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jeudi 21 août 2014

Réforme de la fiscalité patrimoniale


Ajout du 28 février 2020 : remarquable interview de Stéphane Bern à propos de l'entretien et de la restauration du patrimoine.

La réforme de la fiscalité patrimoniale ne manquera pas d'échauffer les esprits l'année prochaine et tant que l'enjeu des présidentielles de 2012 aura cours. Qu'adviendra-t-il dans l'intervalle et ensuite ? Nous ne le savons pas mais une chose est sûre : bien peu de candidats prendront le risque de mécontenter ou d'effrayer ceux qui détiennent quelque patrimoine. On dira beaucoup en laissant entendre que l'on fera peu. On proclamera que l'on a révolutionné un domaine archaïque sans l'avoir pourtant effleuré. Quand la règle d'or est de ne pas déranger les intérêts d'une minorité influente, le politique n'ose plus rien.

Taxer pour quoi et comment taxer ? L'état de nos finances publiques en France justifie que l'on essaie d'augmenter les recettes tout en diminuant les dépenses. La taxation de la seule détention d'un capital a montré ses limites : des ménages modestes se sont trouvés assujettis à l'ISF du jour au lendemain, atteints par la spéculation sur les biens immobiliers. Propriétaires d'une maison bien située, ils sont devenus riches sans l'avoir vraiment cherché. En excluant la résidence principale de l'ISF, on résout certes le problème. Le faire aussi pour une résidence secondaire plairait à quelques-uns mais nuirait à tous ceux qui peinent déjà à se loger. Une voie plus prometteuse, semble-t-il, est de poursuivre et d'amplifier une politique plus ambitieuse en matière de construction et de rénovation de logements pour tenter d'enrayer la montée des prix de l'immobilier. Restent des questions : sommes-nous certains que l'embellie immobilière ne soit due qu'à la faiblesse de l'offre ? D'où vient la poussée de la demande de logement ? Est-elle inéluctable ?

Le projet France2022 va plus loin : il soutient l'idée déplaisante que notre pays n'a aucun intérêt à se lancer dans une course aux constructions nouvelles de manière inconsidérée. Déplaisante parce qu'elle semble nier a priori la nécessité d'augmenter le parc immobilier, comme si nous contestions au fond le principe intangible du "toujours plus" ou de la "forte croissance". Comme si nous cédions aux sirènes du malthusianisme alors que nous souhaitons, au contraire, que l'Etat soutienne la croissance de la population française et par conséquent du secteur de la construction (et de la rénovation) mais de façon prudente et donc sans omettre une donnée fondamentale : les résidents français ont été peu à peu "chassés" de leur habitat d'origine.

Ainsi en va-t-il de Paris intramuros, capitale dans laquelle la densité de population a évolué de manière surprenante : alors que quelques arrondissements de l'ouest et du nord parisiens ont vu leur densité de population croître, d'autres arrondissements ont perdu un très grand nombre de résidents (au profit d'occupants temporaires ou de fonds de garantie). Ce "mouvement" des résidents reste caché si l'on s'en tient à une approche globale qui agglomère les données de tous les arrondissements : on dira que Paris se vide "un peu" de ses habitants permanents alors qu'en réalité, des arrondissements étendus en superficie sont bien plus densément peuplés qu'autrefois (1872) tandis que des arrondissements moins étendus sont beaucoup moins densément peuplés (qu'en 1872).


Un simple calcul au résultat saisissant donnera au lecteur la mesure de l'ampleur du phénomène et pourra l'inciter à creuser un thème majeur de l'époque contemporaine : la question du logement puis celle de l'utilisation des locaux disponibles. Si vous calculez le nombre potentiel de résidents sur tout le territoire de la métropole française en prenant comme base la densité de population de l'arrondissement le plus densément peuplé en 1872 soit 76 656 habitants au kilomètre carré dans le troisième arrondissement de Parisce (source wikipédia), vous obtenez un peuplement de toute la France supérieur à 40 milliards d'habitants (76 656 * 550.000) !

Dans certaines régions touchées par la récession économique, les promoteurs ont constaté que l'offre de logement ne trouvait pas suffisamment d'acquéreurs tandis qu'en région parisienne, où la population afflue à la recherche d'un bassin d'emploi solide, la pénurie de logements s'accentue alors même que Paris intra muros a pu abriter, par le passé, beaucoup plus de résidents qu'à l'heure actuelle dans certains arrondissements (cf. le paragraphe "répartition de la population" sur Wikipédia).

L'Ile de France fait un effort de construction immobilière mais dans une direction dangereuse pour notre territoire : couverture de terrains à vocation agricole par des bâtiments peu élevés. Nous reviendrons ultérieurement sur la gravité de cette situation pour concentrer notre attention sur une donnée oubliée : la population française dispose aujourd'hui d'un parc immobilier sous occupé et dont la propriété est mal distribuée. Pour corriger l'aménagement parfois anarchique de notre territoire et la disparition de sols d'intérêt général (terres agricoles ou terrains libres de toute construction dont l'artificialisation excessive pose de graves problèmes économiques, sociaux et environnementaux), le projet France2022 défend la mise en place d'un calcul du taux d'occupation des logements. Ce taux sera un facteur à prendre en compte pour l'octroi des permis de construire et il entrera dans le calcul de l'imposition patrimoniale.

Pour éviter une complexité qui entraînerait l'irritation des citoyens et l'inefficacité de l'administration, le calcul du taux d'occupation ne cherchera pas l'exactitude absolue mais une approximation de bonne qualité. Dans sa déclaration annuelle de revenu, chaque foyer fiscal fera état des biens immobiliers dont il aura été propriétaire et/ou locataire dans l'année et il indiquera à l'administration la fraction d'occupation du foyer sur chacun de ces biens. Comme pour l'heureuse (pas pour tout le monde ...) disposition concernant les revenus, cette déclaration sera pré-remplie à l'aide de données collectées par d'autres voies : déclarations locatives au niveau municipal notamment.

Il ne faudrait pas s'enthousiasmer ou se raidir trop vite à la lecture d'une telle proposition : l'essentiel n'est pas dans le calcul d'un taux, aussi parfait soit-il. Dans un monde où nous prenons conscience des limites de nos ressources, nous ne parviendrons à une meilleure adéquation des besoins et des produits disponibles qu'à la condition d'augmenter notre connaissance des emplois des biens déjà existants. Atteindre un objectif aussi ambitieux demande d'établir des priorités. Le logement et l'immobilier en général (bureaux et établissements scolaires), est certainement la priorité n°1. Les moyens de transport constituent la priorité n°2.

A partir d'une connaissance plus fine de l'emploi du patrimoine, il devient possible d'établir une règle de taxation qui pénalise le sous-emploi et allège l'imposition des emplois au-dessus d'une norme de référence. Il s'agit donc d'abord de fixer l'orientation principale de la fiscalité patrimoniale : non pas un moyen de combler les caisses d'un Etat dispendieux ou imprévoyant mais un outil de régulation des fortunes qui limitent l'accumulation abusive des biens immobiliers par les uns et l'appauvrissement du plus grand nombre. Nous entendons ici fortune comme le rapport entre la possession et l'usage (et un usage qui soit une occupation effective en excluant donc un usage spéculatif du bien ou même l'usage de ce bien comme fond de garantie).

Pour donner une idée rapide de la fiscalité envisagée, on peut la présenter comme une taxation du rapport mètres carrés occupés (dans le temps) sur mètres carrés disponibles (dans le temps). Ce premier volet d'imposition a pour but de restreindre la disparité des taux d'occupation et les écarts entre les foyers fiscaux d'une part et les régions françaises d'autre part. Un second volet fiscal, fondé sur la taxation des revenus des biens immobiliers, aura pour objectif de limiter la hausse abusive des loyers. Il sera construit sur des effets de seuil visant à décourager un propriétaire de franchir des limites déraisonnables. Pour accroître l'efficacité du premier volet, le second volet peut tenir compte du taux d'occupation : plus l'emploi est faible, plus le propriétaire est autorisé à dépasser les limites ; plus l'emploi est fort, plus ce dépassement est contenu.

Toute personne informée des questions vitales pour une société avancée comme la nôtre comprend, en filigrane, que de telles dispositions ont d'autres buts (et pas seulement écologiques dans un sens étroit voire malthusien) : la France ne dépassera la crise actuelle qu'en se distinguant par une politique largement en faveur de la vie et, par conséquent, qui favorise l'accueil des enfants, des vieillards, des jeunes foyers et des familles. Il serait vain d'ailleurs d'augmenter ou de modifier l'imposition du patrimoine si l'on renonçait à en faire une arme contre la désespérance ou la morosité ambiante : on ne ferait qu'alourdir les charges des uns sans alléger celles des autres. Concrètement, il nous faut parvenir à un dispositif qui réduise les contributions locatives d'un foyer fiscal qui s'enrichit de la venue d'une personne, qu'elle soit âgée ou qu'elle babille. En bref : dès que le taux d'occupation d'un logement augmente, son loyer ... diminue par compensation fiscale.

Après ce rapide tour d'horizon, il nous faut creuser la question de la fiscalité patrimoniale en déplaçant le sujet : le principal enjeu, même s'il paraît crucial aujourd'hui, n'est pas de remplir des caisses publiques vidangées, il n'y pas d'autre terme, par des politiques irresponsables. La question de fond est celle-ci : sommes-nous prêts à inscrire la question patrimoniale au coeur de la complexité moderne ? Sommes-nous prêts à utiliser les moyens techniques nouveaux pour améliorer notre connaissance du patrimoine privé et public des Français ? Et cela, non seulement à propos des stocks et des flux mais également des emplois. Sommes-nous prêts à lutter contre le réflexe stratégique de tout corps qui se sent menacé : cacher une partie de ses ressources et de ses revenus, jouer sur ses déclarations pour éviter d'être déplumé. Réflexe animal, sinon humain, qui pousse au mensonge alors que le gouvernement d'une société de plus en plus complexe demanderait au contraire un surcroît et même un sursaut de vérité. De la qualité de la déclaration patrimoniale, de sa conception jusqu'au recueil des informations, dépend pour une bonne part le salut de nos finances publiques trop souvent pilotées sur la base de flux et ne s'intéressant aux stocks que d'une manière maladroite et peu efficace (ISF). Au bout du compte, la paix et la prospérité en France résulteront de l'effort sans précédent que nous voudrons bien consentir pour améliorer notre connaissance solide (et donc aussi exacte et exhaustive que possible) des biens que nous possédons, que nous employons et que nous détruisons. Notons à ce propos et au sujet d'un thème critique pour une conscience encore éveillée que la destruction d'enfant avant le terme de leur naissance est l'un des maux dont les conséquences sont redoutables. Les sociétés qui l'ont pratiquée depuis plusieurs décennies finissent par en mesurer le poids écrasant (la dictature du parti en Chine notamment).

