L'une des grandes causes du marasme actuel en France est la prolongation de dispositions qui furent valables en leur temps mais qui sont devenues obsolètes voire néfastes aujourd'hui.
En faisant en sorte que le prix des denrées alimentaires baisse fortement dans les années d'après guerre, on a permis aux autres pôles économiques de la nation française de se développer, notamment l'industrie : disposant d'un revenu supplémentaire allouable à d'autres achats que la seule nourriture, les Français ont pu améliorer le confort des habitations et acquérir des biens d'équipement dont ils manquaient parfois cruellement.
Il serait stupide de s'en plaindre maintenant. Ces acquisitions ont libéré l'activité humaine de contraintes pénibles. Prôner un retour à un âge préindustriel serait faire fi des progrès formidables obtenus et des libérations de temps générées.
Aujourd'hui, malheureusement, cette politique de baisse des prix agricoles provoque des catastrophes en série. Le chômage dont les causes sont évidemment multifactorielles en est l'un des symptômes les plus visibles.
Pour être précis et juste, il faudrait ici développer longuement l'argument. Disons en quelques mots que nous avons fini par nous habituer à des PRIX de BIENS MATERIELS qui n'intègrent pas de façon optimale tous les coûts de production, qu'il s'agisse de la fabrication elle-même mais, aussi, de tout ce qui la rend possible : terres défendues, routes, infrastructures, financements, machines, automates, ... et encore de tout ce qui la précède : approvisionnement, savoir-faire, recherche, ... ou de tout ce qui permet d'acheminer les produits vers les lieux de consommation : infrastructures toujours ! , protégées, entretenues, améliorées, ... ; stockage sûr et suivi ; transports multiples, rapides et garantis ; commercialisation à différentes échelles ; ajustement des prix optimal ; conditionnement ; conserverie ; chaîne du froid ; lieux multiples de vente ... Prix de biens matériels qui n'intègrent pas les coûts induits par de mauvaises pratiques : surproduction de mauvaise qualité, pollutions diverses, problèmes de santé résultant d'une consommation de biens nocifs pour le corps ou l'esprit humain. (Voir la fin de cette tribune)
D'un côté, chaque consommateur constate que les prix d'achat, notamment des denrées alimentaires, sont à la fois très variables et trop élevés au détail tandis que, de l'autre côté, à l'autre bout de la chaîne, les producteurs de biens, notamment les produits agricoles, sont mal rémunérés quand ils ne sont pas poussés à la faillite par une course en avant des normes, des règles sanitaires et même de quelques pratiques bancaires douteuses, ce dont le monde paysan a particulièrement souffert à partir des années 70.
On pourrait dénoncer, comme on l'entend dire, non sans raisons, le poids des intermédiaires. Ce serait oublier que dans une société qui se complexifie au fil du temps, le nombre d'intermédiaires a tendance à augmenter. Les mouvements qui essaient aujourd'hui de réduire ce nombre d'intermédiaires, s'ils sont sympathiques et parfois tout à fait justifiés, ne parviendront pas à inverser la tendance de fond. Tout juste peut-on espérer que l'informatisation réussisse à diminuer les coûts des activités des intermédiaires entre le consommateur (foyers ou entreprises de transformation) et les producteurs de matières premières dont les denrées alimentaires.
Le comble est atteint quand on s'aperçoit qu'en réalité nous vivons sur l'illusion de coûts de production globaux de MATIERES (donc non seulement à la source mais tout au long de la chaîne d'approvisionnement) qui sont plus élevés que ceux que nous sommes prêts à supporter. Habitués à des prix dont l'AFFICHAGE est artificiellement maintenu assez bas pour être supportables et pour libérer des possibilités de consommation variées, le consommateur ne se rend plus compte du coût réel des biens matériels qu'il achète.
Ainsi en est-il de postes aussi sensibles pour le budget des ménages que l'alimentation, l'habillement ... mais aussi celui de l'instruction et de l'éducation (ce deuxième poste mériterait à lui seul une analyse détaillée). Si nous en restons à la seule alimentation, nous avons bien du mal à mesurer aujourd'hui que le coût global de la production de nourriture est beaucoup plus important qu'il n'y paraît.
Une politique courageuse de vérité qu'un chef de l'Etat, digne de ce nom, doit soutenir consiste à rétablir chaque fois que c'est possible la vérité des coûts et par répercussion celle des prix. De le faire, non pas ponctuellement en se contentant d'effets d'annonce sans suite mais d'y veiller tout au long de sa mandature et bien au-delà.
Sinon, nous serons témoins d'une aggravation de plus en plus alarmante de la situation économique et sociale en France selon le mécanisme suivant : le consommateur achète une denrée alimentaire en râlant - il veut se nourrir pour moins cher afin de dépenser son argent à d'autres fins - , à un prix qui lui semble trop élevé mais qui, en réalité, est inférieur ou à peine supérieur aux coûts totaux de production. La marge étant trop faible, ce sont les acteurs les plus vulnérables de la chaîne de production qui en souffrent, notamment chez nous, les agriculteurs et les éleveurs mais davantage encore, ailleurs dans le monde entier.
