l'objet de dispositions particulières) et droits. En adoptant une telle contrainte qui paraîtra utopique ou inaccessible à quelques-uns, le projet défend le principe d'une oeuvre de justice élémentaire. Son accomplissement n'ira pas de soi et suscitera même de très vives résistances qui s'appuieront sur une multitude d'arguments qu'il n'est pas difficile de formuler : vous allez faire fuir les meilleurs ; bien loin de créer les conditions d'une reprise vous allez appauvrir la France ; vous allez augmenter la corruption ; les capitaux vont quitter notre pays ; sans l'appât d'un gain supérieur, les plus combatifs se mettront à glander ou à tricher ... Ceux qui ont aujourd'hui des revenus dépassant la limite maximale prévue ont plusieurs possibilités (nous sommes en terre de liberté) : céder leurs parts de capital (point qui sera développé ultérieurement) ; travailler moins d'heures (pour accomplir un travail de meilleure qualité et laisser du champ à ceux qui sont aussi capables de s'engager à exercer des responsabilités élevées) ; réduire volontairement leurs revenus ; quitter la France pour s'installer dans des pays qui pensent pouvoir régler les problèmes actuels en laissant une poignée d'hommes s'enrichir de manière éhontée ; ... 

En ce qui concerne le revenu minimal, le projet prévoit une modulation selon l'ancienneté des personnes et les branches d'activité qui permette de garantir un revenu décent et toujours supérieur au revenu minimal actuel. Tout complément d'aide, selon l'heureuse formule du RSA quand il ne décourage pas d'accepter un travail, est maintenu. Notons enfin que la limite de 4000 euros nets par mois a encore l'allure d'une provocation puisqu'elle se présente comme un absolu alors qu'il serait plus judicieux de l'adapter aux circonstances de terrain. Pour être tout à fait pragmatique, le projet France 2022 prévoit que le salaire minimal et le salaire maximal soient toujours établis lors d'une même négociation entre le patronat et les salariés d'une même branche d'activité. Le projet France 2022 prévoit donc une modulation tenant compte des perspectives et des besoins de chaque secteur d'activité de manière à ne pas obérer les chances d'un domaine par le joug de dispositions beaucoup trop générales. Cette modulation, pour être tout à fait complète, doit prendre en compte non seulement les métiers, les territoires et les données macro-économiques. Notons enfin que la limitation du revenu net en euros s'accompagne d'une plus grande souplesse au sujet de la rémunération en couronne française, nouvelle monnaie de service et d'abondance dont la création est inscrite en tant que résolution majeure du projet France2022.



L’Escalier Umschreibung – Munich – One360.eu



Quatrième axe : développer les créneaux à haute valeur ajoutée, non seulement sur le plan environnemental mais aussi du point de vue de la qualité des produits. Nous sommes parvenus à une situation qui met en péril l'avenir de nos plus beaux fleurons. Il suffit pour cela de considérer l'exemple emblématique des agricultures françaises. Sous l'influence de pressions puissantes et par ignorance, nous avons pris un train de retard dans le développement de l'agriculture biologique. Certains secteurs ou certaines régions commencent à se réveiller. Encourageons ce mouvement en particulier pour le vin qui porte au degré le plus haut l'alliance de la tradition et de la modernité. Aux questions agricoles, nous lions le sujet épineux de l'aménagement d'un territoire national terrestre où se posent désormais des problèmes d'isolement et de desserte publique de plus en plus aigus.



Chambord Double Helix Staircase Stock Photo - Image: 70014609



Cinquième axe : avec un territoire maritime presqu'aussi vaste que celui de l'Amérique du Nord, la France dispose d'un potentiel aquatique de première importance. Toute activité économique et scientifique donnant d'exploiter intelligemment et justement ce patrimoine unique est à encourager sans retard.

Voir à ce propos le projet de loi d'économie bleue  défendue par Bruno Le Roux. Expression employée dans un autre sens que celle-ci défendu par Gunter Pauli où il est question d'économie non polluante. Mieux : d'économie où tout déchet devient matière première d'un nouveau processus.