Avant même d'envisager de nouvelles taxes, de nouvelles niches, ... nous aurons à toiletter et à réformer tout ce qui limite la connaissance vraie de la situation patrimoniale des corps de la République. Il conviendrait donc de parler d'abord de la "réforme de la déclaration patrimoniale" en la détachant de "la réforme de la fiscalité patrimoniale" même si les deux réformes sont évidemment liées.

Paragraphe ajouté après septembre 2011 :


Ne pas améliorer la connaissance patrimoniale avant de réformer le système de prélèvement c'est prendre le risque d'adopter des mesures inutiles et nuisibles comme le révèle l'analyse fine des conséquences de décisions fiscales hâtives, mal pensées et finalement contre productives. Cf. par exemple : http://www.atlantico.fr/decryptage/plan-rigueur-immobilier-classes-moyennes-174339.html


L'enseignement en deuil

Une grande figure des lettres françaises, de l'Université et de l'Académie vient de nous quitter. Dès 1984, Jacqueline de Romilly tirait l'alarme en écrivant : "L'enseignement en détresse". Depuis, nous ne comptons plus le nombre d'ouvrages parus qui s'inquiètent de l'état de notre système éducatif. Nous n'entrerons pas ici dans une discussion des multiples thèmes qui tissent les diagnostics portés. Avant guerre, l'un de nos plus éminents philosophes, Jacques Maritain, indiquait déjà dans sa "Philosophie de l'éducation" les piliers d'une instruction fondées non seulement sur l'étude des sciences mais aussi des humanités classiques. Si nous avions entendu son appel venu d'Outre Atlantique, Jacqueline de Romilly n'aurait pas eu à faire part de son inquiétude.

En rapprochant la disparition de notre brillante helléniste à 97 ans, la poursuite de la carrière du professeur Luc Montagnier en Chine à l'âge de 78 ans et l'actualité encore tiède des retraites, nous allons proposer d'ouvrir un autre chantier capital : le recrutement et la carrière des enseignants.

Nous avons rappelé ailleurs qu'un des principaux obstacles à l'amélioration de l'éducation des jeunes résidait dans la désertion et la division des adultes. En ces temps de vaches maigres pour les finances de l'Etat, la tentation la plus forte est de vouloir réduire, coûte que coûte, le poids des fonctionnaires. Nous répondons par un paradoxe : diminuons la charge financière mais augmentons, sans tarder, le nombre des acteurs. Nous ne sortirons pas du marasme actuel sans un effort accru et renouvelé en direction de notre jeunesse. L'Etat pourrait choisir de se désengager et de laisser le champ de l'éducation occupé par des initiatives privées. Ce n'est pas cette voie que soutient notre projet présidentiel. Les plus féroces partisans d'un enseignement libéré du joug de l'Etat devraient se souvenir que de nombreuses écoles privées ne tiendraient pas sans deniers publics.

Notre proposition a pour but d'augmenter la présence des adultes auprès des jeunes, de diminuer les coûts salariaux du corps enseignant, de régler une partie de la question des retraites, de réduire le chômage en France, d'améliorer enfin l'orientation et l'éducation.

Première mesure : l'entrée et la sortie des enseignants dans notre système éducatif seraient retardées. L'âge minimum pour exercer ce métier devrait dépendre de plusieurs facteurs, le principal étant la situation de l'emploi en France (ou dans chacune des cinq provinces). Au niveau actuel de sous-emploi et à titre indicatif, l'âge minimal serait compris entre 35 et 40 ans et l'âge maximal entre 70 et 75 ans. Dès qu'un enseignant peut percevoir sa retraite, il n'est pas tenu de quitter toutes fonctions d'enseignement : il peut continuer à exercer et il perçoit alors un complément de revenu.

De prime abord, vouloir diminuer les coûts salariaux en proposant une entrée tardive des personnels dans l'enseignement relève de l'utopie. A moins qu'une modification de la pyramide des âges et de la composition du corps enseignant n'entraîne une amélioration sensible des résultats scolaires. Ce qui reste à prouver. Isoler la première mesure d'un ensemble de réformes scolaires ne permet pas d'y voir clair. Le lecteur indulgent et patient - il en existe - comprendra que l'on se contente ici d'énumérer les avantages attendus.

Il ne nous paraît pas naturel, c'est le mot le plus doux, qu'un adulte n'ayant jamais exercé une profession ou encadré des jeunes pendant plusieurs années dans un mouvement associatif, un club sportif, un atelier artistique, ... se trouve catapulté auprès d'enfants et de jeunes comme maître, professeur, éducateur, entraîneur ou patron. Cela ne signifie pas, évidemment, que tout jeune professeur dans le système actuel, se trouve condamné à errer, à balbutier, à échouer. Il existe même des enseignants qui, sans être encore trentenaires sont excellents. La valeur n'attend pas le nombre des années dit-on. C'est une question de talent, de travail, de vocation. Imposer un âge minimal d'entrée dans la profession enseignante ne doit donc pas exclure une dérogation pour qui se sentirait suffisamment préparé et armé pour conduire plusieurs diligences d'une trentaine de chevaux sauvages.

Une des premières choses que découvre un adulte en dehors de l'enseignement c'est la difficulté d'une conduite honnête d'affaires prospères dans le monde ou l'exigence d'un engagement bénévole : en tous lieux, le fort essaie d'abuser de sa force, l'habile parvient à tromper le maladroit, le voleur s'empare des biens d'un autre, le prédateur exploite le cheptel de ses proies. Une fois rendu dans l'enceinte d'un établissement, il ne s'étonnera guère d'avoir affaire à des chenapans, d'avoir à exercer une vigilance de chaque instant, d'avoir à éduquer plus qu'à instruire.

Un point essentiel ne manquera pas alors d'attirer son attention : seules résistent au déferlement du mal, les communautés d'adultes profondément soudées par un idéal fort et dense. Il s'agit bien de résistance et non de réussite : la santé insolente de quelques sociétés prédatrices n'abuse pas l'intelligence de celui qui connaît le prix de certaines victoires. De même que les exploits sportifs obtenus à longueur de stupéfiants ne sauraient faire illusion. Instruit par l'expérience de la dure réalité d'un monde où le mensonge tente d'imposer sa loi, le professeur ne redoutera plus d'être sévère à l'égard de tous ceux qui balaient toute vérité d'un revers de la main. La note, aussi humiliante et aussi imparfaite soit-elle reflète une réalité qui n'est pas seulement traumatisante. Elle fournit le point de départ d'un diagnostic qui jettera parfois une lumière assez crue. L'échec scolaire d'un élève manifeste bien l'inadéquation d'un mode d'enseignement et d'un contenu à ses aptitudes. Si l'élève doit tenter de réveiller ses forces les plus vives, les acteurs eux-mêmes doivent accepter que le système soit réformé.

L'enseignant qui a exercé une profession ou qui a eu des responsabilités associatives en dehors de l'éducation nationale sait qu'une entreprise, une association qui ne fait pas sans arrêt l'effort d'être performante (honnêtement) et de s'adapter aux conditions changeantes de son environnement tout en maintenant vaille que vaille ses fondamentaux les plus sûrs se trouve rapidement laminée par le rouleau compresseur de la concurrence, de la mode ou des lubies inventées par telle ou telle discipline prétendument scientifique. On peut juger cela complètement absurde et tirer sur le monde à vue, on peut vouloir la révolution, ... mais c'est ainsi. Plutôt que d'endormir ses élèves par un discours rassurant ou lénifiant, l'enseignant aura à coeur de préparer ses élèves au combat titanesque de la vie. Aujourd'hui comme hier, plus qu'hier, il ne suffit pas d'être talentueux. Il faut beaucoup et bien travailler. Non pour "gagner plus" mais tout simplement pour vivre dignement. Non pour "gagner sa vie" mais pour être capable de la donner pour ceux que l'on aime.


Un an après


Plusieurs années après l'ouverture de cette tribune, il est temps de revoir les messages déjà publiés pour étoffer et consolider le projet. Voici la méthode et les règles qui seront suivies pour cette révision :

1. Quand un élément aura été ajouté à un message existant, il sera signalé par la couleur bleue dans une nouvelle version du message (version 2).

2. Pour éviter les surcharges, les éléments supprimés ne seront pas indiqués : ils pourront être retrouvés par rapprochement de la version 2 et de la version 1.

3. Pour éviter l'excès des répétitions et les anachronismes, un message ne passera en version 2 qu'à la condition d'avoir fait l'objet de modifications substancielles ou d'ajouts inconcevables lors de la première rédaction : référence à un livre non encore publié ou à un événement postérieur, ... Nous nous garderons d'ajouts qui pourraient donner l'illusion d'une préscience de l'avenir. Si certains passages ont une allure prophétique, ce ne peut être au sens de la prédiction du futur : il s'agit plutôt d'une annonce intemporelle.

Principe de caducité des lois


Le projet France2022 prévoit d'introduire un principe de caducité des lois, fondé sur les conditions de leur approbation par le Parlement, sur leur champ d'application et sur tout autre élément pouvant apparaître d'intérêt public majeur. Au lieu de se plaindre sans cesse de la multiplicité des textes, de l'impossibilité de mettre de l'ordre dans un arsenal de plus en plus fourni voire contradictoire, de rouspéter parce que certains textes n'en finissent pas d'attendre les décrets d'application, nous pouvons favoriser un nettoyage automatique des lois françaises en mettant en place la validité temporaire d'une partie des lois. Aujourd'hui, une loi court tant qu'elle n'a pas été abrogée. Demain, une loi caduque arrivant au terme de sa date de validité devrait être soumise à un nouveau vote après amendement éventuel pour être encore en vigueur.