Autre effet nuisible, le consommateur qui dispose d'un pouvoir d'achat supérieur à la moyenne a tendance à gaspiller ces denrées acquises à un prix trop faible. Habitué à se nourrir pour le moins cher possible, le consommateur croît pouvoir dépenser dans d'autres domaines et ne s'en prive pas. Y prenant goût, il se rue sur toutes les promotions qui tirent le prix de la nourriture vers le bas, qu'elle soit d'une qualité nutritive douteuse ou qu'elle ne le soit pas, espérant ainsi libérer une part de son budget pour d'autres postes de dépenses. Comme d'autres postes de dépense EN FRANCE sont élevés (énergie, logement, éducation, taxes et impôts, ...), son insatisfaction redouble : il pensait pouvoir disposer de revenus suffisants en économisant sur la nourriture mais, non, il lui reste finalement assez peu pour se divertir ou même subvenir à d'autres besoins élémentaires : se chauffer, se déplacer, se vêtir ...
Autre effet nuisible, le consommateur qui dispose d'un pouvoir d'achat supérieur à la moyenne a tendance à gaspiller ces denrées acquises à un prix trop faible. Habitué à se nourrir pour le moins cher possible, le consommateur croît pouvoir dépenser dans d'autres domaines et ne s'en prive pas. Y prenant goût, il se rue sur toutes les promotions qui tirent le prix de la nourriture vers le bas, qu'elle soit d'une qualité nutritive douteuse ou qu'elle ne le soit pas, espérant ainsi libérer une part de son budget pour d'autres postes de dépenses. Comme d'autres postes de dépense EN FRANCE sont élevés (énergie, logement, éducation, taxes et impôts, ...), son insatisfaction redouble : il pensait pouvoir disposer de revenus suffisants en économisant sur la nourriture mais, non, il lui reste finalement assez peu pour se divertir ou même subvenir à d'autres besoins élémentaires : se chauffer, se déplacer, se vêtir ...
Comment résoudre ces conflits ? Pourquoi ne pas tendre vers une plus grande vérité des coûts et des prix qui nous sortent d'une illusion redoutable ?
Se nourrir comme nous le faisons coûte cher et s'il est certainement possible de se nourrir plus sainement pour un coût économique moindre (intégrant les problèmes de santé, de pollution, ...), il est dangereux de croire que l'acquisition de BIENS MATERIELS aurait un coût toujours moindre. Au contraire, se nourrir occupera toujours une place importante dans la somme des efforts que doit consentir un homme. Croire que l'on peut se nourrir ou s'habiller "pour rien" et maintenir cette illusion engendre beaucoup d'amertume et finalement de pauvretés.
Se nourrir comme nous le faisons coûte cher et s'il est certainement possible de se nourrir plus sainement pour un coût économique moindre (intégrant les problèmes de santé, de pollution, ...), il est dangereux de croire que l'acquisition de BIENS MATERIELS aurait un coût toujours moindre. Au contraire, se nourrir occupera toujours une place importante dans la somme des efforts que doit consentir un homme. Croire que l'on peut se nourrir ou s'habiller "pour rien" et maintenir cette illusion engendre beaucoup d'amertume et finalement de pauvretés.
Pour conclure, mieux vaudrait que le coût de l'alimentation en France soit pleinement répercuté sur UN SEUL PRIX et non pas dispersé : d'une part un prix affiché maintenu le plus bas possible en amont pour les producteurs (et si possible pour le consommateur) ; d'autre part des subventions prélevées sur les impôts ... pour maintenir un système de production agricole soit disant performant mais qui ne l'est que d'un point de vue partiel : s'il faut en effet de moins en moins d'hommes pour produire toujours davantage, les coûts annexes ont explosé : énergie, eau, engrais, pesticides, foncier, matériels agricoles, frais divers, financement, immatériel (logiciel, savoir-faire, services de fournisseurs ...) ...
Mieux vaudrait se rendre à l'évidence : se nourrir bien coûte un travail colossal (et qui peut être passionnant pour l'homme, tant pour le producteur que pour le consommateur, quand il est perçu non comme une corvée voire une malédiction mais comme une chance et même un honneur ainsi que l'indique la Genèse) ... qu'il ne convient pas de sous estimer. Ce coût étant perçu à sa juste valeur, l'homme comprend dès lors qu'il n'a pas à espérer des revenus hors normes pour se situer au-dessus d'une troupe de gueux qui tirent le diable par la queue mais qu'il lui faut au contraire travailler intelligemment pour gagner son pain comme tout un chacun sans léser autrui et que LE RESTE de ses gains n'étant pas suffisant, par essence, pour acquérir toujours plus de biens matériels, il convient pour lui d'orienter sagement ses capacités vers l'acquisition de BIENS IMMATERIELS qui ne coûte que du temps, soit ... très peu d'argent dans une société où tout métier est considéré à sa juste valeur ! Ici se glisse aussi la nécessité d'une sagesse donnant à l'homme de comprendre que le bonheur ne résulte pas de l'accumulation de biens matériels ou immatériels mais qu'il grandit dès lors que j'ai appris à savourer ce que je possède déjà, ce qui m'est offert chaque jour.