Ceux qui pensent que la France peut, à elle seule, veiller au grain et parvenir à faire fructifier cet héritage manquent d'imagination. Non la France, plus que jamais doit tenter de coopérer avec ses partenaires européens, ses voisins de la Méditerranée et au-delà, sur tous les fronts où nous sommes présents. Les difficultés rencontrées par Patrice Franceschi, capitaine de la Boudeuse (cf. http://la-boudeuse.org/journal-de-bord/le-dernier-mot-du-capitaine/), sont une alerte parmi d'autres nous invitant à prendre au sérieux les défis d'un XXIème siècle au cours duquel les territoires maritimes joueront un rôle sans cesse grandissant. Afin d'atteindre des objectifs ambitieux, nul doute que l'école jouera un rôle déterminant pour susciter des vocations. Cela ne se fera pas, nous y reviendrons, en revoyant les rythmes scolaires au seul profit d'une pratique sportive plus intense : les plages horaires non consacrées aux enseignements généraux auront à faire une place beaucoup plus large à tous les domaines concrets où s'implantent les vocations précoces.




Sixième axe : pas de développement économique solide et porteur d'avenir sans une diplomatie de grande valeur et une culture intelligente du renseignement. La France a besoin de ce côté-là de redorer son blason. Ce ne sont pas quelques coups d'éclat, même bienvenus, qui peuvent rehausser son niveau : un travail de fond, jour après jour, est nécessaire. Un travail conduit par des hommes et des femmes solides à tous points de vue.
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Lumière sur nos ténèbres


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Difficile de comprendre la politique française sans faire appel aux traditions chrétiennes qui ont fortement imprégné son exercice et le sol où elle se déploie. Ajout du 16 octobre 2015 : Bernard Cazeneuve, Ministre de l'Intérieur le rappelle dans son discours en la cathédrale de Strasbourg le 3 octobre 2015.

Pour justifier l'absence d'un grand parti démocrate chrétien en France, l'explication hâtive s'appuie sur l'argument de la laïcité à la française : ici, séparation nette (mais apparente) du politique et du religieux, inscription du spirituel dans la sphère privée. C'est oublier que l'Evangile s'est répandu sur l'ensemble du territoire et qu'il a déposé, à tous les niveaux de la société, les germes d'une présence diffuse : il suffit alors de prendre le temps de l'analyse pour découvrir ses racines en tous lieux. 

Les ronces du paganisme ou de tout autre envahisseur peuvent empêcher le christianisme de fleurir pleinement et de produire tous ses fruits mais qu'un vent sec se lève et que le soleil brûle ces ronces, nous verrons le moindre feu embraser cette paille et libérer un nouvel espace d'expansion pour l'Evangile. Les ronces ne pourront pas enfermer le parfum de l'Evangile et l'assigner à résidence surveillée : toute contrainte exercée à son endroit lui insuffle un regain de vigueur qui balaie tôt ou tard ses plus féroces contempteurs.

Notre propos ici n'est pas de prévoir ou de prédire les événements qui vont advenir même si cela n'est pas sans intérêt. Ajout du 16 octobre  2015 : voir à ce propos le livre de Jacques Attali chez Fayard : "Peut-on prévoir l'avenir ? Le sien, celui des autres"

Nous chercherons seulement à voir comment l'Evangile éclaire d'un jour lumineux la paralysie du politique en France. Nous découvrirons alors de quelles façons chaque responsable politique et chaque citoyen pourrait, en se nourrissant de l'Evangile, débloquer la situation critique que nous connaissons.

En étant davantage conscient de l'imprégnation évangélique de son environnement, le politique ne perdra plus de temps et d'énergie à diaboliser ses adversaires d'un jour ou de toute une vie : ceux-ci, comme lui-même, ont reçu une part de l'Evangile et bien rares sont les personnes qui n'en ont rien gardé. Que ces autres n'aient pas retenu les mêmes passages que lui ne l'étonnera pas. Quel est celui d'entre nous qui oserait affirmer qu'il a tout assimilé de l'Evangile au point de vivre à tout instant de l'esprit du Christ ?

Allons plus loin : même reçus et assimilés, les enseignements de l'Evangile ne se transforment pas en vertus du jour au lendemain. Nous sommes dépositaires d'un trésor à l'état de semence et il nous faudra beaucoup de patience, d'humilité, ... pour que cette semence parvienne à maturité. D'expérience, toute personne finit par savoir qu'elle est vulnérable : elle demeure un vase fragile au sein duquel les plus belles semences courent toujours un risque. Comment le politique pourrait-il l'ignorer ou échapper à la condition commune ?