Il n'est pas question ici d'entrer dans le détail d'un tel changement mais simplement d'en indiquer les motifs principaux. Dégraisser automatiquement n'est pas un argument suffisant. La raison fondamentale tient surtout à la volonté d'éliminer des textes de circonstance, passés en force sous la pression de groupes organisés qui ont réussi à obtenir satisfaction grâce à des bancs parlementaires clairsemés et grâce à de très courtes majorités. Si l'on peut fort bien concevoir que cette facilité soit maintenue pour éviter un enlisement des procédures d'adoption ou pour répondre à des situations d'urgence, il n'est pas raisonnable, il est même nuisible qu'elle permette de promouvoir ad vitam aeternam des dispositions qui n'ont pas réuni un large consensus.

Ce principe de caducité serait d'autant plus fermement appliqué qu'il concernerait des domaines sensibles. Nous pensons notamment au domaine bioéthique, au Code civil ou au Code pénal. Les lois remettant en cause des pratiques anciennes seraient également soumises au principe de caducité. Rien n'empêcherait enfin de prolonger la durée de validité des lois ayant donné la preuve, à l'usage, de leur grand intérêt.

Baptême et politique



Ce jour-là, nous fêtions Saint Rémi. Ce fut l'occasion pour nous de protester sans violence mais avec détermination contre certaines tendances et même dérives de la politique européenne. L'agenda européen en était l'une des manifestations les plus récentes : mention des fêtes non chrétiennes et omission des fêtes chrétiennes. Pour le moins curieux. Il ne manque pas d'intelligences assez compliquées pour justifier cette asymétrie. Laissons-les à leurs complications sans entrer plus avant dans des considérations alambiquées. Agissons plutôt avec simplicité en accueillant au jour le jour ce que nous propose les calendriers du catholicisme romain, orthodoxe ou oriental. C'est une mine d'or à ciel ouvert où l'extraction des pépites hors de prix est à la portée de tous, sans danger, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

La mémoire de Saint Rémi sera pour nous le prétexte d'une réflexion sur le sacrement du Baptême et sur ses implications politiques. Cela dans un esprit qui ne cherche pas des correspondances étranges mais des liens inédits. Non pour le seul plaisir d'une spéculation intellectuelle - ce qui n'est pas défendu - mais pour mettre sur la table quelques pierres précieuses dont l'aspect grossier ne découragera pas les plus habiles et les plus entreprenants : ce que le travailleur de la mine extrait a toujours pâle figure pour l'oeil non exercé. Sans l'imagination du tailleur, le joyau reste caché sous la gangue. Sans le travail expert du joaillier, le rubis, le saphir, l'émeraude ou le diamant n'atteint pas la plénitude de son éclat. Le lecteur patient, curieux et conscient des enjeux politiques comprend qu'un projet présidentiel ne parvient pas à rayonner comme joyau de politique pure sans l'intervention de spécialistes de politique politicienne et, plus fondamentalement encore, sans la participation enthousiaste, critique et tenace de tous les citoyens qui ont la volonté d'apporter leur contribution, aussi modeste soit-elle, au travail incessant que requiert la marche d'un pays, sa régulation, son entretien, son développement, ...

Le mot "baptême" a conquis quelques territoires de notre langue : baptême du feu, baptême de l'air, baptême de plongée, ... rappelant à ceux dont la mémoire faiblirait que les racines chrétiennes de la France existent et qu'elles n'ont pas cessé de vivre. Ces racines se sont développées en croissant et en se ramifiant. 

"Baptême" indique un commencement, un franchissement de seuil, un passage, une entrée, l'intégration dans un corps, ... Cette sémantique, aussi riche soit-elle, risque d'occulter les profondeurs vivifiantes du Baptême chrétien : plongé dans les eaux de la mort avec le Christ, le baptisé ressuscite avec Lui ; risque aussi de faire perdre de vue qu'au jour de son Baptême, le rejeton sauvage se trouve greffé d'un double point de vue : il devient membre du Corps du Christ et il est établi comme celui qui porte une triple greffe. Son intelligence, sa mémoire et sa volonté ont désormais la capacité de produire des fruits qui n'ont plus l'amertume et l'acidité des productions sauvages. A tout homme de bonne volonté est offert la double possibilité de devenir nourrissier par ses oeuvres spirituelles et matérielles aussi bien que d'être l'hôte servi et rassasié par celui qui l'accueille en ami comme un frère au banquet d'une république où chacun est, tour à tour, maître et serviteur.

L'intelligence non greffée a la capacité d'être vive, forte, puissante comme le sont les arbres qu'aucune main d'homme n'a plantés. L'intelligence non greffée peut se répandre à profusion, surprendre par l'ampleur de ses recherches et de ses vues. Il lui manque pourtant cette lumière qui lui permet d'éclairer les êtres et les choses de l'intérieur. Non greffée, elle peut avoir la précision du laser mais elle conserve cette froideur qui la rend incapable de réchauffer et de consoler. Sans le secours du Baptême, elle chevauche les steppes de la connaissance avec impétuosité pendant le jour et perd courage dès que vient la nuit : elle redoute l'obscurité. Les mystères l'intriguent et la stimulent. Leur épaisseur la renvoie à ses fragilités et à ses limites.

Le sacrement du Baptême greffe l'intelligence sans détruire sa nature initiale, sans anéantir sa vigueur. En lui apportant le don de la foi en Jésus-Christ, il lui permet de se déployer sur un plan surnaturel. Ses fruits auront désormais le parfum et la saveur, la consistance et la structure qui nourrissent plus parfaitement ceux qui les reçoivent et leur communiquent le désir, la force d'être à leur tour, disciples et apôtres.

Sur fond de paganisme, les critiques contre l'intelligence greffée nous révèlent en creux ses principales forces : on lui reproche son obéissance voire sa docilité, son attachement à des maîtres et même sa fidélité. Tout ce qu'un détracteur bien au chaud et bien à l'abri finira par reprocher au chien de la ferme : ses qualités essentielles lui paraîtront toujours inférieures à celles de la bête sauvage en liberté. Il n'a cure que l'homme soit un loup pour l'homme du moment qu'il se trouve épargné.

Pour celui qui redoute d'être à l'image de l'agneau de Dieu, jusqu'au sacrifice de sa vie, le réconfort vient du rappel ou de l'annonce qu'il reçoit au jour de son baptême une autre grâce : celle de se conduire en berger. Nous sortons alors d'une opposition simpliste, sur le plan animal, entre vie sauvage et vie domestiquée. Même si la mort physique semble mettre fin à son chant de louange, son action ne s'arrêtera pas en cet instant mais se prolongera et s'intensifiera au fil du temps. Le berger non mercenaire risque sa vie pour ceux qui lui sont confiés. Il croit que sa disparition ne signifie pas la fin du monde. Un autre se lèvera pour prendre sa suite. Vouloir opposer l'obéissance du disciple et le courage supposé du libre penseur est donc stérile. Nul n'est plus libre que l'homme détaché de sa propre vie. En devenant un modèle d'abnégation, il suscite chez d'autres le goût de l'aventure et la force d'avancer en dépit des contradictions.

En offrant à l'intelligence la possibilité de naviguer sur un plan surnaturel, le baptême lui donne de situer toutes choses dans une perspective eschatologique : la fin ne justifie pas les moyens mais les ordonne en vue d'un accomplissement qui transcende ce que les yeux perçoivent. Ne se souciant plus des apparences factices, l'intelligence baptisée se trouve libérée des entraves qui assujettissent l'intelligence sauvage cherchant d'abord à plaire, quitte à user d'artifices. Elle est rendue à son devoir naturel : éclairer tout l'être et pas seulement ses facettes plaisantes mais, toujours, sur fond de miséricorde.

Interventions de l'Etat


En poussant au maximum le principe de subsidiarité qui donne aux instances locales - nouvelles municipalités de grande dimension et cinq provinces seulement - les moyens de gouverner leur territoire, nous obtenons un Etat central qui se concentre sur les missions nationales avec plus d'énergie et d'imagination et qui, libéré des soucis de la gestion quotidienne des affaires intérieures, se préoccupe davantage des questions internationales et européennes, c'est-à-dire de tout ce qui conditionne les actions locales et intérieures. 

Une présentation aussi schématique ne doit pas faire illusion : il est clair que les jeux (géo)politiques intérieur et extérieur sont interdépendants mais il y a au moins deux façons d'envisager leur interaction. La première consiste à faire en sorte que ce soit les mêmes acteurs qui s'occupent de tout. La seconde organise des rôles séparés et les confie à des personnes différentes en veillant à la coordination de l'ensemble. Nous avons déjà abordé cette question à propos des mandats électoraux et en prévoyant leur non cumul. Il nous faudra aller plus loin.

Déléguer le gouvernement des affaires intérieures aux nouvelles municipalités et aux nouvelles provinces n'est pas sans risque : corruption, clientélisme, défauts de coordination, ... Avec les possibilités de contrôle automatique dont nous disposons en 2010, ces risques peuvent cependant être contenus.

Si l'on comprenait la nouvelle organisation territoriale proposée comme une tentative d'affaiblissement de l'Etat français, on passerait à côté de l'un de ses objectifs majeurs : donner au contraire à l'Etat des fondations locales plus solides qui lui permettent de résister, le cas échéant, à toute vélléité de dissolution des Etats au sein de l'Union européenne. En particulier, il nous paraît essentiel de subordonner l'application de certaines directives européennes à l'approbation unanime des cinq provinces françaises définies dans la nouvelle organisation.