Mieux vaudrait se rendre à l'évidence : se nourrir bien coûte un travail colossal (et qui peut être passionnant pour l'homme, tant pour le producteur que pour le consommateur, quand il est perçu non comme une corvée voire une malédiction mais comme une chance et même un honneur ainsi que l'indique la Genèse) ... qu'il ne convient pas de sous estimer. Ce coût étant perçu à sa juste valeur, l'homme comprend dès lors qu'il n'a pas à espérer des revenus hors normes pour se situer au-dessus d'une troupe de gueux qui tirent le diable par la queue mais qu'il lui faut au contraire travailler intelligemment pour gagner son pain comme tout un chacun sans léser autrui et que LE RESTE de ses gains n'étant pas suffisant, par essence, pour acquérir toujours plus de biens matériels, il convient pour lui d'orienter sagement ses capacités vers l'acquisition de BIENS IMMATERIELS qui ne coûte que du temps, soit ... très peu d'argent dans une société où tout métier est considéré à sa juste valeur ! Ici se glisse aussi la nécessité d'une sagesse donnant à l'homme de comprendre que le bonheur ne résulte pas de l'accumulation de biens matériels ou immatériels mais qu'il grandit dès lors que j'ai appris à savourer ce que je possède déjà, ce qui m'est offert chaque jour.
Autrement dit : l'équation est simple. Tout homme devant travailler beaucoup pour se nourrir, nul ne peut espérer se nourrir à peu de frais et consacrer une grande part du reste de ses revenus à la consommation de biens matériels. Reste à chacun une marge de revenus (en vérité confortable dans une société bien organisée où les questions d'aménagement du territoire et donc de logements sont bien pensées) pour s'adonner à des loisirs peu coûteux mais passionnants : la lecture profonde et bien d'autres choses tout à fait stimulantes comme les échanges équilibrés et sains entre des êtres qui se respectent, savent apprécier la présence de l'autre, connaissent la joie d'être ensemble pour un partage fraternel, un travail commun, une oeuvre essentielle, une activité de détente ...
Pour aller plus loin, voir : prix du marché et juste prix.
Voir aussi (ajout de février 2016) le livre coécrit par Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien :
Pour aller plus loin, voir : prix du marché et juste prix.
Voir aussi (ajout de février 2016) le livre coécrit par Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien :
"Trois amis en quête de sagesse"
Cf. http://matthieuricard.org/books/trois-amis-en-quete-de-sagesse
Voir aussi : "Mal de dos, mal de bouffe" de Gilles Bacigalupo dont voici un extrait qui souligne avec pertinence l'inadéquation de nos pratiques actuelles en matière de nutrition et de santé :
"En France nous sommes suralimentés mais dénutris !"
"La dégradation de la qualité de nos aliments serait compréhensible et tolérable si notre civilisation occidentale connaissait la disette et la famine ! Il n'en est rien et nous sommes presque tous suralimentés. Mais nous sommes en revanche très souvent dénutris par la pauvreté de nos aliments en micro-nutriments. Le problème alimentaire principal de nos sociétés occidentales n'est pas d'augmenter la quantité de produits mais d'améliorer la qualité.
Confiants, nous croyons faire une bonne affaire lors de nos achats alimentaires à bon marché, pour payer ensuite les dégradations qu'entraîne notre malnutrition. Ce que nous ne payons pas en dépenses alimentaires, nous le dépensons, en double ou triple, en cotisations d'assurance maladie pour le traitement des pathologies induites par notre malbouffe. Ces dépenses de santé, tempérées par les remboursements des organismes d'assurance maladie (et des mutuelles) et la pratique de plus en plus fréquente du tiers payant, ne sont pas autant ressenties que les dépenses alimentaires que nous sortons directement chaque jour de notre porte-monnaie." (p. 26-27 Editions du Rocher 2015).
Confiants, nous croyons faire une bonne affaire lors de nos achats alimentaires à bon marché, pour payer ensuite les dégradations qu'entraîne notre malnutrition. Ce que nous ne payons pas en dépenses alimentaires, nous le dépensons, en double ou triple, en cotisations d'assurance maladie pour le traitement des pathologies induites par notre malbouffe. Ces dépenses de santé, tempérées par les remboursements des organismes d'assurance maladie (et des mutuelles) et la pratique de plus en plus fréquente du tiers payant, ne sont pas autant ressenties que les dépenses alimentaires que nous sortons directement chaque jour de notre porte-monnaie." (p. 26-27 Editions du Rocher 2015).
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