Plus grave encore : le plus vertueux n'échappe pas à la tentation de l'orgueil. Eût-il acquis une sagesse admirable et des vertus héroïques, un rien serait encore capable de le transformer en démon. Diaboliser ses adversaires ou un adversaire en particulier n'est-il pas le signe avant coureur que celui qui se livre à ce genre d'exercice a mis le pied sur une pente dangereuse ? Accuser avec insistance tel ou tel défaut chez autrui n'est-il pas l'indice que la personne accusatrice a quelques soucis avec ce qu'elle prétend dénoncer ? En parlant de l'autre, elle livre en filigrane ses bas fonds. En s'attaquant à la personne d'un candidat, elle révèle en creux la misère de son programme et la bassesse de ses ambitions. 

En 2017, nous aurons besoin au contraire d'un projet qui mette l'accent sur la nécessité grandissante de la miséricorde. Un candidat qui ne montrerait pas l'exemple en ce domaine perdrait tout crédit et ferait courir à notre nation le risque d'une propagation de la "dénonce". Si le politique ne sait pas éviter l'infestation puante de la calomnie ou de la médisance, qui le fera ? Les vautours médiatiques ?

Alors que les attaques de charognards sur des vivants et même d'oiseaux citadins sur des êtres humains font la une de l'actualité, les hommes vont-ils aussi participer aux dérèglements ou aux ajustements de la nature ? Quels remèdes à cette dérive batailleuse voire meurtrière ? Est-il donc vrai que le champ politique soit devenu cette arène où même les femmes se prennent pour des taureaux ? Dans un monde où le jeu collectif et la coopération devraient prévaloir, allons-nous laisser toute latitude à quelques individus assoiffés de pouvoir, de revanche et de notoriété ?

Le politique ne peut, aujourd'hui comme hier, se contenter de bribes évangéliques. S'il ne dépasse le vernis biblique qui apporte du brillant au salon ou à la ville, il cédera à la moindre tentation. Il cédera non seulement en privé mais aussi en place publique. Il cédera à l'infâme tentation de discréditer ses rivaux comme ses adversaires. Le triste spectacle que nous ont offert quelques-uns de nos politiques ces temps derniers est-il à même de guérir en profondeur tous ceux qui n'ont pas encore saisi la stérilité d'une attitude accusatrice ? Toute personne de bonne volonté le souhaite et l'espère mais ne saurait se réjouir qu'il faille de telles bassesses pour provoquer un électrochoc salutaire.

En découvrant un salut qui s'adresse à tous et qui dépasse l'existence propre de chacun, aucun politique n'ose encore prétendre qu'il sera en mesure de remédier à tous les maux, qu'il saura établir un paradis sur terre. Il n'imaginera plus que d'autres puissent avoir la prétention inverse : bâtir un enfer, même si les leçons de l'histoire et l'actualité commandent de rester vigilant pour être prêt à dénoncer toute tentative d'instaurer un régime de terreur. Il comprendra qu'il est inutile et nuisible de considérer les autres comme des ennemis ; que la citation : "l'enfer c'est les autres", mal comprise, appartient aux poubelles de l'histoire.

Nul besoin d'être très avancé spirituellement ou psychologiquement pour expérimenter que la tristesse ne résulte pas seulement du regard d'autrui mais aussi de la perception que l'on a de ce regard. Sans un travail long et patient sur notre manière de voir, nous cherchons des coupables en vain, nous condamnons des innocents et nous martyrisons des hommes et des femmes qu'une parole aimante délivrerait de nos soupçons, de nos jugements et de nos égarements.

Pour accéder au pouvoir, on a beaucoup tué : que de complots ; que d'assassinats ! Le venin de la calomnie remplace aujourd'hui le poison d'autrefois. La parole assassine vaut la dague d'antan. 

Citoyens ordinaires, spectateurs lassés ou excités par les joutes politiques, allons-nous laisser une vipère ou un vautour présider aux destinées de notre pays ? Aurions-nous une conception si guerrière du monde qu'il nous paraîtrait préférable d'être conduits par un(e) expert(e) en meurtres propres plutôt que par une personne inoffensive ?

Dans "la paille et la poutre", nous avions rappelé le principe bien connu de l'esprit de la louange : prendre la parole en toutes circonstances pour bénir et remercier, admirer et louer. Ici, nous allons plus loin : comment faire grandir cette force avant même de l'exercer ? Comment orienter l'arc de notre esprit avant de décocher nos flèches ? 

Ce serait une illusion de croire qu'il est possible à l'homme de renoncer sans dommage à ses instincts guerriers. Plutôt que de vouloir le transformer en chiffe molle, prenons la peine de lui donner un espace de combat où son prochain n'est plus un jouet à détruire mais un partenaire de jeux sains et même saints, instructifs et porteurs de progrès authentiques. C'est l'une des ambitions du projet France2022.

jeudi 9 octobre 2014

Statut de citoyen municipal

En plus du statut national de citoyen français (nationalité), le projet France 2022 prévoit la création d'un statut de citoyen municipal, ouvrant des devoirs et des droits spécifiques.