Le principe de la subsidiarité doit s'appliquer non seulement pour les différents niveaux de gouvernement mais s'étendre aussi à l'ensemble des corps intermédiaires : familles, associations, entreprises, ... Le projet récuse en effet et vise à contrecarrer le double mouvement général qui s'est instauré peu à peu en France : d'une part, un Etat central omniprésent et d'autre part un affaiblissement de ce même Etat, laissant le champ libre à n'importe quel intérêt privé assez puissant pour dire "zut" à l'Etat quand cela lui chante. Ce double mouvement amplifie le désarroi des Français : quand une situation empire ou paraît empirer, les citoyens français concernés ont l'impression d'être balotés par des courants qui échappent à tout contrôle. Cela ne fait alors que renforcer la tendance actuelle et partagée par beaucoup qui consiste à rechercher un bouc émissaire facile dès qu'une crise apparaît. Le comble est atteint quand l'Etat devenu impuissant se trouve sur le banc des accusés, quand des citoyens mécontents ne se rendent plus aux urnes et saisissent n'importe quel prétexte pour descendre dans la rue.

La décentralisation amorcée depuis 1982 n'a fait que prolonger un mode de gouvernement général qui tend à dépouiller chaque corps intermédiaire de ses prérogatives "naturelles" et à l'accuser à tort dès que rien ne va plus le concernant. On atteint le summum de l'intrication quand l'accusé, lui-même, ne trouve pour seule défense que d'accuser un autre corps intermédiaire. En 2010, nous sommes rendus en un point où la pelote de la société semble bourrée de noeuds en tous sens et où l'on risque, faute de mieux, d'être tenté de tirer brutalement et très fort pour démêler le tout.

Il faut noter également que les régions et mêmes les conseils généraux actuels se sont crus investis soudain d'une vocation internationale et ... roulez jeunesse : un tel crée des maisons, un autre des "ambassades", ... et puis quoi encore ? Non seulement chacun expérimente en apprenti sorcier mais chacun tend à rouler pour son propre compte. Sans le dire et en faisant comme si cela était sans importance, on a mis en place un jeu où s'instaurent des rapports de force entre provinces et pouvoir central. Que certains tirent leur épingle du jeu en s'appuyant sur leurs atouts, pourquoi pas au fond ? " Où est le mal ? " diront certains. "Et d'ailleurs, n'est-ce pas une chance pour les territoires dynamiques de pouvoir ainsi s'affranchir de la tutelle du pouvoir central ?". Certains pensent qu'il est préférable de défendre des couleurs locales, un pavillon régional, pour limiter les risques que fait courir une image nationale détériorée. Le jour où le pouvoir central sera exsangue financièrement, on pressent le retour des pratiques féodales et on imagine, flottant aux quatre coins du monde, les étendarts des régions les plus conquérantes et prospères. Cela ne serait-il pas le sens de l'histoire : montée des libertés et des capacités des personnes morales et physiques ? Un citoyen ordinaire en pleine possession de ses moyens en 2010 ne dispose-t-il pas au fond, d'un pouvoir bien supérieur à celui de n'importe quel monarque des temps anciens : pouvoir d'influencer, de connaître, de se déplacer, d'informer, de communiquer ... ? Chacun n'a évidemment pas les moyens de construire Versailles ou de faire enfermer un rival (tant mieux !) mais que de progrès du potentiel d'action individuelle en quelques siècles. De quoi faire pâlir de jalousie le monarque le plus absolu ! Que dire alors d'une région française et de tous ceux qui détiennent de sucroît quelque pouvoir collectif ? La tentation n'est-elle pas devenue très grande de se prendre pour un dieu ?

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les différentes instances de pouvoir n'avaient pas pris les fâcheuses habitudes de dépenser plus qu'elles ne perçoivent. Pour éponger le déficit ou l'éviter, ces instances locales se tournent vers celles qui sont "au-dessus" quand les dotations sont au rendez-vous ou bien décident de ponctionner le citoyen ordinaire beaucoup plus que de raison comme cela est prévu dans les nouvelles orientations du budget national. Toutes n'agissent pas ainsi fort heureusement : des maires vigoureux ont su réduire l'endettement de leur commune. La tentation reste forte néanmoins de se laisser aller au penchant le plus communément partagé : laisser filer les charges en reportant aux lendemains lointains le souci de couvrir les dettes accumulées.

Revenant au thème de ce message, nul besoin d'être grand clerc pour s'apercevoir qu'un pouvoir central qui est devenu incapable de contenir ses dépenses n'a plus aucune légitimité pour contrôler les frasques des pouvoirs locaux. Au mieux peut-il confier au pouvoir judiciaire le soin de poursuivre les plus mauvais élèves. En espérant ne pas tomber lui-même sous les coups de ce gendarme. Quitte à le corrompre ... Scénario noir, certes, mais pas si improbable. En bref : pour que l'Etat puisse de nouveau intervenir efficacement, il faut que le pouvoir central retrouve une bonne santé financière ... sans tuer la poule aux oeufs d'or c'est-à-dire sans ponctionner à l'excès les corps intermédiaires ou les citoyens encore assez riches pour éponger les dettes de l'Etat. 

Précisons que nous ne confondons pas ici la dette du pouvoir central et la dette de la France : notre pays a de beaux actifs. Cela ne doit pas nous endormir car l'affaiblissement du pouvoir central en cours depuis une quarantaine d'années, s'il plaît à ceux qui prônent le tout marchand et par voie de conséquence la destruction de toutes les barrières régulant les échanges de biens et de services, cet affaiblissement est le prélude à la disparition de toutes les défenses qui protègent l'homme de l'esclavage. Croire qu'une fois que le pouvoir central aura quasiment disparu, d'autres instances plus saines prendront le relais, c'est se bercer d'illusion : là où le sommet de l'Etat est défaillant s'installent des puissants qui prennent en main le pays pour servir leurs seuls intérêts. Et quand la misère générale finit par gagner tout un pays, seuls les braves et les humbles, en majorité ceux qui croient au Ciel, ceux qui sont de bonne volonté, répondent présents pour redresser la barre.

samedi 1 mars 2014

Confessions intimes et confessions publiques





De quoi serions-nous capables, aujourd'hui, si nous ne disposions pas des trésors de la tradition ? Que nous dit l'encyclopédie Wikipedia à ce sujet ? Voici : 

"des nains sur des épaules de géants" 

(latin : nanos gigantium humeris insidentes) 

est une métaphore attribuée à Bernard de Chartres, maître du XIIe siècle, utilisée pour montrer l'importance pour tout homme ayant une ambition intellectuelle de s'appuyer sur les travaux des grands penseurs du passé (les « géants »). 

Reprise par Jean de Salisbury dans son Metalogicon, elle est également utilisée au fil des siècles par divers penseurs, comme Isaac Newton.

Remarquons, avec malice, que des voix se sont élevées en France pour dénoncer la vaste entreprise de numérisation par Google de tous les livres disponibles. N'est-ce pas pourtant dans la droite ligne de l'élan général qui pousse l'humanité à s'approprier les merveilles que nous ont léguées nos ancêtres ? 

Pourquoi ne pas se réjouir que cette entreprise se fasse sans négliger les oeuvres écrites en français ? Ainsi sommes-nous en mesure d'accéder à des ouvrages anciens, quasiment introuvables sur papier, d'une qualité d'expression et d'une clarté d'exposition époustouflantes pour nous autres modernes. 

Au lieu de nous inquiéter, pourquoi ne ne pas nous associer de manière vraiment active à l'exhumation d'un passé prodigieux, opération qui aura de grandes conséquences intellectuelles et morales. Il n'est pas négligeable, en effet, qu'une époque décrite comme période "désanchantée" renoue avec ce qui vaut la peine d'être gardé, réhabilité, réapproprié. 

Il nous faudra revenir sur ce thème majeur pour le XXIème siècle en traitant la question des droits d'auteur.

Quels trésors de la tradition seront salutaires pour nous dans les années à venir ? Pouvons-nous le prévoir en observant ce qui se passe à l'heure actuelle ? 

Ces deux questions sont intimement liées mais chacune d'elles nécessite un traitement qui lui est propre. En ce qui concerne les trésors du passé, notons qu'il ne s'agit pas de les installer sur un piédestal, d'en faire des idoles en considérant que toute nouveauté mettrait en péril le leg reçu.

En évoquant la mise en accusation facile, permanente et souvent féroce des personnes les plus en vue, nous avons mis à jour une orientation déterminante pour l'avenir : la cohésion, le dynamisme et l'harmonie de la société française se développeront à condition que nous apprenions à réguler nos instincts de mise à mort, de lynchage, de dénonciation qui détériorent la qualité des rapports sociaux. 

Le triste spectacle que nous ont donné certains politiques lors de la campagne des régionales 2010 souligne, s'il en était besoin, l'urgence d'un changement d'attitudes. 

Le politique seul n'a pas les moyens de l'imposer ni même de le proposer mais il a toutes les cartes en main pour se montrer exemplaire car les sujets de réforme de la nation française, d'aménagement et d'amélioration, sont assez nombreux pour qu'un acteur politique responsable et à la hauteur de ses missions ne perde pas son temps à démolir ses concurrents ou d'autres acteurs du jeu politique. Nul doute qu'à l'avenir, s'imposeront sur la scène publique ceux qui sauront se garder d'attaques venimeuses et dérisoires, pour ne pas dire assassines.

Parmi les trésors dont nous sommes héritiers, ne passons pas sous silence l'un des plus grands, sinon le premier de tous : la confession auriculaire. 

La confession auriculaire nous offre un alliage de sagesses hors du commun. Chacun est en mesure de le comprendre s'il consent à l'effort minimal qui consiste à réfléchir sur les significations profondes d'un mystère ancien d'une telle portée et s'il parvient à en faire l'expérience, en toute humilité et magnanimité. 

Ce ne sont pas les dénonciations tapageuses à l'encontre de l'Eglise qui ont eu cours au printemps 2010 qui pourront ôter la moindre grandeur à cet Himalaya de la spiritualité occidentale et orientale. Nous allons en faire l'ascension du point de vue des enseignements les plus appropriés à l'exercice de la vie publique et par conséquent à l'action politique.





                 Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Himalayas

Premier enseignement : le mal commis par chacun d'entre nous n'a pas à être étalé sur la voie publique, ni par soi-même ni par autrui. Il est bon de se souvenir de ce passage célèbre de la vie de Saint Philippe Néri, patron des humoristes : 






"Cela se passe à Rome. Une femme "pieuse", mais un brin bavarde, vient se confesser régulièrement à lui. C'est toujours la même chanson :

- Mon Père, j'ai péché par médisance ... Mon Père j'ai calomnié.

Un jour, le Père Philippe, flairant la confession de routine sans grande contrition, lui donne comme pénitence d'acheter une poule, de la tuer, et de parcourir la ville en répandant les plumes en chemin.

Très étonnée, la pénitente s'exécute. Une semaine plus tard, nouvelle confession. Même routine. Le saint confesseur lui donne alors comme pénitence de refaire le même chemin que la semaine précédente en ramassant toutes les plumes qu'elle avait répandues.

- C'est imposssible, objecte la dame, elles se sont envolées !

- C'est la même chose avec vos calomnies, madame. Une fois qu'on a dit du mal de quelqu'un, ça se répand et c'est impossible à rattraper !


Deuxième enseignement : il est clair que, dans le combat politique, la première chose que fera un adversaire méchant, mal intentionné ou malhonnête, sera d'agir comme la femme bavarde mais sans se confesser ... Il se répandra en médisances ou en calomnies. 

A une époque, comme la nôtre, où les enregistrements des paroles, des faits et des gestes de chacun ne cessent de s'accumuler, aucun garde fou ne semble devoir empêcher qu'ils deviennent des "preuves" à charge contre toute personne jugée encombrante. Aucun garde fou, si ce n'est le baume de la miséricorde qui agit au moins à trois niveaux :

1. à celui qui confesse humblement ses péchés dans le secret, il donne la force de sortir peu à peu ou même radicalement de ses égarements ;

2. il le guérit de tout penchant à la médisance et à la calomnie ;

3. il protège ses faiblesses potentielles ou avérées des morsures de l'Adversaire et de ses acolytes.


Ici, il faut bien voir que le combat ne se réduit pas à des querelles banales : le combat politique comme tout autre combat humain comporte des dimensions spirituelles. Les nier conduit la plupart du temps à envisager ce combat comme une lutte aux accents mystiques mais sans Dieu. En 2014, nous devrions être guéris d'une telle dérive d'autant que nous disposons de textes assez forts pour nous vacciner, "Le drame de l'humanisme athée" d'Henri de Lubac notamment.



Joyeuseté de Gustave Doré


Troisième enseignement : quand on admet la nécessité radicale, l'importance et l'urgence de la confession intime pour le mal que devient la confession publique ? Quel doit être son contenu ? Inutile d'aller chercher bien loin : la scène publique a pour vocation d'être le lieu par excellence de la propagation du bien véritable. 

La parole publique est d'autant plus forte et féconde qu'elle répand une lumière universelle, valable pour tout homme. Pour atteindre ce niveau, elle n'a pas à être désincarnée ou ignorante du mal. La parole publique n'a pas non plus à taire le mal mais chaque fois qu'elle en parle, elle n'omet jamais de montrer comment le mal peut être dépassé ou même comment il a été dépassé. C'est une parole libératoire qui ne cherche pas à enfermer une personne ou un groupe de personnes dans le mal commis. La parole publique est alors le prolongement de toutes ces paroles secrètes d'encouragement et de relèvement, de guérison et de rémission prononcées sur tous ceux qui ont le courage, l'audace et l'humilité de se révéler, sous le sceau de la confession auriculaire, dans leur extrême pauvreté, condition d'humaine faiblesse à laquelle nul n'échappe quoiqu'il puisse en penser.




L'Anastasis

La brebis égarée


Elle ne supportait pas l'idée 
qu'an lendemain même 
de la défaite du nazisme, 
deux peuples détestés par Hitler 
se dressent l'un contre l'autre, 
en arrivent à s'entre-tuer, 
chacun étant persuadé d'être 
parfaitement dans son droit 
et unique victime d'une injustice. 

Les Juifs 
parce qu'ils venaient de subir 
ce qu'un peuple connaître de pire, 
une tentative d'anéantissement, 
et qu'ils étaient déterminés 
à tout mettre en oeuvre 
pour qu'une telle chose 
ne se reproduise plus jamais ; 

les Arabes 
parce que la réparation du mal, 
en quelque sorte, 
se faisait à leurs dépens, 
alors qu'ils n'étaient pour rien 
dans le crime perpétré en Europe.

Les Echelles du Levant, p. 158
Amin Maalouf

La brebis hors du troupeau est en danger de mort : elle est à la merci d'une chute, de l'attaque d'un prédateur, du froid, d'un manque de nourriture ... La voici menacée de toutes parts. 

Il n'est que de suivre, pas à pas, Gunnar Gunnarson et son "Berger de l'Avent" parti à la recherche des brebis égarées dans la montagne islandaise, pour saisir ce qu'il faut à l'homme, de courage et de ténacité, quand il a décidé de refuser la mort de celles qui se sont attardées ou perdues en chemin.


L'homme fautif, celui qui a été pris, la main dans le sac, comme celui qui a échappé à la justice de ce monde, est comme une brebis égarée. Si nul ne part à sa recherche, il ira à sa perte. S'il refuse une main secourable, il s'enfoncera davantage.

Celle qui a choisi d'éliminer l'enfant qu'elle portait en elle, quelle que soit la raison de son geste, erre comme une brebis égarée. Si personne ne vient à sa rencontre pour la relever, elle se perdra ou se détruira pour faire justice elle-même. S'il lui reste assez de force et de lucidité pour ne pas se haïr à tort, il lui arrivera de chercher à démolir autour d'elle, propageant les pires idées et prônant quelques évolutions absurdes.

Vouloir réduire la violence, sans réfléchir aux conséquences de l'extermination licite d'un millier d'innocents chaque jour ouvrable en France, soit une exécution toutes les 30 secondes ouvrables, voilà bien une volonté de brebis égarée. L'animal perdu n'est pas seulement tel ou tel - chacun de nous en vérité, à un moment ou l'autre - mais aussi un pays tout entier, un continent, un monde en déclin où la mort redoutée serait devenue une panacée.

Parmi les nations, chaque patrie est en proie à une série d'égarements. Certains jurent dans le paysage médiatique ou dans l'opinion. D'autres sont plus discrets et ce ne sont pas les moins dangereux. Depuis des années, une nation se distingue et si nous n'arrivons pas à la remettre sur le sentier du bercail, il est à craindre qu'elle ne finisse dans le ravin. Elle est armée jusqu'aux dents mais n'a jamais eu aussi peur. Elle vit grassement mais demeure insatisfaite. Plusieurs attendent qu'elles s'endorment pour la rôtir en méchoui.

"Oeil pour oeil, dent pour dent" était un progrès mais voilà deux mille ans que raisonne un appel plus pressant, plus exigeant, pour nous inviter à ne pas répondre à la violence par la violence. La brebis égarée est-elle encore en mesure de l'entendre ? Qui saura la convaincre qu'il n'est pas dans sa nature d'être agressive, que la crainte d'offenser est salutaire puisqu'elle délivre de la peur ?

Quand une brebis s'est mal comportée, notre instinct nous pousse à la mettre à l'écart voire à la rejeter. Autrefois, elle était frappée, torturée et même tuée. Aujourd'hui, l'enfermement qui précédait le supplice est devenu le châtiment. Lieux de détention provisoire, nos prisons n'avaient pas été conçues pour la prolongation du séjour. Malgré de nouvelles constructions, des aménagements et des rénovations, l'emprisonnement engendre beaucoup de pauvretés et de misères : au lieu d'améliorer, nous provoquons, trop souvent, l'aggravation. Quelques rédemptions exceptionnelles ne cachent pas l'incohérence et l'inadéquation de nos pratiques pénales.

Le projet France2022 prévoit de réduire la durée des peines de prison pour des malversations sans violence envers les personnes et de limiter les décisions d'enfermement dans tous les cas où la sanction de la mise à l'écart n'est pas justifiée par des raisons graves de sûreté. Un exemple : toute personne ayant commis des malversations financières doit être tenue de réparer les préjudices qu'elle a causés mais n'a pas à être enfermée. Seules devraient être emprisonnées (et soignées) les personnes ayant tué ou agit violemment (viols, coups et blessures, séquestration, menaces ...). 

Le projet France2022 prévoit plus fondamentalement de remédier aux causes de ces mises en prison sans prétendre, cela va de soit, parvenir à les éliminer. L'une de ces causes majeures est la consommation excessive d'alcool (on estime qu'aujourd'hui un tiers des prisonniers sont incarcérés à cause de l'alcool) qui provoque tôt ou tard des situations de violences telles que leurs auteurs se retrouvent derrière les barreaux. Ces excès eux-mêmes sont les conséquences de multiples causes dont l'analyse fournit de nombreuses pistes de travail en vue d'améliorer les conditions de vie en France en atténuant, notamment, les effets de mesures qui engendrent les structures de péché et de mort, ces toiles d'araignée, en lesquelles se laissent piéger tous ceux qui ne sont pas armés pour les percevoir, s'en écarter ou les éviter. 


lundi 3 février 2014

Lignes de force du projet France 2032



"Ce qui est mis en péril, ce n'est pas un secteur particulier, la presse, la télévision ou la radio, mais plutôt la vie courante de l'homme qui se réalise dans le véhicule du langage. En bref, ce qui nous menace, c'est que la communication décline et que le discours public soit détaché de toute notion de vérité et de réalité."


 "Abus de langage, abus de pouvoir"







En 2014, quatre ans après le démarrage de la rédaction du projet France 2022, remettre l'ouvrage sur le métier offre la possibilité d'en affermir les grandes lignes, de revenir à l'essentiel et d'établir la liste des thèmes prioritaires comme le redécoupage du territoire de la France. C'est aussi l'occasion  de mentionner les événements les plus récents à propos de ces thèmes.