Toute personne domicilié sur le territoire français peut acquérir le statut de citoyen municipal dans la seule municipalité où se situe la résidence de sa domiciliation. Ce statut est donc attaché à une municipalité unique et précise. Les critères d'acquisition de ce statut sont définis par l'assemblée des maires de chaque province. Une personne change de statut de citoyen municipal chaque fois que le lieu de sa résidence de domiciliation change. 

Les critères d'acquisition sont déterminés selon un cadre défini au niveau de chaque province. Ce cadre en fixe les modalités et les variations possibles. A priori, il ne paraît pas utile de définir des critères compliqués : le seul fait de résider principalement sur le territoire d'une municipalité depuis plus de trois mois (par exemple), attestés par la municipalité, devrait habituellement suffire. Cela signifie cependant que toute personne désirant obtenir le statut de citoyen municipal d'une municipalité donnée ne pourrait pas faire valoir une durée de résidence ou de domiciliation sans que le délai de trois mois n'ait été authentifié par la municipalité concernée. Une personne qui aurait résidé clandestinement et produisant des factures pour faire valoir son droit ne pourrait y prétendre. Elle aurait dû, par une démarche prévue à cet effet, déclarer la date du début de son installation ou de sa domiciliation dans une résidence du territoire de la municipalité.

Le statut de citoyen municipal donnerait des droits spécifiques non lié à la nationalité comme celui d'être électeur ou bien élu aux élections municipales. Il donnerait aussi, dans les conditions fixées par la municipalité, des droits d'usage des biens et services mis à la disposition des citoyens de ladite municipalité. Ces droits d'usage ne seraient pas un carcan : une municipalité donnée, par des accords de réciprocité ou par tout autre type d'accord, peut concéder des droits à des citoyens municipaux résidant principalement sur le territoire d'une autre municipalité.

Le statut de citoyen municipal appelle aussi des devoirs. Un devoir fondamental est de se conformer aux lois et usages en vigueur sur le territoire de la municipalité. Ce devoir s'applique de toutes façons à toute personne présente sur ce territoire-là à un moment donné. Un devoir spécifique consiste dans toutes les obligations de déclaration prévues par la municipalité. Nous verrons que ces obligations sont essentielles en raison du rôle majeur des nouvelles municipalités, en particulier comme foyers principaux de connaissances du terrain et de ses modifications.

En proposant la création d'un statut de citoyen municipal, le projet France 2022 ne néglige pas les risques encourus. Par exemple le risque que des personnes organisées et mal intentionnées se saisissent de l'occasion pour créer quelque république locale autonome aux pratiques douteuses, liberticides, sectaires, totalitaires ... 

Rappelons ici, pour rassurer les lecteurs inquiets, que la nouvelle organisation territoriale prévoit un contrôle renforcé du pouvoir central (Etat, province, département) qui, déchargé de missions non régaliennes, devra veiller mieux qu'il ne le fait aujourd'hui sur l'environnement des corps intermédiaires, notamment devra prévenir toute tentative de prise de contrôle d'une municipalité par des intérêts particuliers, qu'ils soient d'ordre économique, religieux, ... 

Qui dit "contrôle renforcé" ne dit pas "état policier" mais "gestion performante des informations stratégiques des territoires locaux". 

La création du statut de citoyen municipal vise à produire une amélioration nette de la connaissance des "passagers" clandestins d'un paquebot France qui est aujourd'hui incapable de bien gérer les flux migratoires faute d'un bon outil d'identification simple des résidents et d'une délégation territoriale bien ajustée (en l'occurrence, l'échelon municipal, au sens des nouvelles municipalités définies dans la nouvelle organisation territoriale de la France, nous paraît le plus approprié).

La création du statut de citoyen municipal vise aussi à éviter une crispation malsaine sur la question de l'identité française et de la nationalité : tout étranger amené à résider en France doit se sentir pleinement accueilli sur notre sol dès lors qu'il en respecte les lois et les usages. Citoyen à part entière par le seul fait de résider en France, il acquiert une reconnaissance assez précoce pour ne plus éprouver, pendant de longues années, le sentiment de n'être pas embarqués dans le même bateau que les passagers possédant déjà la nationalité française.