1. Vie politique


Le projet France 2032 prévoit un nouveau découpage administratif du territoire français bien que cela paraisse impossible à certains. La réduction du nombre de régions figure dans le rapport du comité Balladur du 5 mars 2009 qui propose de passer de 22 régions à 15 et dans les propositions Villepin pour les présidentielles de 2012 : 22 à 8 régions. En avril 2014, une réduction du nombre de régions est annoncée par le Premier Ministre, M. Valls. Le 11 avril, le journal Libération publie différentes cartes et rappelle le projet Balladur. Créer des régions plus grandes n'a cependant d'intérêt et de chance d'apporter un plus qu'à la condition impérative de diminuer fortement le nombre de municipalités en France et ce d'autant plus que le rôle des conseils généraux serait amoindri.

Ainsi le découpage adopté par l'Assemblée nationale le 17 décembre 2014 risque-t-il de poser davantage de problèmes qu'il n'en résoudra :

La nouvelle carte des régions a été adoptée par le Parlement.

Source : http://www.bfmtv.com
http://www.bfmtv.com/politique/la-loi-sur-les-regions-adoptee-definitivement-par-le-parlement-853118.html

Le projet France 2032 prévoit, sans aucune surenchère minimaliste, la formation de cinq grandes provinces métropolitaines et un total de 1000 municipalités seulement, soit 200 municipalités par province. 

[Le 6 mars 2014, l'IFRAP proposait de fusionner les communes de France de moins de 10.000 habitants et indique les chiffres en vigueur chez nos voisins européens.  Plusieurs d'entre eux comme l'Allemagne ont fortement réduit le nombre de municipalités. Urbanews apporte quelques précisions supplémentaires à ce sujet pour la France.]

Ce découpage territorial et fonctionnel n'a pas pour vocation première d'armer la France en vue d'une compétition internationale où il faudrait viser une taille critique permettant de rivaliser ou d'exister en face des Länder allemands, des provinces italiennes ou espagnoles, des autorités locales en Angleterre ... 

Le projet France 2032 n'exclut pas la dimension de combat, ce serait manquer de lucidité. Il n'exclut pas l'organisation rationnelle, moyen efficace de rassembler les forces communes. Il affirme simplement que la fin ultime n'est pas un combat et que les moyens sont seconds, quelle que soit leur importance. Le projet France 2022 s'inscrit dans une recherche passionnée de restauration de la grandeur de la France, non pour elle-même, pour une parade indécente, mais pour un service diligent de toute personne humaine, d'où qu'elle vienne, où qu'elle soit et quelle que soit sa condition. Une grandeur qui donne à chacun l'espace suffisant pour déployer ses talents en se montrant actif tout en demeurant un être de réflexion et de contemplation au service d'une charité authentique et vraie. Une grandeur qui incite chacun d'entre nous à développer le meilleur de lui-même au service de tous, sans exclure quiconque, et dans un élan que n'arrête aucune peur, sinon celle de se croiser les bras en accusant les autres pour justifier son inaction.

Proposer une nouvelle façon de gouverner et d'administrer la France c'est tenir compte de la nécessité, à un moment donné, de déplacer les rapports de force et de modifier les conditions de l'exercice du pouvoir dans notre pays. Ce n'est pas considérer qu'une telle évolution soit impérative : si les règles du jeu politique devaient rester ce qu'elles sont, elles n'empêcheraient pas l'apparition de changements importants. Si proposer un nouveau découpage et un nouveau mode de gouvernement du territoire français entraînait des tensions trop vives, il faudrait y renoncer. 

Le but du projet France 2032 n'est pas de changer les règles du jeu politique pour les changer à tout prix, parce que ce serait dans l'air du temps, parce qu'il n'y aurait pas d'autre possibilité, parce qu'il faudrait sortir de la cinquième république, ... Les modifications proposées sont là pour faciliter le déploiement d'une nouvelle façon de gouverner la France.

Ce qui reste fondamental, au delà des nouvelles pratiques, ce sont les bénéfices attendus et la prise en compte, toujours plus juste, de ce que vivent nos contemporains. 

Le projet France 2032 prévoit qu'une part significative de l'action du Président de la République et du Gouvernement ne consistera plus à lancer des réformes multiples et en tous sens mais à organiser le jeu des courants réformateurs de telle sorte que les innovations les plus valables prennent le pas sur les réponses clientélistes voire nuisibles ; sur les réponses à la petite semaine ; sur les réponses qui passent à côté de l'essentiel et ne promeuvent que l'accessoire.

Le Président de la République française doit demeurer le garant d'un bien commun qui dépasse les intérêts de quelques-uns. Il lui revient de fixer un cap clair qui oriente les efforts des différents corps intermédiaires. Il doit aussi veiller à limiter le jeu des perturbations suscitées par tous ceux qui ne pensent qu'à innover pour le plaisir de provoquer, qui confondent le beau et le neuf, le nouveau et le vrai, l'étrange et le bon. 

Dans un monde sans cesse en mouvement où les jeux d'interaction se multiplient, tous les acteurs ont besoin d'éléments stables leur permettant de préparer l'avenir sans redouter un énième changement qui bouleversera leurs plans et les obligera à renoncer à des progrès pourtant prometteurs. Aujourd'hui plus qu'hier, le monde contemporain et notre planète sont sujets à des aléas assez nombreux. En ajouter par des politiques incohérentes, pensées à très court-terme et même inapplicables sur le terrain conduit nombre de nos concitoyens à désespérer d'un personnel politique qui ressemble davantage à une girouette qu'à un phare solidement planté sur le rivage. 

La première conviction qui anime le projet France 2032 est celle-ci : c'est aux acteurs de terrain de susciter et de mettre en oeuvre les réformes importantes dont notre pays a un urgent besoin. Dans la nouvelle configuration proposée, ce sont les gouverneurs municipaux qui seront les principaux vecteurs des changements vitaux pour la France. Chaque gouverneur municipal sur son territoire et les gouverneurs municipaux d'une province, réunis en assemblée auront désormais la capacité d'agir sans avoir à quémander des subsides : l'impôt sera principalement prélevé à l'échelle des municipalités. Les projets de chaque province seront alors portés par les communes et les projets nationaux par les provinces. Notons à ce propos que l'impôt et la politique fiscale doivent être profondément remaniés : non plus des prélèvements déconnectés de leurs emplois mais des rémunérations bien calculées et bien calibrées de droits d'usage. Vaste programme qui fera l'objet d'une tribune séparée quand le moment sera venu de préciser les termes de cette réforme de fond. Il est temps en effet de sortir d'une fausse gratuité qui se donne les apparences de la générosité mais qui, en sous main, ruine les intérêts des plus vulnérables et conduit notre pays à un désastre économique sans précédent.

Cette nouvelle architecture des pouvoirs amplifie le rôle des gouverneurs municipaux et apporte une lisibilité plus grande à l'action publique : le projet France 2032 tend à supprimer l'empilement des lieux de décision généré par une décentralisation mal conduite. Pour obtenir l'avancement de tel ou tel projet, le politique local n'aura plus à courir d'un lieu à un autre afin de tirer les ficelles les plus juteuses et n'aura plus à cumuler les mandats. Pour un projet de municipalité, il lui suffira d'être à la place pour laquelle il a été élu et pour un projet de province, chaque gouverneur municipal siègera de droit à l'assemblée provinciale.

Etablir seulement cinq grandes provinces comporte des risques : allons-nous voir surgir des féodalités qui n'ont pour préoccupation qu'elles mêmes et leurs intérêts et qui, pour cela, passeront joyeusement au-dessus de l'Etat français afin d'établir des liens directs avec des interlocuteurs internationaux de même poids ? Allons-nous vers un éclatement de la France ? Ce serait effectivement le cas si les pouvoirs principaux, ne se situaient pas en aval, au niveau des municipalités pour l'éducation, l'économie et les finances ou en amont, au niveau de l'Etat ou de l'Europe, pour la défense, les relations internationales et la justice.

Accorder aux nouveaux gouverneurs municipaux des pouvoirs plus étendus et des moyens plus généreux pour gouverner n'est pas sans risque non plus : comment éviter les décisions qui ne visent qu'à satisfaire un intérêt particulier dans le but inavoué de se maintenir en place ? Plusieurs réponses sont possibles : le contrôle par l'Etat (au niveau des départements) et par les provinces ; la mise en place de véritable document programmatique pour le développement des communes : les candidats aux élections municipales auront à présenter non pas une vague profession de foi mais un projet chiffré tenant compte des charges et des recettes de la municipalité. Enfin, il va de soi qu'aucune disposition juridique n'a le pouvoir absolu de rendre les élus honnêtes et irréprochables. Au lieu de mettre en avant tout ce qui montre que certains abusent malheureusement de leur position pour des buts peu louables, nous aurons intérêt à garder en mémoire tous les politiques qui ont agi en donnant l'exemple du dévouement et du désintéressement : "... Louis [de Castelbajac] a été sollicité, dès 1959, pour faire partie du conseil municipal du maire socialiste Pellegrin, avec qui il s'entend fort bien. Il sera lui-même maire de la commune de Sainte-Gemme entre 1965 et 1978. A la table familiale, la conversation tourne souvent autour des problèmes sociaux et agricoles du canton. Administrateur dévoué, modèle, Louis a présidé pendant des années le syndicat d'adduction d'eau de Mauvezin mais il a veillé à ce que Lauret [sa propriété] soit le dernier point à alimenter en eau ... une fois seulement que toutes les fermes du canton auront été desservies !" (cf. "Claire de Castelbajac, Dominique Marie Dauzet, Presses de la Renaissance, 2010 p. 33)

Pendant que chacun se mobilisera de plus en plus pour autrui (point que nous développons dans la seconde partie de cette tribune), il est de la plus haute importance que l'Etat français fasse preuve de discernement et d'une sagesse séculaire qui transcende les appétits mondains lesquels ne songent qu'à briller et à virevolter. A la bougeotte des partis cherchant à bousculer les traditions les plus solides et les plus sûres, l'Etat impartial doit opposer une fin de non recevoir ferme et sans compromission. Le gouvernement national de la France s'il ne devient plus porteur des réformes, initiées désormais par les pouvoirs locaux, n'en garde pas moins un rôle éminent : il lui faut veiller à la cohérence de l'ensemble dans l'espace et dans le temps. Soucieux de cohérence et de solidité et donc de vérité, l'Etat français renouvelé dans ses prérogatives et ses missions pourra garantir, beaucoup mieux qu'il ne le fait aujourd'hui, un climat serein, stable et assez prévisible pour que les plus entreprenants osent se lancer : beaucoup trop d'initiatives heureuses échouent ou ont du mal à s'épanouir aujourd'hui en raison de l'instabilité permanente qu'entretient un Etat décervelé, en mal de séduction, prompt à défaire le lendemain ce qu'il avait à peine échafaudé la veille. A l'imprévisibilité d'un monde en pleine mutation, l'Etat français a trop souvent, ces derniers temps, ajouté sa part d'aléa et d'incertitude angoissante. Le résultat des tergiversations passées est maintenant sous nos yeux : alors qu'il faudrait prendre à bras le corps le destin d'un peuple bousculé par l'avènement d'un monde nouveau, que nous ont proposé certains candidats à l'élection présidentielle de 2012 ? De basculer mollement dans l'erreur grammairienne que dénonçait Montaigne il y a déjà plus de 400 ans : "La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes ". Essai II, 12. Quand certains veulent à toute force qualifier le mariage de l'adjectif "homosexuel", ils commettent l'une de ces erreurs grammairiennes, occasion de trouble tant qu'elle n'est pas vue comme telle. Un adjectif en français, comme dans les autres langues, n'a pas le pouvoir d'étendre un ensemble d'éléments mais se contente plus modestement d'extraire une partie d'un tout en la qualifiant de manière particulière. Parmi tous les mariages, il en est qui sont heureux, d'autres qui le sont moins. Il en est des valides, d'autres qui le ne le sont pas. Parler de "mariage homosexuel" comme d'une catégorie de mariages parmi d'autres est une faute grave contre la langue d'un peuple, contre ce peuple lui-même. Quand on cherche à donner à un simple adjectif (employé à tort et à travers pour qualifier les personnes et non seulement les actes) le pouvoir de perturber le sens d'un substantif, on s'apprête à devenir complice des erreurs les plus graves, de tous les attentats contre la personne humaine et sa dignité.


2. Vie économique et sociale

Le but principal est de réduire l'inactivité, facteur de misère matérielle, morale et spirituelle. Se focaliser aujourd'hui sur le chômage des actifs est insuffisant pour remédier aux difficultés économiques et sociales : toute personne, qu'elle soit jeune ou âgée, a un pupitre à tenir. Au "Nul n'est de trop dans l'Eglise" de Benoît XVI répond en écho un "Nul ne doit être de trop en France".

Une politique de grands projets telle que l'a dessinée Michel Leclerc dès 1994 (cf. 7 mesures pour vaincre le chômage aux éditions du Rocher) peut avoir une incidence forte sur le chômage des actifs en France, en Europe, dans le bassin méditerranéen et en Afrique. C'est un premier pas, non seulement pour accroître l'emploi mais aussi pour redonner un souffle à des pays où la morosité a fini par s'installer faute d'élan et de vision à long terme. Depuis 2008, le projet de grande muraille verte est un exemple stimulant pour tous ceux qui hésiteraient encore à établir un programme ambitieux et se contenteraient de proposer aux électeurs français un programme sans âme pour les élections présidentielles de 2017.

Une politique de grands projets est un premier volet à compléter par un ensemble de mesures qui donnent à tous d'être actifs autant que leurs capacités et leurs forces le leur permettent car le poids des causes désargentées (éducation, santé, sécurité, défense ...) ne peut être porté par les seuls bénéfices des activités marchandes. Assumer les charges qu'elles requièrent doit devenir le souci de chaque citoyen. Souci familier et bénévole dans un premier temps. Souci obligatoire et rémunéré dans un second temps. Nul n'est en droit de recevoir une formation de longue durée - 15 ans de la petite section à la terminale - sans être redevable à un moment de sa vie de tout ce qu'il a reçu. Ainsi en va-t-il également des soins qu'il a reçus et de tout ce qui lui a permis et lui permet encore de vivre en France, en Europe ou ailleurs.

Se familiariser au souci des causes désargentées est l'un des piliers d'une éducation équilibrée et commence par la prise en charge dès le plus jeune âge de services charitables. En venant en aide aux plus pauvres, dans la mesure de ses possibilités, l'adolescent apprend à orienter son coeur vers ce qui en vaut la peine : non pas l'ambition d'une fortune vite acquise comme rançon de ses mérites hors du commun mais le désir et la volonté ferme d'apporter sa pierre à un édifice où tous n'ont pu encore trouver leur place et où chacun, pour des raisons diverses qui ne tiennent pas seulement à des politiques inadéquates, risque de perdre la sienne. Confronté aux drames de l'alcoolisme, de la perte d'emploi subite et de tous ces maux qu'aucune politique ne parvient à éradiquer, l'adolescent comprend vite que la part du jeu dangereux et de l'inconséquence se paie au prix fort : celui de l'irréversibilité, du déshonneur, de la déchéance ou de la grande misère. Cette sensibilité aux malheurs des autres et l'action diligente qui tente d'y porter remède a toujours eu droit de cité en France. Voici comme en témoigne Claire de Castelbajac dans une lettre à ses parents du 25 octobre 1965 : "Figurez-vous qu'aujourd'hui, l'assistante sociale du quartier de Rangueil est venue, elle nous a dit que le quartier était pauvre, elle nous a proposé de faire des équipes de six pour aller faire le ménage, garder les enfants, faire les commissions, etc. le jeudi. Je me suis inscrite." (Ibid. , p. 71-72).

La double conviction qui anime le projet à propos de l'économie est la suivante :

1. La réduction du temps de travail rémunéré n'est valablement applicable qu'aux personnes ayant des situations confortables.

2. Tous les citoyens, sans exception, ont à prendre part à des travaux aujourd'hui mal rémunérés et pourtant essentiels.

La question du temps de travail rémunéré est capitale et s'inscrit aujourd'hui dans un contexte économique caractérisé par la montée en puissance de l'Amérique du sud, de la Russie, de l'Inde, de la Chine, des pays de l'Asie du sud-est et de l'Afrique. Si nous voulons rester maîtres de nos choix, nous avons d'une part à modifier en profondeur l'emploi de tous les actifs potentiels, le facteur humain du travail, jeunes et seniors compris, et d'autre part à anticiper sur l'évolution des cours des différents facteurs non humains du travail : coûts des matières et de l'énergie. Aujourd'hui, on insiste à juste titre sur le facteur immatériel qui ne souffre d'aucune pénurie mais qui réclame une politique de recherche et d'innovation dynamique.

Pour fonder son projet économique, France 2032 s'appuie sur les tendances prévisibles suivantes :

- hausse très forte des coûts des facteurs primaires essentiels : eau potable, air sain, sols fertiles, le tout non gravement pollué. En un mot, des espaces d'habitation et de production non dangereux pour l'homme ;

- hausse forte des coûts des matières premières ; 

- hausse modérée à forte (ou même baisse) des coûts énergétiques.

Le but secondaire mais pas du tout accessoire est donc de préparer et d'encourager toutes les actions qui permettront à la France, à ses voisins et au-delà, de résister aux pressions et aux dérèglements économiques qui broient l'homme pour des profits à court terme, obtenus en spéculant sur la rareté. Alors que nos appétits de consommation se sont tournés vers les biens matériels pour oublier les restrictions de la seconde guerre mondiale, nous allons devoir réorienter nos soifs vers ce qui ne s'épuise pas : le temps et la présence que nous pouvons nous offrir mutuellement, les services que nous pouvons nous rendre, les connaissances que nous pouvons transmettre avec générosité ... Cette économie nouvelle où le temps, l'intensité et la qualité de la présence prennent de plus en plus de place, ne fonctionne harmonieusement que si chacun, personne physique ou morale, y prend part en cherchant à augmenter son quotient individuel "contribution sur rétribution" et non l'inverse.

Ne pas spéculer sur la rareté ... S'il fallait garder une seule ligne directrice, nous pourrions ne retenir que celle-là. L'économie de la France sera d'autant plus forte qu'elle mettra en avant tous les principes, toutes les stratégies, tous les procédés, toutes les actions ... qui battent en brèche les discours alarmistes et les mesures qui en découlent quant au manque de ceci ou de cela. Si chacun de nous, en France, renonçait à prétendre faire fortune à la faveur de tel ou tel manque : baisse du crédit, rareté des capitaux, défaut de connaissance, pénurie de matière ou d'énergie, ... Si chacun consentait à en faire son cheval de bataille, conquérant mais pacifique, une ère vraiment nouvelle s'ouvrirait.

Dès 1947, un médecin français, Jean Laigret ouvrait une voie dans la conquête de l'indépendance énergétique. Quelques passionnés s'en sont fait l'écho récemment. Les pages qu'ils offrent sur la Toile sont un exemple parmi d'autres des feuilles d'un arbre de vie dans lequel la connaissance et la vérité, la confiance et l'équilibre, se répandent à profusion.

Chacun, à sa place, a la possibilité de contribuer au recul de la spéculation sur la rareté en rappelant à temps et à contre temps que certaines raretés sont entretenues tandis que d'autres, bien réelles, sont occultées ; en développant ses propres connaissances sur l'état du monde ou sur l'homme véritable et non pas fantasmé ; en contribuant activement au développement d'une économie d'abondance à l'image de ce que la nature offre chaque jour sous nos yeux.

Chacun d'entre nous a la capacité d'être prodigue de son temps dès lors qu'il refuse de monnayer chaque minute, dès lors qu'il oriente ses pensées et ses actions non vers ce qui rapporte le plus à brève échéance mais vers ce qui a besoin de temps pour germer, pousser, fleurir et fructifier. Au risque excitant d'un bon coup qui prendra de vitesse les autres - ces abrutis qui n'ont pas été capables d'être rapides - nous pouvons choisir le risque de la durée qui réclame notre patience et la collaboration de ces autres, pas plus idiots que soi. Ces autres sont prêts à participer à une oeuvre qui dépasse l'égoïsme individuel pourvu qu'elle soit présentée comme un but qui vaut la peine d'abandonner un confort illusoire, une possession fragile, une situation de rente ... et de se mettre en marche. 

Finalement le choix est simple : ou bien nous vivons pour exclure le plus grand nombre d'une course frénétique entre super cracks, ou bien nous avons à coeur de rassembler la caravane en acceptant de ralentir le pas quand les plus fatigués d'entre nous n'en peuvent plus.



France ... Maison du pain


En guise de prélude pour le lecteur non pressé :

http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&v=EGQlJQ_3-Sg&NR=1



Veille de Noël, dans une boulangerie comme il en existe tant d'autres en France, un couple d'Américains s'apprête à retourner de l'autre côté de l'Atlantique en emportant une baguette parisienne et un pain complet. Il demande qu'ils soient enveloppés de plastique pour tenir le temps du voyage tandis que la boulangère explique que ce sera mieux dans du papier ...

Du bon pain, on en trouve ailleurs dans le monde : en Allemagne, dans un village bavarois, vous aurez la joie d'en découvrir suspendu à la porte de l'appartement que vous louerez pour les vacances ; au Liban ou en Palestine, les marchands ambulants vous régaleront de pain au sésame ... En exil ici ou là, vos compatriotes vous rejoindront en vous apportant fromage, saucisson et vin de France pour couronner le tout parce que, même si le bon pain se trouve ailleurs, il manquera toujours quelque chose du pays.

Douce France que certains déclarent trop arrogante, trop fière de ses conquêtes ou de ses avantages mais voilà, héritier, de longue ou de fraîche date, des Gaulois et de leurs envahisseurs, on comprend vite, à moins d'être obtus, que les produits du terroir devraient figurer sur le drapeau de la nation tant les mentalités en sont imprégnées. Gare alors à celui qui tente d'exporter chez nous ses propres repères. C'est comme s'il commettait un acte sacrilège. Qu'il vende des productions venues d'ailleurs, soit. Cela ne fait qu'enrichir un patrimoine déjà considérable mais s'il s'avise d'opposer ses coutumes culinaires aux nôtres, nous nous sentirons atteints au plus profond de notre identité. Nous l'interprèterons comme volonté délibérée de ne pas faire partie du paysage, de nous déclarer la guerre. L'effronté comprendra bien un jour qu'elle était, pour lui, perdue d'avance.

En choisissant aujourd'hui de nous intéresser au versant sud de la France, à ses atouts les plus manifestes comme les plus secrets, nous aurions tort pourtant de commencer par la gastronomie, aussi noble soit-elle, et par tout ce qui la prépare en amont. En établissant un projet politique vraiment neuf dans ses principes et ses développements, comment ne pas songer d'abord à la situation géographique exceptionnelle du territoire français ? Comment ne pas choisir de s'intéresser d'abord aux pays qui l'entourent et à ces rivages qui l'orientent d'emblée vers l'extérieur ? Non seulement pour justifier un découpage régional nouveau mais plus encore pour que chacun mesure de plus en plus la chance que nous avons d'habiter un sol tellement ouvert sur le monde alentour. Ce ne sont pas les censeurs et juges de bonne conduite, prompts à taxer le Français moyen de racisme, de xénophobie affichée ou latente, qui pourront détruire en nous le formidable appétit pour l'ailleurs qui gît au fond de nos entrailles. Quel peuple aussi fier de ses racines pourrait se prévaloir d'autant d'intérêt pour ce qui l'entoure ? Il suffit certes de franchir la Manche pour découvrir chez nos amis anglais des explorateurs exceptionnels dont nul n'égalera jamais la fantaisie et la curiosité mais de ce côté-ci, c'est un peuple tout entier qui vit au rythme des soubresauts du monde, qui se passionne pour l'ailleurs, qui vibre en écho à tout ce qui bouge et vit sur terre. Au point d'en oublier parfois les soins du ménage, les affaires domestiques, la nécessité première de mettre sa propre maison en bon ordre avant de vouloir enseigner aux autres peuples tout ce qu'il conviendrait de faire pour que le monde aille mieux !

Une citation éclairante dont nous invitons le lecteur amateur d'énigme à retrouver la source - une conversation tout à fait admirable et instructive de notre temps - nous engage à rester modestes et très ouverts sur les qualités de nos voisins : "Vous savez, les Italiens savent vivre et prendre un peu de distance avec les ambitions humaines et leurs pauvres plans ! Tandis que les Français baignent dans le monde des idées, rigides et tranchantes, comme le couperet de la guillotine que nous avons inventée." Le lecteur ayant pris connaissance de l'ensemble du projet France2022 aura noté qu'il évite de multiplier les mesures secondaires pour développer les lignes de force d'une action commune dans laquelle l'Etat tient un rôle éminent mais n'occupe pas toute la scène politique. Cette conception nouvelle du rôle de l'Etat, moins jacobine, implique une redéfinition des fonctions et des pouvoirs du Président de la République française. Celui-ci, bien plus chef de la Nation que chef de l'Etat, libéré d'une partie du gouvernement interne du pays, devra veiller davantage à la qualité des relations de la France avec nos voisins les plus immédiats et avec le reste du monde. Au fil des années, la France, qu'on le veuille ou non, devient un petit pays à l'échelle de la planète. Ce n'est pas en se cramponnant au rôle de donneuse de leçons que la France rayonnera et s'épanouira. Il est temps qu'elle prenne la mesure de sa petitesse et qu'elle travaille avec beaucoup plus d'humilité sans pour autant oublier d'être de plus en plus magnanime.









Manifs pour tous

L'actualité de la fin de l'année 2013 et du début de l'année 2014 en France nous offre encore un motif sérieux de nous réjouir : alors que le sommet de l'Etat français s'entête à naviguer sans boussole, sans carte et sans âme, des milliers de citoyens courageux, paisibles et solides arpentent les rues de Paris et de nos provinces afin de protester contre une destruction massive, insidieuse et malveillante des piliers de notre société. Ils refusent pacifiquement que des éléments de stabilité vitaux pour la société française soient jetés par-dessus bord au prétexte qu'ils seraient devenus caduques. 

Quelques analystes sérieux de cet événement notent à l'occasion que des rapprochements prometteurs se sont opérés entre des citoyens que les incendiaires de tout poil prennent un malin plaisir à opposer pour attiser la haine et semer la discorde dans un pays qui aurait besoin au contraire de serrer les rangs afin de faire davantage corps, afin de rassembler ses forces et de surmonter les graves difficultés du moment. Ainsi voit-on des citoyens d'origine étrangère, de culture musulmane notamment, défendre des principes de bon sens au côté d'autres citoyens également soucieux des conséquences désastreuses de l'action d'un gouvernement qui a perdu le nord pour satisfaire les franges les plus extrêmes de ses partisans. Les commentateurs aveuglés par leur suffisance ne manqueront pas de parler d'archaïsmes et d'y trouver la preuve définitive de l'inanité d'un combat dépassé. Comment pourraient-ils voir ce qui est en train de se passer sur le terrain ? Ils ne savent faire qu'une seule chose : jongler avec des catégories de pensée qui écrasent le réel alors qu'elles devraient mettre en relief la complexité de ses innombrables dimensions. Formés à l'école d'une mathématique mal digérée, ces mauvais penseurs ne savent plus ce qu'analyser et comparer veulent dire. Parfois même, ils ne savent plus compter !

Les veilleurs et nos contemporains qui défilent sans rien casser mais en prenant le risque d'être arrêtés par une police aux ordres d'un pyromane offrent au monde entier l'image d'une France vaillante qui ne cède pas aux modes et aux mirages d'un progrès illusoire. Ce mouvement de fond balaiera, tôt ou tard, les prétentions de ceux qui, pour être dans le vent, choisissent un destin de feuilles mortes ; il engloutira aussi les velléités de ceux dont la principale occupation est d'adorer leur nombril, de vivre pour eux-mêmes, sans le moindre souci de justice le plus élémentaire.

De l'autre côté des Pyrénées, l'Espagne anticipe avec quelques années d'avance ce qu'il adviendra des dispositions suicidaires que notre gouvernement, sans pilote mais à la botte d'extrémistes dangereux, tente d'imposer à une majorité qui n'en veut pas tandis qu'elle n'en peut plus d'avoir à supporter l'incompétence de politiques parvenus au pouvoir par la manigance, la dissimulation et le mensonge. Ceux-ci sortiront bientôt de l'arène, la tête basse, les bras ballants et le coeur amer. Ils maudiront le peuple, le taxeront d'ingratitude et tenteront de se réconforter dans l'entre-soi qui seul leur convient : là, point de contradicteurs ou d'esprits libres pour les rappeler à leur devoir mais cet aréopage immonde de courtisans qui se nourrissent du sang des pauvres, vomissent sur le moindre état de faiblesse, assassinent de leur langue fourchue tous ceux qui ne pensent pas exactement comme eux.

La régence françouesque a parfois des allures de dictature policière quand elle s'en prend à des manifestants inoffensifs de manière arbitraire tandis qu'elle laisse des casseurs organisés saccager la ville de Nantes. Elle est si pitoyable qu'elle fait sourire ceux qui la servent : ils se régalent d'avoir à suivre les pantomimes d'un roi nu, à la démarche faussement assurée et pourtant imbu de lui-même. Ils savent d'avance que, plus il sera détesté, plus il aura besoin d'être rassuré. Ils attendent la moindre occasion pour lui glisser à l'oreille une idée venimeuse, un projet foireux, une intention maléfique, le tout enrobé de flatterie dégoulinante. Le malheur, apparent, est que, pendant ce temps, la France qui trime n'a pas ces loisirs de parvenus. Que valent en effet ces occupations d'apparatchiks ? Néant sans lendemain. Illusions empressées de faux actifs qui feraient mieux d'aller se ressaisir avant de recevoir le coup qui les contraindra au repos forcé, à la rumination stérile pour les plus endurcis, au réveil salutaire pour les hommes de bonne volonté.